6 - Les programmes de satellites
6.2 - Les satellites de télécommunication
Le programme Eutelsat II, qui démarre en 1985, constitue
la deuxième génération de satellites de télécommunications
de l'organisation européenne Eutelsat. Il fait suite au programme
ECS.
Eutelsat est désormais pleinement opérationnelle et c'est
elle qui va passer les contrats de réalisation des satellites, alors
que, pour la série des ECS, elle avait confié cette
tâche à l'ESA.
Eutelsat II doit permettre d'assurer la continuité des
fonctions de téléphonie, transmission de données,
liaisons d'affaires, distribution de télévision en faisceau
large et diffusion de télévision en faisceau étroit,
en bande Ku. Il doit emporter seize répéteurs d'une puissance
de sortie de 50 watts, utilisables simultanément, y compris en période
d'éclipse. La réutilisation de fréquences est obtenue
par l'emploi de polarisations linéaires orthogonales. La durée
de vie estimée pour chaque satellite est de sept ans.
Après un appel d'offres et une période allouée
à la préparation des propositions au cours du premier semestre
de 1985, le client porte son choix, en février 1986, sur une équipe
industrielle placée sous la maîtrise d'oeuvre d'Aérospatiale
pour l'attribution du contrat. Cette équipe, dont fait partie Alcatel
Espace (ATES), comprend douze industriels appartenant à huit pays
européens.
ATES participe au groupe de projet du maître d'oeuvre, est responsable
de l'ingénierie de la charge utile, développe et réalise
le sous-système d'antennes, fournit des équipements pour
les répéteurs à MSS (Marconi Space Systems, Grande-Bretagne)
et pour le sous-système de télécommande-télémesure-localisation
à MBB (Allemagne). Le marché correspondant est notifié
en juin 1986.
Les modules de service et de charge utile sont développés
séparément avant d'être intégrés dans
une plate-forme stabilisée suivant trois axes de la famille Spacebus
100. Dans les sous-systèmes, la configuration des équipements
autorise une grande souplesse d'exploitation par des commutations associées
à un niveau élevé de redondance.
Les équipements réalisés par ATES pour être
intégrés dans le sous-système répéteurs
sont :
- les amplificateurs de canaux à gain élevé ajustable
par télécommande qui sont construits en technologie hybride
à puces nues avec des transistors à effet de champ ;
- les filtres en Invar mince pour les multiplexeurs de sortie.
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L'équipe d'études d'Eutelsat II et ses matériels
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Dans le sous-système télécommande-télémesure-localisation,
ATES fournit :
- les transpondeurs en bande S qui assurent la mission durant les phases
de transfert et de dérive du satellite ;
- les émetteurs de télémesure, les récepteurs
de télécommande en bande Ku et les multiplexeurs associés
qui assurent la mission lorsque le satellite est à poste.
Le
sous-système antennes comprend deux antennes : l'une assurant une
fonction d'émission, l'autre assurant des fonctions d'émission
et de réception. Les réseaux de sources primaires de l'une
et de l'autre sont reconfigurables par télécommande pour
choisir soit l'émission à gain moyen (couverture de l'ensemble
de l'Europe), soit l'émission à gain élevé
(couverture spécifique d'une région).
Les composants des sources primaires sont spécialement étudiés
pour se protéger contre les effets parasites de l'intermodulation
passive. Les réflecteurs à double grille, conçus par
ATES et réalisés par Aérospatiale, garantissent une
grande discrimination de polarisation et sont protégés par
des écrans dichroïques qui assurent une protection thermique
efficace.
En août 1985, au cours de l'étude de la proposition d'ATES
par les services techniques d'Eutelsat, soit six mois avant le choix des
industriels fournisseurs, une question est posée sur les précautions
prises à l'encontre du phénomène d'intermodulation
passive (PIMP). Ce phénomène, identifié au cours des
grands programmes des années soixante-dix, a pour conséquence
la limitation des performances des systèmes de télécommunications
à multiporteuses mettant en oeuvre de fortes puissances à
l'émission et une grande sensibilité à la réception.
Il est le résultat de la déformation du spectre du signal
émis dans des discontinuités physiques parasites constituant
autant d'éléments d'impédance non linéaire
: oxydation, impuretés, ruptures dans les circuits hyperfréquences
ou d'antennes, microdécharges dans les structures métalliques.
Il se traduit par la génération intempestive de composantes
du spectre émis qui tombent dans la bande de fréquences de
réception et échappent à l'analyse théorique
des bandes utilisables. C'est, en fait, un autobrouillage de la charge
utile du satellite. Les systèmes les plus vulnérables sont
évidemment ceux qui utilisent une antenne commune à l'émission
et à la réception puisqu'ils ne bénéficient
pas du découplage existant en cas d'aériens différents.
C'est le cas de la conception d'ATES pour Eutelsat II.
Au cours du développement des antennes, et après enquête
auprès d'industriels nord-américains, des efforts importants
sont mis en oeuvre :
- analyse théorique pour chiffrer les niveaux des composantes
PIMP risquant d'engendrer le phénomène ;
- très grande rigueur d'exécution et utilisation de technologies
spécifiques pour les circuits hyperfréquences et les antennes
;
- réalisation et utilisation, à la demande d'Eutelsat,
d'un banc de mesures capable de déceler le phénomène
à des niveaux extrêmement faibles, en présence de puissances
émises égales au moins au double de celles engendrées
par la charge utile.
Les résultats de la recette sont satisfaisants au sol et en orbite
: le fonctionnement de la charge utile en mode multiporteuse n'est pas
affecté. Le vieillissement des équipements au cours de la
vie en orbite ne dégrade pas les performances. On peut en conclure
que la conjonction de l'analyse théorique, de la qualité
de la réalisation industrielle et des essais au banc a été
particulièrement efficace.
Six
modèles de vol du satellite ayant été commandés,
ATES termine ses livraisons en octobre 1993. Le premier chef de projet
est Jean Guéranger jusqu'au milieu de 1990, Jean-Louis Lacaze lui
succède jusqu'à la fin du programme.
Les dates de lancement des différents modèles sont les
suivantes :
- F1 le 30 août 1990 par Ariane 4 (V 38) ;
- F2 le 15 janvier 1991 par Ariane 4 (V 41) ;
- F3 le 7 décembre 1991 par Atlas 2 (AC 102) ;
- F4 le 17 juillet 1992 par Ariane 4 (V 51) ;
- F5 le 24 janvier 1994, échec du vol 63 d'Ariane 4 (V
63) ;
- F6 le 28 septembre 1995 par Ariane 4 (V 71).
Aucun incident notable n'est signalé sur le fonctionnement des
équipements fournis par ATES dans les satellites qui ont été
effectivement mis en orbite. |