6 - Les programmes de satellites
6.2 - Les satellites de télécommunication
Inmarsat est une organisation internationale créée
en 1976 par une convention regroupant cinquante-sept pays membres. Elle
exploite un système de satellites de télécommunications
avec des mobiles maritimes, terrestres et aériens qui est la référence
mondiale dans ce domaine.
Au premier semestre 1990, Inmarsat émet un appel d'offres pour
trois à neuf satellites au sol, avec option de livraison en orbite.
Une telle affaire apporterait à ATES une charge de travail de l'ordre
de mille hommes/an jusqu'en 1995, prenant ainsi le relais du programme
Telecom 2-SYRACUSE 2 qui doit se terminer fin 1991 pour l'essentiel.
Par ailleurs, elle apporterait à ATES une première expérience
de maître d'oeuvre d'un consortium international (avec Ford, Mitsubishi,
Aérospatiale…).
C'est dire si la réponse à cet appel d'offres est prise
avec sérieux à tous les niveaux de la société.
Aussi, sous le pilotage d'Alain Roger et de son équipe emmenée
par Francis Fraikin et Jean-François Gambart, un véritable
raz-de-marée déferle sur l'entreprise. Mais face à
elle se trouvent des concurrents redoutables : GE Astro/Marconi, Hughes
et BAE/MATRA.
Un premier rapport d'évaluation place ATES en tête au plan
technique, GE Astro en numéro un au plan du management. Quant au
prix (à fournir dans un second temps), c'est la grande inconnue.
Plusieurs comparaisons ont été effectuées sur la base
des derniers programmes internationaux dont le prix a paru dans la presse
spécialisée ; ces premiers éléments montrent
qu'ATES est «hors des clous». Mais les évaluations sont
fragiles et changeantes.
C'est alors qu'intervient le Crédit Lyonnais qui propose à
la Direction Financière, sous réserve - bien entendu - de
l'accord préalable de l'administration fiscale, un montage savant
de double crédit-bail fiscal (double dip) assorti d'une pirouette
de l'argent sur les Docks de Dublin. Monique Blanc, aidée d'une
équipe d'actuaires d'un grand cabinet d'audit, va se dépenser
sans compter pour échafauder un tel montage. Durant le mois qui
précède la remise de l'offre, elle, ses «mercenaires»
et les experts du Crédit Lyonnais vont faire du «non-stop»
dans une ambiance de kermesse. Grâce à ce mécanisme,
l'offre d'ATES revient «dans les clous».
Au même moment, ATES et Aérospatiale reprennent les négociations
concernant un rapprochement de leurs activités satellites.
Enfin, le verdict tombe. On ne peut mieux résumer la déception
de tous que par cette comparaison faite, à l'époque, par
un responsable commercial : «Le client voulait une Mercedes, on
lui a fourni une Rolls Royce au prix d'une Mercedes, alors que GE Astro
(sorti vainqueur) a offert une 2CV… au prix d'une 2CV.» Les couloirs
bruissent du mot «non compliant», tout le monde veut en découdre,
veut faire un procès pour «non compliance»… Et puis
le temps passe. Quelques succès commerciaux obtenus en association
avec Aérospatiale mettent du baume au coeur des équipes. Seuls
les plus anciens se souviendront de cette merveilleuse épopée
qui souda un peu plus l'entreprise.
«Compliant» ou pas, les Américains donnent à
ATES une leçon de «real policy». |