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Association Amicale des Anciens d'Alcatel Space
CHRONIQUES D'UN MÉTIER de 1963 à 1993
Table | Préf | Intro | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9

6 - Les programmes de satellites

6.2 - Les satellites de télécommunication

Telecom 1

Telecom 1

 

Les préliminaires


Depuis la fin du programme Symphonie, dont les deux satellites ont été mis en orbite en 1974 et 1975, les industriels français de l'espace attendent avec impatience que les administrations nationales décident de la suite à lui donner.

Une expérience a été acquise dans le domaine des télécommunications par satellites et, même si, pour des raisons politiques, Symphonie n'a pu assurer une exploitation commerciale, il a été démontré que les industriels étaient capables de développer des solutions originales et performantes. La durée de vie opérationnelle des satellites dépassera finalement les prévisions initiales.

Un «lobbying» est entrepris pour que l'industrie française puisse continuer d'occuper une position la plus forte possible dans un domaine particulièrement prometteur.

À Thomson-CSF, les principales actions sont menées dès 1976 en direction de la DGT (Direction Générale des Télécommunications) par une équipe composée de Michel Faingold, auquel succédera Michel Lasalle, et de Gérard Coffinet, Directeur Commercial, à partir de 1975, de la Division DFH. Avant de quitter cette Division, André Lepeigneux a donné une impulsion de départ à ces actions.

Les administrations militaires, qui ont déjà passé à Thomson-CSF (Département DSP) quelques marchés d'études de faisabilité sur l'utilisation des satellites pour les télécommunications militaires, sont l'objet de démarches visant à les persuader qu'il est temps de passer aux réalisations concrètes.

Enfin, le CNES, qui a joué un rôle majeur dans le programme Symphonie et ne peut rester étranger à l'éventuelle mise en oeuvre d'un système national de télécommunications par satellites, fait également l'objet de pressantes démarches.

Bien que les interlocuteurs rencontrés dans les administrations aient en général exprimé une certaine sympathie pour les arguments exposés car ils ne sont, eux non plus, pas restés inactifs depuis le succès du programme Symphonie, il faut un certain temps avant que les intentions exprimées ne se matérialisent.

À un niveau différent, mais non sans énergie, car le Département DSP vit alors sa «traversée du désert», sa Direction n'est pas restée inactive dans les démarches auprès des administrations.

Au cours de l'année 1978, les orientations se précisent; un programme national éventuel de télécommunications par satellites utiliserait très probablement à la fois la bande Ku et la bande C. Thomson-CSF est invité à présenter des propositions d'études préliminaires, dont les marchés devront être notifiés avant la fin de l'année. Le Département DSP, avec l'assistance des services techniques de la Division DFH, prépare des propositions sur ce que doivent être les points les plus difficiles des études.

L'année 1978 se termine sans qu'aucun marché d'étude n'ait été notifié. Heureusement, dès le début de 1979, les événements se précipitent, et la décision officielle d'un programme de satellites de télécommunications national est annoncée le 20 février 1979, date de l'accord donné par le Gouvernement. Il reste à choisir le maître d'oeuvre et à préciser l'organisation industrielle.

A priori, rien n'empêche Thomson-CSF de se présenter comme maître d'oeuvre potentiel car, après tout, il s'agit d'un satellite de télécommunications. Cette voie n'est pas retenue pour deux raisons, la première étant que dans l'esprit des administrations françaises, les deux seuls industriels compétents pour ce rôle sont MATRA et Aérospatiale, la seconde étant que Thomson-CSF estime n'avoir pratiquement pas, au niveau national, de concurrent valable pour la charge utile de télécommunications et peut donc légitimement prétendre assurer cette responsabilité auprès de l'un ou l'autre des maîtres d'oeuvre.

Cette optique est finalement retenue par la DGT et il est convenu qu'une compétition sera ouverte entre MATRA et Aérospatiale pour la maîtrise d'oeuvre du satellite, Thomson-CSF étant invitée à proposer sa charge utile à chacun d'eux.

À la suite d'une demande de proposition émise par la DAII (Direction des Affaires Industrielles et Interna­tionales de la DGT) le 13 avril 1979, un premier marché, dit de phase B, est notifié à Thomson-CSF le 26 juillet 1979 pour l'étude de définition  préliminaire de la charge utile. Le chef de projet de cette étude, menée par le Département DSP avec le concours des services techniques de la Division DFH, est Maurice Dumas. En fait, les travaux ont commencé par anticipation dès le mois de juin.

L'aboutissement de cette phase B est, outre un rapport de fin d'étude, une proposition technique et industrielle qui doit être remise au maître d'oeuvre pour être intégrée à sa proposition pour le satellite complet.

Parallèlement, la compétition pour la maîtrise d'oeuvre du satellite aboutit, le 21 septembre 1979, au choix de MATRA pour une étude de phase B. La décision définitive concernant les phases C et D sera prise «en fonction des résultats de cette étude» qui, en particulier, doit «être conduite dans le souci d'obtenir les meilleures contreparties à l'exportation, y compris sur les charges utiles».

Avant que ce choix, d'abord prévu pour fin juillet 1979, ne soit effectué, Thomson-CSF doit répondre à de nombreuses questions de l'Administration sur ses conséquences dans divers domaines tels que, par exemple, les avancées technologiques possibles, les participations des industries étrangères, les perspectives d'exportation de satellites dérivés de Telecom 1, etc.

Dans ses réponses à de telles questions, Thomson-CSF s'efforce toujours d'observer une stricte neutralité vis-à-vis des deux sociétés concurrentes.

Les perspectives d'exportation de satellites dérivés de Telecom 1 donnent lieu à la signature, au début de septembre 1979, d'un MOU (Memorandum Of Understanding) entre British Aerospace, MATRA et Thomson. Ce MOU prévoit que, en cas de victoire de MATRA, les trois sociétés s'engageront à négocier un accord de coopération pour l'exportation de satellites dérivés de Telecom 1.

Un MOU analogue a été signé fin août entre Ford Aerospace, Aerospatiale et Thomson-CSF.

Une première réunion de «kick off» du programme est tenue le 5 octobre 1979 avec le maître d'oeuvre et les diverses administrations intéressées.

Les trois satellites objets du marché sont particulièrement complexes. Les répéteurs composant la charge utile de télécommunications doivent assurer les missions suivantes:

- cinq canaux en bande Ku (14/11 GHz) pour des  liaisons de téléphonie et de services spécialisés intra-entreprises, en France métropolitaine et dans les pays limitrophes;

- un canal en bande Ku pour la distribution de programmes de télévision et de vidéocommunication;

- quatre canaux en bande C (6/4 GHz) pour les liaisons téléphoniques et la distribution de programmes de télévision entre la métropole et les Dom-Tom;

- deux canaux en bande X (8/7 GHz) pour les communications gouvernementales du système SYRACUSE (SYstème de RAdioCommunications Utilisant un SatellitE).
 
 

Dans aucun satellite de télécommunications réalisé  jusqu'à cette époque on n'a pris le risque de faire cohabiter trois bandes de fréquences en plus de la bande S utilisée pour la télémesure et télécommande.

L'une des premières difficultés à résoudre par les ingénieurs du groupe de projet mis en place à DSP est de concevoir un plan de fréquences, à bord du satellite, qui évite toute interférence.

La zone de couverture des antennes doit être adaptée à chacune des missions:

- France et pays limitrophes pour la bande Ku;

- couverture «semi-globale» s'étendant de la Réunion à la zone Antilles-Guyane, sans oublier Saint-Pierre-et-Miquelon, pour la bande C;

- pinceau fin couvrant la zone Antilles-Guyane en bande C;

- couverture globale en bande X.
 
 

En plus de la charge utile de télécommunications, le Département DSP doit fournir le sous-système de télémesure, télécommande et localisation en bande S.

À l'instigation de l'Administration, Thomson s'assure les services, en tant que consultant, de Hughes Aircraft, pour la définition de la charge utile: cette requête est ouvertement justifiée par l'organisme client comme devant réduire les risques dus au «manque d'expérience» de  l'industrie française.

En prenant connaissance des spécifications de la charge utile, lorsqu'ils commencent leur travail au début de 1980, la première réaction des représentants de Hughes Aircraft est de s'étonner que l'on prenne le risque de faire cohabiter trois bandes de fréquences dans la même charge utile. À leur avis, il vaudrait mieux assurer les services prévus avec au moins deux satellites différents.

Après une continuation de la phase B en liaison avec le maître d'oeuvre désigné, MATRA, et avec l'assistance technique de Hughes, la phase de réalisation démarre effectivement en juin 1980, le marché avec les administrations n'étant signé que le 31 décembre 1980 pour deux satellites à lancer plus un modèle de réserve au sol.

Pour ce marché, Thomson-CSF, dont la participation sera supérieure à la moitié du total, a demandé à être conjoint avec le maître d'oeuvre. L'Aérospatiale a accepté cette demande, mais MATRA, qui sera finalement choisi, a refusé, malgré les souhaits de la DGT. Thomson-CSF est donc sous-traitant désigné, avec paiement direct, et MATRA est titulaire du contrat.

La négociation donne lieu à quelques péripéties dont certaines auront des conséquences fâcheuses sur la rentabilité du programme à Thomson-CSF. Le Service Commercial de la Division DFH a une longue expérience des négociations avec l'administration des PTT et pourrait, dans une formule conjointe, en faire bénéficier MATRA. Ce ne sera malheureusement pas le cas.

En particulier, une clause imposée par l'Administration transforme une part non négligeable des paiements en «primes de vol» payables seulement en cas de fonctionnement correct, et un an après la mise en orbite de chacun des deux premiers modèles de vol. Pour Thomson-CSF, cela représente 33 millions de francs, soit plus de 10 % du prix de sa fourniture. Le Service Commercial du Département DSP, chargé d'établir le devis, n'a pas été prévenu en temps utile de l'existence de la clause et n'a donc pas été en mesure d'en tenir compte dans l'évaluation des frais financiers.

Ce n'est que trois ans après la livraison du premier modèle de vol de la charge utile que DSP pourra récupérer en totalité les 33 millions de francs manquants avec, sur la totalité de l'affaire, une marge sérieusement entamée.

Cette formule d'intéressement sous la forme de «primes de vol» sera, par la suite, généralisée dans la plupart des programmes de satellites en étant, à chaque fois, précisée dans les appels d'offres, ce qui permettra, à la différence de Telecom 1, d'en prévoir les conséquences.

Le programme Telecom 1, outre le satellite, comprend la réalisation de stations terriennes auxquelles s'intéressent la filiale Telspace, chargée de ce domaine, ainsi que la Division Faisceaux Hertziens (DFH) qui doit fournir une grande partie des matériels de ces stations.

Une Direction du Programme est créée au niveau de la Division DFH et confiée à Jean-Louis de Montlivault, nouvellement embauché en provenance de l'ESA, qui doit superviser l'exécution de l'ensemble des marchés: charge utile du satellite, stations terriennes et mise en place du réseau militaire SYRACUSE associé à la charge utile militaire du satellite.
 

Le déroulement du programme à DSP


L'arrivée du programme Telecom 1 est à l'origine d'une expansion très rapide du Département DSP qui, depuis 1976, a dû réduire ses effectifs au minimum acceptable pour avoir des chances de redémarrer. Il faut embaucher rapidement et former les nouveaux arrivants.

Le problème des surfaces industrielles devient rapidement critique et il est nécessaire de trouver de nouveaux locaux temporaires (Texas, La Boursidière, Les Mureaux) tout en prospectant pour une nouvelle implantation (Cergy, Toulouse…), en principe définitive.

Devant les risques courus à cause d'une expansion trop rapide, il apparaît raisonnable de limiter ceux-ci en sous-traitant une partie de la charge utile.

Les répéteurs en bande X (8/7 GHz), destinés aux télécommunications gouvernementales, sont choisis pour cette sous-traitance en plein accord avec les administrations clientes. Les raisons de ce choix sont, en premier lieu, qu'il semble relativement facile de trouver, aux États-Unis, des matériels quasi «standard» opérant dans cette bande, et ensuite que cette décision préserve les chances de DSP d'étendre son expérience dans les bande C et Ku, dans le domaine très prometteur des télécommunications civiles.
 

Les sous-traitances à Ford Aerospace


Trois industriels américains, connus pour avoir réalisé des matériels en bande X, sont consultés: Hughes Aircraft, Ford Aerospace et TRW. Hughes ne manifestant pas un réel intérêt pour cette affaire, la compétition sera limitée à Ford et TRW, et c'est Ford qui l'emportera.

On voit alors se créer une situation inédite: alors que dans toutes les affaires de satellites de télécommunications précédentes, et en particulier pour Intelsat, les maîtres d'oeuvre ont été américains, les Européens se contentent du rôle de sous-traitants. Cette fois-ci, le maître d'oeuvre est français, donc a priori moins expérimenté, alors que le sous-traitant est américain, c'est-à-dire, a priori, plus expérimenté. Cette situation, qui ne pose pas de problème important tant que l'affaire se déroule normalement, a cependant pour résultat, lorsqu'une difficulté surgit, une certaine réticence de la part de Ford à accepter les observations des représentants de Thomson. Beaucoup d'opiniâtreté est souvent nécessaire à ces derniers pour obtenir gain de cause.

Le principal incident se produit tout au début de l'affaire. Le contrat entre Ford et Thomson est paraphé par les deux parties le 29 août 1980. Ford repousse ensuite la signature finale pendant trois mois, conditionnant celle-ci à une modification de la spécification sur la distorsion de phase.

En novembre 1980, Ford annonce la nécessité de trouver une solution de remplacement à un transistor à effet de champ dont le fournisseur a arrêté la fabrication. Début décembre, Ford confirme qu'il doit s'orienter vers une solution de remplacement et en indique les conséquences sur les coûts, délais et performances.

Après une dure négociation, le contrat est enfin signé le 13 décembre 1980, moyennant une augmentation de prix non négligeable: 650 000 dollars.

La suite de l'exécution du contrat se déroule sans incident majeur sous l'oeil vigilant des ingénieurs résidents de DSP à Palo Alto: Jean Ramis et Jacques Haydont, et les matériels sont livrés dans les délais prévus.

D'autres matériels seront également sous-traités à Ford: les alimentations (EPC) pour les tubes à ondes progressives des répéteurs en bande Ku (12 GHz). Ces alimentations sont supposées être très voisines de celles que Ford a fournies en grande quantité pour les satellites Intelsat V.

Dans le cadre de cette fourniture, un incident notable mérite d'être signalé, qui démontre que la rigueur adoptée par DSP vis-à-vis de ses sous-traitants, même ayant des références supérieures aux siennes, est loin d'être inutile.

Au cours d'essais de vide thermique effectués en 1982, des anomalies de fonctionnement sont constatées sur le transformateur haute tension de l'EPC qui, en principe, d'après Ford, est supposé être qualifié par analogie avec celui d'Intelsat V.

À haute température et à la pression critique, des disjonctions se produisent. Une longue analyse de défaillance permet de constater l'apparition de fissures dans le matériau isolant au voisinage de la température maximale d'essais, dues à des dilatations différentielles. Des alimentations déjà livrées sont reprises par Ford pour adjonction de dissipateurs thermiques et le fournisseur doit relancer la fabrication d'un nouveau lot pour remplacer les transformateurs où des fissures ont été constatées.

Ces sous-traitances à Ford Aerospace permettent à DSP d'effectuer un bon apprentissage des méthodes à utiliser pour mener à bien une sous-traitance à un grand industriel américain.
 

Les antennes


Antennes TC1Le sous-système «antennes» de Telecom 1 comprend six antennes indépendantes: trois cornets et trois antennes à réflecteurs.

Deux cornets assurent respectivement l'émission et la réception en bande X, le troisième étant consacré à la réception en bande C. Tous assurent une couverture globale.

La conception de ces trois cornets «corrugués» est largement déduite de celle du cornet de réception en bande C du satellite Symphonie. Leur étude et leur réalisation ne se heurtent à aucun problème particulier.Les trois antennes à réflecteurs se répartissent les fonctions suivantes:

- émission en bande C vers la France et les Dom-Tom (antenne dite «semi-globale»);

- réception des six canaux en bande Ku en provenance de la métropole et émission vers cette même couverture des canaux pairs en bande Ku (antenne dite «14/12»);

- émission vers la métropole des canaux impairs en bande Ku et émission d'un pinceau fin en bande C vers la zone Antilles-Guyane (antenne dite «4/12»).
L'ensemble des antennes est entièrement réalisé au Département DSP, à l'exception des réflecteurs en fibres de carbone, sous-traités à l'Aérospatiale. Cette dernière est également chargée d'effectuer les essais d'environnement des antennes complètes.

Sources d'antennesLa source d'alimentation de l'antenne semi-globale donne l'occasion au laboratoire Antennes de DSP de transformer en réalisations concrètes les études d'antennes multisources qui ont commencé quelques années auparavant, à l'occasion d'une proposition pour le satellite brésilien.

La seule difficulté notable rencontrée dans le domaine radioélectrique concerne l'alimentation de la source de l'antenne semi-globale qui, prévue initialement en câble coaxial, doit finalement être remplacée par un guide d'ondes.

Par contre, la mise au point mécanique des réflecteurs, puis de l'ensemble de chacune des antennes, donne lieu à de multiples difficultés qui ne seront résolues qu'au prix de retards sur les délais de livraison contractuels, ces derniers n'entraînant heureusement pas de retard sur la livraison du premier modèle de vol de la charge utile.

Il apparaît rapidement que les logiciels utilisés initialement par l'Aérospatiale pour étudier les déformations thermoélastiques des réflecteurs et des supports, particulièrement critiques pour la stabilité des diagrammes de rayonnement et des directions de pointage, ne sont que partiellement adaptés aux problèmes à résoudre. De plus, DSP ne possède pas, à l'époque, de compétences suffisantes pour superviser ce type de travail.

Par approximations successives, et après des efforts méritoires tant du côté de l'Aérospatiale que de celui de DSP, les problèmes finissent par être résolus. Les antennes sont conformes aux spécifications, et leur comportement en orbite est conforme aux prévisions.
 

Les répéteurs «civils»


Bénéficiant de l'expérience acquise au cours des études et réalisations faites pour les satellites Symphonie, OTS et TDRSS, ainsi qu'au cours de l'exécution de marchés d'étude obtenus auprès de l'organisation Intelsat, le développement des répéteurs permet de matérialiser quelques innovations technologiques. L'une d'elles consiste dans la réalisation de filtres en fibres de carbone pour la bande C.
 

Multiplexeur de sortie (OMUX) de Telecom 1 en bande C
Technologies fibre de carbone

IMUX CLes études de base de cette technologie ont été faites dans le cadre d'un contrat d'aide au développement attribué par le ministère de l'Industrie. Quelques informations ont été obtenues par Francis Violet au cours d'une mission aux États-Unis mais, pour Jacques Urien, responsable de l'étude et du développement, quelques «pièges» subsistent. Faire adhérer la dorure aux parois internes des guides d'ondes et faire ensuite en sorte qu'elle ne se décolle pas sous l'effet des cycles thermiques n'est pas de tout repos. Il faut supporter quelques déceptions avant d'obtenir, par une expérimentation minutieuse, des résultats reproductibles.

Pour «draper» le tissu de fibres sur les mandrins, une opératrice est spécialement formée.

Le problème de l'humidité n'est pas le moindre. Un filtre réglé en atmosphère ambiante voit ses dimensions varier au cours des essais sous vide. Il faut donc tenir compte de ces variations pour le réglage, et réaliser ensuite une enveloppe étanche permettant de maintenir un certain niveau de dessiccation pendant le séjour des filtres dans l'atmosphère terrestre avant le lancement du satellite.

L'un après l'autre, tous ces problèmes sont patiemment résolus, et c'est en grande partie grâce à la technologie des filtres en fibres de carbone pour les répéteurs en bande C que la charge utile de Telecom 1 peut satisfaire aux spécifications de masse.

Pour les filtres en bande Ku, dont les dimensions géométriques sont plus petites, la fibre de carbone n'amène pas un avantage déterminant et la technologie utilisée est celle de l'Invar mince. Elle est développée à Levallois, par la Division DFH qui ajoute cette contribution à celle, très importante, qu'elle apporte dans les études des autres circuits des répéteurs.
 
 

TC1 OMUX Ku (c)Alcatel Space
Multiplexeur de sortie (OMUX)  de Telecom 1 en bande Ku
Technologies invar mince

IMUX KuLa collaboration entre DFH et DSP dans le cycle allant des études aux réalisations des matériels de répéteurs a été «rodée» au cours des programmes précédents; il y a, bien entendu, quelques désaccords momentanés qui sont vite résolus, en grande partie grâce à l'action de Pierre de Bayser qui, étant passé de DFH Levallois à DSP Meudon en octobre 1979, connaît suffisamment les deux unités pour régler rapidement les problèmes, en général mineurs, qui peuvent survenir entre elles.

Les études, le développement et les essais des répéteurs de Telecom 1 ne donnent lieu qu'à peu d'incidents notables.

Le décollement d'un bloc de ferrite dans un isolateur au cours d'un essai de qualification en septembre 1982 est à l'origine d'une analyse de défaillance et à des essais de vieillissement accéléré, dont les conclusions aboutissent à un renforcement des précautions prises au cours du montage et à des essais supplémentaires de déverminage.

Les premiers essais des oscillateurs locaux font craindre que les spécifications de stabilité de fréquence sur sept ans ne soient pas tenues. Des analyses théoriques et expérimentales, conduites à partir du début de l'année 1983, mettent en évidence quelques défauts de conception et de réalisation auxquels il est remédié sans que cela n'affecte les délais de livraison. Finalement, le comportement en orbite des oscillateurs locaux s'avérera conforme aux spécifications.

Enfin, quelques tâtonnements seront nécessaires pour ajuster les tensions de chauffage des cathodes des TOP à 12 et 7 GHz afin d'assurer des durées de vie optimales.
 

TOP bande X
TOP bande Ku

Des modifications aux EPC sont finalement décidées et aboutissent à des interventions à partir du début de 1984, alors que le prototype de vol numéro un (PV1) et la charge utile du MV2 sont déjà intégrés. Il s'agit de modifier et d'ajouter des résistances de réglage. Au total, vingt ATOP seront modifiés de janvier à juin 1984, dont neuf au niveau du satellite intégré, sans démontage total de l'équipement.

Ce n'est qu'au prix de rigoureuses procédures établies avec le plus grand soin que ces modifications peuvent être effectuées sans incident notable.
 

L'intégration


Deux types d'intégration sont effectués par ATES (Alcatel Espace):

- la préintégration du sous-système télémesure-télécommande, avant livraison au maître d'oeuvre MATRA. Cette opération, pour laquelle le Service ES a acquis une bonne expérience dans les programmes précédents, ne donnera lieu à aucun commentaire particulier;

- l'intégration de la charge utile de télécommunications, qui constitue un pas nouveau dans l'expansion du domaine de compétences d'ATES.
 
La charge utile de Telecom 1
 
 Dans le programme précédent, Symphonie, les premières préintégrations des charges utiles ont été dirigées par Siemens pour le MI et le MV1, avec la participation de représentants de Thomson (DSP), alors que Thomson a ensuite intégré les charges utiles du MQ et du MV2 avec la participation de Siemens. Les intégrations finales dans le satellite ont ensuite été conduites à l'Aérospatiale par des équipes de plusieurs sociétés.

Pour Telecom 1, ATES reçoit du maître d'oeuvre MATRA, pour chaque modèle, la partie de la structure devant supporter la charge utile, et prend l'entière responsabilité de l'intégration de cette dernière.

L'expérience récemment acquise dans le programme TDRSS pour la réalisation et la mise en oeuvre de bancs de tests automatiques est mise à profit, cette fois au niveau d'une charge utile complète.
 

Equipe intégration
L'équipe d'intégration de Telecom 1

C'est à Philippe Gsell, qui a fait ses premières armes dans l'intégration de Symphonie, qu'est confiée la responsabilité de l'intégration, tandis que Jean-Claude Lestriez, qui a eu la charge des essais des récepteurs de TDRSS, dirige la conception et la mise en oeuvre des bancs de tests.

Une autre innovation est expérimentée à l'occasion de Telecom 1: le modèle de qualification (MQ), qui, dans la plupart des programmes précédents, n'était plus utilisé après avoir subi les essais dits de qualification, doit, dans le programme Telecom 1, être utilisé comme modèle de vol, avec le nom de prototype de vol numéro un (PV1) après avoir subi, autant que nécessaire, une remise en état après les essais de qualification.
 

Assembage de la charge utile de Telecom 1

Cette procédure, destinée à faire l'économie d'un modèle, se généralisera dans la plupart des programmes ultérieurs.
 

Les livraisons et les lancements


La charge utile du PV1 est intégrée à Toulouse à partir de juin 1982 et livrée à MATRA le 9 juillet 1983.

Le satellite Telecom 1A est lancé de Kourou le 4 août 1984. Pour les autres modèles, les dates sont les suivantes:

- intégration de la charge utile du MV2 à Toulouse: juillet à décembre 1983;

- lancement de Telecom 1B: 8 mai 1985;

- intégration de la charge utile du MV3 à Toulouse: janvier 1984 à février 1985;

- lancement de Telecom 1C: 11 mars 1988.

Telecom 1C

En raison de la longue durée du programme, plusieurs chefs de projet successifs assumeront cette responsabilité pour la charge utile. Après Maurice Dumas, qui dirige la phase B à partir d'avril 1979, Philippe Blanchet prend la direction, de novembre 1979 à octobre 1981. Il est remplacé en octobre 1981 par Bruno Blachier auquel succéderont Jacques Beaucher de novembre 1982 à mai 1985, puis Pierre Jaubert de mai 1985 à la fin du programme, après le lancement de Telecom 1C, en 1988.
 

La vie en orbite


Pour chacun des trois modèles de vol, les opérations de recette en orbite permettent de constater des performances conformes aux spécifications, à quelques détails près.

Cependant, pour le premier modèle, Telecom 1A, des incidents répétés font grand bruit. Environ une fois par jour après la mise sous tension des répéteurs, des disjonctions intempestives se produisent sur au moins un des ATOP à 7 GHz et, plus rarement, sur certains ATOP à 12 GHz.

Le phénomène causant ces interruptions est rapidement identifié comme étant le même qui avait causé des commutations intempestives sur le premier modèle de Symphonie: les surfaces conductrices du satellite ne sont pas équipotentielles, et les champs transitoires créés par des arcs électriques induisent des signaux parasites dans certains circuits de télécommande.

Après chaque interruption, quelques minutes sont nécessaires pour mettre en oeuvre la séquence de remise sous tension du TOP concerné.

Le malheur veut qu'une haute personnalité de la Défense nationale exprime le désir d'utiliser un circuit téléphonique passant par Telecom 1A juste au moment où une disjonction vient de se produire. Le problème technique à résoudre est instantanément devenu une affaire d'État !

Pour Telecom 1A, il n'existe aucun remède. Pour les modèles suivants, le maître d'oeuvre réalise les connexions nécessaires pour que la surface extérieure du satellite soit effectivement équipotentielle. À titre de précaution supplémentaire, on modifie certaines parties du câblage de la charge utile afin d'éviter la formation de boucles captant l'énergie parasite, et on dispose des filtres sur les connexions filaires à l'entrée des alimentations des TOP. Aucun incident de ce genre ne se produira sur Telecom 1B ni sur Telecom 1C.

Telecom 1A et Telecom 1C assureront tous deux leur service au-delà de leur durée de vie nominale de sept ans. Telecom 1B sera mis hors service le 15 janvier 1988 à la suite d'une panne survenue dans l'alimentation de son système de contrôle d'attitude.

TC1 - Crédit Matra SpaceTC1 - Crédit Matra Space

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