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Association Amicale des Anciens d'Alcatel Space
CHRONIQUES D'UN MÉTIER de 1963 à 1993
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6 - Les programmes de satellites

6.1 - Les satellites scientifiques

Helios


Helios - Crédit photo MBBLes sondes Helios 1 et 2 (à ne pas confondre avec les satellites militaires Helios lancés vingt à vingt-cinq ans plus tard) font partie d'un programme scientifique d'observation du Soleil entrepris conjointement par le ministère allemand de la Recherche (BMFT : BundesMinisterium für Forschung und Technologie) représenté par le DFVLR (Deutsche Forschung und Versuchsanstalt für Luft und Raumfahrt, devenu plus tard, DLR) et la NASA.

Les premières discussions officielles germano-américaines sur ce projet de programme remontent à 1966, entre le chancelier allemand Erhard et le président américain Johnson.

Les deux sondes prévues doivent être construites en Allemagne et la NASA doit se charger des lancements. Les communications avec les sondes seront assurées conjointement par les stations du réseau DSN (Deep Space Network) de la NASA, situées à Goldstone (Californie), Canberra (Australie) et Madrid (Espagne), et une station allemande située d'abord à Effelsberg (Eifel) puis à Weilheim (Bavière). L'ensemble des opérations sera dirigé par le centre de contrôle du DFVLR situé à Oberpfaffenhofen (Bavière).

Chaque sonde doit emporter un total de dix expériences, dont sept allemandes et trois américaines, consacrées à l'observation du Soleil et de son influence sur le milieu interplanétaire.

Les trajectoires prévues doivent permettre d'approcher le Soleil jusqu'à environ 0,3 unité astronomique  (1 AU = 150 millions de kilomètres, distance de la Terre au Soleil) posant, entre autres, aux constructeurs, de sérieux problèmes d'équilibre thermique et de résistance aux radiations.

La distance maximale pour les liaisons de télécommande et de télémesure doit atteindre 300 millions de kilomètres.

Le marché de maîtrise d'oeuvre industrielle est attribué, à la fin de 1969, à la société allemande MBB.

La Division MAS de Thomson-CSF, dirigée par Louis Julien-Binard, a été consultée pour la fourniture des transpondeurs chargés de la réception des signaux de télécommande, de l'émission des signaux de télémesure, et de l'acheminement des signaux de mesure de distance. Cette consultation est le résultat des relations établies avec l'industrie allemande dans le programme Symphonie.
 

Helios Elément de l'émetteur
Le chassis "Driver" dans l'émetteur d'Helios

Les spécifications, aussi bien pour l'émetteur que pour le récepteur, qui constituent le transpondeur, semblent particulièrement difficiles à satisfaire, notamment à cause de la fonction «mesure de distance» qui exige une valeur minimale et une très grande stabilité du temps de propagation de groupe («group delay») ; ce genre de difficulté a déjà été rencontré dans le programme Eole, et le Directeur Technique de la Division, Roger Pagazani, ainsi que le chef du Service HY, Marcel Palazo, ne sous-estiment nullement la tâche qui les attend.

Des propositions séparées sont établies pour l'émetteur et pour le récepteur avec quelques doutes sur la faisabilité d'un récepteur entièrement conforme au cahier des charges.

Crédit photo MBBLe marché du récepteur est finalement passé à AEG-Telefunken (établissement d'Ulm) qui est également chargé de l'intégration de l'ensemble du transpondeur. Thomson-CSF obtient le marché de l'émetteur, premier succès remporté à l'exportation face à la concurrence.

La perte du marché du récepteur est presque ressentie à la Division MAS comme un soulagement qui se trouvera justifié plus tard par les énormes difficultés que rencontrera AEG-Telefunken dans l'étude et la réalisation de ce matériel.

Peu après la passation du marché, au printemps de 1970, la Division MAS est dissoute et, à partir du 1er juillet 1970, le Service HY, qui est chargé de l'affaire, appartient au nouveau Département Espace-Satellites, dirigé par Jacques Chaumeron.

Au sein du Service HY, Jean Guillemin est désigné comme chef de projet, et le responsable technique est Jean-François Primard, assisté par Jean-Louis Gautier. Yves Farbos assure le suivi commercial de l'affaire.

En plus des difficultés techniques de l'étude, ces jeunes ingénieurs se trouvent confrontés aux méthodes très formalistes et très pointilleuses de la maîtrise d'oeuvre du programme.

Le programme de développement comprend, après quelques travaux sur maquettes, un modèle d'identification (MI), un prototype de qualification (MQ) et deux modèles de vol (MV), chaque équipement étant entièrement redondant.

Mise de la coiffe sur Helios 1 - Crédit photo NASAC'est la première fois qu'est développé en Europe un émetteur en bande S (2,3 GHz) embarqué à bord d'un satellite. Il possède deux étages de puissance : l'un, à l'état solide, fournit une puissance de 1 watt et doit être utilisé pour les liaisons à relativement faible distance de la Terre ; l'autre, équipé de tubes à ondes progressives (TOP) de 20 watts, fournis par la société américaine Watkins-Johnson, doit être utilisé pour les liaisons à grande distance. La cadence des signaux numériques fournis à l'émetteur peut, par télécommande, être adaptée aux caractéristiques de la liaison entre 4 096 bits/s pour les liaisons rapprochées et 8 bits/s pour les distances extrêmes auxquelles doivent évoluer les sondes.

Menés par une équipe dynamique, les études, la réalisation et les essais des différents modèles se déroulent sans incident majeur.

Un fait caractéristique mérite cependant d'être mentionné. À partir du MQ, les essais des matériels doivent être effectués en conformité avec des procédures dûment approuvées par le client. L'équipe de projet du Service HY écrit donc toutes les procédures de test, les soumet au client et commence immédiatement les essais du MQ en conformité avec ces procédures et en présence d'un représentant du client qui fait, bien entendu, dès le départ, des réserves sur le fait que les procédures en question n'ont pas encore été formellement approuvées.

Emportée par son dynamisme, et également afin de tenir les délais de livraison, l'équipe de projet termine les essais avant que l'approbation des procédures n'ait été reçue.

Tous les résultats sont satisfaisants et parfaitement conformes au cahier des charges mais le représentant du client refuse d'y apposer sa signature avant que l'approbation des procédures ne soit notifiée.

Il en résulte une explication plutôt sévère entre Jean-François Primard, responsable technique, très déçu de ne pas voir reconnaître la qualité de son travail, et le représentant du client qui possède suffisamment bien la langue française pour saisir tous les commentaires désagréables qui lui sont adressés et y répondre sur le même ton. L'affaire se poursuit vers 20 heures dans le bureau de Jacques Chaumeron, Directeur du Département ESA, qui s'efforce d'abord de calmer les esprits avant qu'une bonne demi-heure de palabres finisse par convaincre le représentant du client d'apposer sa signature, avec les réserves d'usage, au bas du procès-verbal de recette.

Titan 3E et Helios 1 - Crédit NASAQuelques jours plus tard, l'approbation, sans aucune réserve, des procédures d'essais est officiellement notifiée.

En 1973, l'ensemble des matériels de vol est livré à AEG-Telefunken pour l'intégration des transpondeurs.

Helios 1 est lancé à partir de Cap Canaveral par une fusée Titan IIIE-Centaur le 10 décembre 1974. Le 15 mars 1975, il effectue son premier passage le plus proche du Soleil (périhélion) à 46 millions de kilomètres (0,309 AU). Chaque évolution autour du Soleil dure cent quatre-vingt-dix jours.

La durée minimale de la mission nécessaire pour assurer un maximum d'observations les plus proches du Soleil doit être de cent trente jours, et la durée espérée est de dix-huit mois. L'un des TOP de Helios 1 tombe en panne au bout de onze mois ; grâce à la redondance, la mission peut continuer normalement et, dix ans plus tard, lors de l'anniversaire du lancement, c'est-à-dire en décembre 1984, l'émetteur de Thomson-CSF continue de transmettre les données des diverses expériences encore en service. La seule limitation est la puissance d'alimentation, les cellules solaires de la sonde s'étant dégradées plus rapidement que prévu.

Helios 2 est lancé le 15 janvier 1976 et effectue son passage au périhélion le 17 avril de la même année à une distance du Soleil un peu plus faible (0,29 AU), soit 43,43 millions de kilomètres, que celle d'Helios 1.

L'un des TOP tombe en panne au bout de trois mois mais la relève est assurée par le tube redondant.

Crédit Deutsch MuseumÀ partir du 3 mars 1980, soit un peu plus de quatre ans après le lancement, des anomalies de fonctionnement mal expliquées rendent la sonde pratiquement inexploitable. Les tentatives de récupération sont infructueuses et il est décidé d'interrompre les liaisons avec Helios 2 le 7 janvier 1981, soit au bout de près de cinq ans.

Dans les deux sondes, si l'on excepte les TOP, le fonctionnement des matériels fournis par le Département ESA de Thomson-CSF s'avère être un plein succès qui justifie les félicitations des clients.

Des représentants du Département sont invités, le  10 décembre 1984, à une cérémonie commémorative du lancement d'Helios 1 et de ses dix ans de fonctionnement. Cette cérémonie a lieu au Deutsches Museum de Munich où est exposé, en bonne place avec le prototype d'Helios, un boîtier «driver» de l'émetteur de télémesure réalisé par le Département Espace-Satellites de Thomson-CSF. 

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