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Association Amicale des Anciens d'Alcatel Space
CHRONIQUES D'UN MÉTIER de 1963 à 1993
Table | Préf | Intro | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9

6 - Les programmes de satellites

6.1 - Les satellites scientifiques

Les satellites scientifiques de l'ESRO et de l'ESA 

Geos, ISEE B, ISPM / Ulysses, Giotto, Soho, Cluster


Les prestations de Thomson-CSF puis d'Alcatel Espace dans les programmes scientifiques de l'ESA portent, jusqu'aux années quatre-vingt, sur les matériels de télémesure-télécommande et localisation. Les premières de ces prestations, pour les satellites ESRO I, ESRO II puis HEOS A1 et A2, ont été décrites dans les chapitres précédents.
 

ESRO 1 (c) ESA
Essai ESRO 1 ((c) ESA
Scout et Esro 1 (c) NASA
ESRO 1 / ESRO 1 en essai
Crédit photo ESA
La fusée Scout et ESRO 1
Crédit photo NASA

 
HEOS A1
Delta E1 et HEOS A1
HEOS A1
Crédit photo ESA
Lancement d'HEOS A1 par Delta E1
Crédit photo NASA

Après la création du Département Espace-Satellites (ESA puis DSP), le premier programme auquel participe le Service ES, dirigé par Roland Gosmand, est le programme GEOS. Il est suivi des programmes ISEE B, ISPM/Ulysses, et Giotto.

Tous ces satellites sont réalisés par le consortium STAR, dont Thomson-CSF, puis Alcatel Espace font partie depuis le début des années soixante-dix et dont l'historique est exposé dans un chapitre particulier.
 

GEOS


GEOS en essai de vibration - Crédit photo ESALe programme GEOS, satellite géostationnaire chargé d'effectuer une étude scientifique globale de la magnétosphère (ondes, champs, particules dans une gamme étendue de fréquences et d'énergies) est approuvé par le Conseil de l'ESRO en juillet 1969. 

À la suite d'une décision de l'AFC (Comité administratif et financier) de l'ESRO, prise le 14 décembre 1971, deux études de définition (phase B) sont menées en parallèle par les consortiums MESH et STAR. Thomson-CSF apporte sa contribution, pour le sous-système TM-TC, à l'étude conduite par BAC (British Aircraft Company) pour le consortium STAR.

Les rapports d'études correspondants sont remis à l'ESRO fin août 1972 et sont suivis, fin septembre, par deux propositions pour les phases C et D (définition détaillée et réalisation du satellite).

Après une compétition acharnée dans laquelle s'illustre Pierre Gautier, chef du Service Commercial du Départe­ment ESA, et où le vote du représentant français à l'AFC s'avère décisif, le consortium STAR emporte l'affaire le 12 décembre 1972. C'est officiellement le 2 janvier 1973 que le Service ES, dirigé par Roland Gosmand, entame la définition détaillée, puis la réalisation du sous-système télémesure-télécommande et localisation. 

GEOS en essai - Crédit photo ESADans ce sous-système, le Service ES se charge de réaliser : 

- le récepteur de télécommande VHF ;

- le décodeur de télécommande ;

- l'émetteur de télémesure VHF ;

tandis que le Service Hyperfréquences (HY), dirigé par Marcel Palazo, réalise l'émetteur de télémesures en bande S.

Les autres matériels sont sous-traités :

- les antennes VHF et bande S à la société suédoise  LM-Ericsson, membre du consortium STAR ;

- le codeur de télémesure à la société italienne Laben, également membre de STAR.

Dans le Service ES, les responsables d'équipements sont MM. Hayard, Le Henaff, Crenol, Aumaitre, Vasseur et Lageste. Jean-François Primard est responsable de l'émetteur bande S au Service HY.

Les études et réalisations sont menées à bien avec la collaboration du Bureau d'Études (Jean Petrotchenko) et des services de Fabrication (Francis Violet), de Qualité (Charles Nicolaus), d'Essais d'Environnement (Vartan Hantcherian), etc.
 

Delta et GEOS - Crédit photo NASALes récepteurs et émetteurs VHF sont identiques à ceux développés pour les satellites HEOS A1 et A2. Le décodeur de télécommande utilise la même technologie que celui d'HEOS mais le procédé d'assemblage est une version dérivée du procédé MICAM utilisé par Intelsat IV. Désigné sous le sigle MGM (Multi Grids Module), il est particulièrement bien adapté aux boîtiers «flatpack» alors utilisés pour les transistors et les circuits intégrés. L'émetteur bande S est réalisé en «strip line» sur Téflon et utilise des transistors. 

GEOS doit mesurer, entre autres, des champs magnétiques très faibles en continu et en alternatif. La très grande propreté magnétique, exigée dans ce but, de tous les éléments du satellite demande de très gros efforts à de nombreux niveaux : choix des matériaux, précautions d'assemblage pour éviter les boucles de courant, blindages magnétiques, en particulier pour les relais, etc. Des mesures de propreté magnétiques sont conduites dans des sites spécialisés au CELAR à Bruz et chez BAC à Bristol.

Un premier modèle de GEOS est lancé le 20 avril 1977 à partir du centre spatial Kennedy en Floride. Une défaillance du dernier étage du lanceur Thor-Delta ne permet pas au satellite d'atteindre l'orbite de transfert géostationnaire, et la mission de ce dernier ne peut être remplie que très partiellement. Les traversées répétées des ceintures de Van Allen provoquent en particulier une détérioration plus rapide que prévue de son générateur solaire.

Le second modèle, lancé le 14 juillet 1978, remplit parfaitement sa mission.
 

ISEE B


Le satellite ISEE B (International Sun-Earth Explorer) fait partie d'un programme mis sur pied en coopération par l'ESRO et la NASA.

Deux satellites ISEE A, fournis par la NASA, et ISEE B, fourni par l'ESRO, doivent être placés sur une même orbite fortement excentrique afin d'effectuer des mesures coordonnées de la vitesse et de la direction du mouvement des phénomènes magnétosphériques.

Lors de l'approbation du programme par le Conseil de l'ESRO en avril 1973, ISEE B a été baptisé IME-D (International Magnetospheric Explorer-Daughter), l'autre satellite IME-M (Mother) étant fourni par la NASA. Ce n'est qu'au début de 1974 que le sigle ISEE sera adopté.

À la suite d'une première étude de faisabilité confiée à Hawker Siddeley Dynamics (HSD), un appel d'offres est lancé par l'ESRO pour une phase B compétitive entre deux consortiums.

Mi-avril 1974, les deux consortiums MESH, dirigé par HSD, et STAR, dirigé par Dornier, sont choisis pour mener ces études de phase B d'une durée de cinq mois, à la suite desquelles ils doivent remettre leurs propositions pour la phase de développement et d'intégration (phase C/D).

Le Service ES du Département ESA de Thomson-CSF contribue à l'étude menée par Dornier pour le sous-système télémesure-télécommande, dans les mêmes conditions qu'il l'a fait pour le programme GEOS.

Fin novembre 1974, l'AFC choisit Dornier et le consortium STAR pour mener à bien la phase C/D.

Les tâches confiées à Thomson-CSF sont analogues à celles du programme GEOS, les liaisons de télémesure-télécommande devant, cette fois, être assurées uniquement en bande S. Le Service ES assure la maîtrise d'oeuvre du sous-système TM-TC et Claude Payen est désigné comme chef de projet. 

Les responsabilités des différents équipements sont réparties comme suit :

- Décodeur de télécommande: Service ES

- Émetteur de télémesure bande S: Service HY

- RFDU (Radio Frequency  Distribution Unit): Service HY

- Récepteur de télécommande à bande S: sous-traité à AEG-Telefunken

- Codeur de télémesure: sous-traité à Laben

- Antenne bande S: sous-traitée à LM-Ericsson
 
 

Les techniques et technologies employées sont, en général, identiques à celles de GEOS, le décodeur de télécommande comportant cependant un démodulateur de sous-porteuse supplémentaire.

Le choix d'AEG-Telefunken pour fournir le récepteur de télécommande est justifié par l'expérience acquise par cette société dans le programme allemand Helios, qui vient de se terminer et avec qui Thomson-CSF, chargée, dans ce même programme, de l'émetteur de télémesures, a collaboré.

Quant aux autres sous-traitants, ils sont les mêmes que dans GEOS ; l'expérience de travail en commun a été acquise dans le cadre du consortium STAR, et cela facilite les relations à tous les niveaux.

Les principaux ingénieurs responsables dans les différents services du Département ESA (devenu DSP à la fin du programme) sont les mêmes que pour GEOS, à l'exception du Service HY où le responsable de l'émetteur est René Neyer, récemment embauché dans la section dirigée par Jean-François Primard.

Le développement, la fabrication et les essais des matériels ainsi que l'intégration du sous-système TM-TC se déroulent sans incident notable.

Le satellite ISEE B est mis en orbite le 22 octobre 1977 après quelques jours de retard dus à certains doutes des responsables de la NASA sur la fiabilité des propulseurs auxiliaires à poudre de la fusée Delta. L'un de ces propulseurs a en effet provoqué, le 13 septembre 1977, la perte du premier modèle d'OTS, satellite de télécommunications de l'ESA. La mise en orbite d'ISEE B s'effectue correctement, et la mission du satellite est un plein succès. Alors que la durée prévue pour son exploitation est de trois ans, il sera en fait exploité pendant près de dix ans.

Thomson-CSF, en raison du fonctionnement parfait de son sous-système, perçoit le maximum des primes de bon fonctionnement en orbite prévues au contrat. Le dixième anniversaire du lancement donne lieu à une cérémonie chez le maître d'oeuvre Dornier, le 22 octobre 1987.
 

ISPM/Ulysses


Le premier sigle qui désigne ce programme à l'ESA est OOE (Out Of Ecliptic). Il devient, ensuite, ISPM (International Solar Polar Mission) puis, quelque temps avant son lancement, la sonde européenne est baptisée Ulysses.

Ulysses et Jupiter - Crédit photo ESAÀ l'origine, le programme prévoit deux sondes, l'une fournie par l'ESA, l'autre par la NASA, qui, sortant du plan de l'écliptique, doivent observer les pôles du Soleil. 

Les deux sondes doivent être lancées à partir de la navette spatiale, accélérées ensuite chacune par un IUS (Interim Upper Stage), et utiliser l'attraction de Jupiter pour sortir de l'écliptique dans des directions opposées sur des orbites héliocentriques, afin d'observer chacune les régions voisines de chaque pôle du Soleil. Ce type de trajectoire exclut l'utilisation de cellules solaires pour l'alimentation électrique des sondes. L'énergie doit être fournie dans chacune par un générateur radio-isotopique fourni par la NASA.

La NASA doit fournir au total une sonde, les générateurs radio-isotopiques, ainsi que les lancements par la navette spatiale pour les deux sondes, et le support au sol par le réseau des grandes antennes du Jet Propulsion Laboratory (JPL) à Goldstone. L'ESA doit fournir la seconde sonde.

Le programme, qui démarre en 1979, connaîtra bien des vicissitudes. Pour des raisons budgétaires, la NASA doit renoncer à construire sa sonde. Elle honore malgré tout le reste de ses accords avec l'ESA, en assurant les fournitures et prestations auxquelles elle s'est engagée pour la sonde européenne, qui sera finalement la seule à explorer successivement les deux pôles du Soleil.

L'accident survenu à la navette Challenger le 28 janvier 1986 prolonge le retard, et Ulysses est finalement lancé le 6 octobre 1990. 
 

Crédit photo ESA
Ulysses et sa fusée d'appoint PAM-D expulsés de la navette STS 41 
Crédit photo ESA 

Les grandes distances parcourues par les signaux de télécommunications conduisent à utiliser la bande S pour la TM-TC à faible débit et la bande X pour les télémesures à haut débit. 

Crédit photo ESALa sonde est stabilisée par rotation, et l'axe de l'antenne parabolique à grand gain pointé vers la Terre, par le système de stabilisation, est confondu avec l'axe de rotation. Cependant, compte tenu de la faible ouverture du faisceau d'antenne en bande X, un pointage fin s'avère nécessaire. Il est obtenu par un léger dépointage de la source en bande S, provoquant une modulation d'amplitude du signal reçu en cas de mauvais pointage sur la direction de la station sol. L'information amplitude est transmise au système de stabilisation pour correction éventuelle. 

Le consortium STAR, avec pour maître d'oeuvre Dornier, a été choisi pour effectuer les travaux de phase B1 commencés le 1er février 1979. Le Département DSP y apporte sa contribution pour la définition du sous-système TM-TC.

La phase C/D de développement de la sonde commence au début de 1980, avec un objectif initial de lancement à la fin de 1983 qui est reporté à 1985, puis à 1986, suite à des décisions de la NASA. L'accident de Challenger impose un nouveau report.

Les travaux de développement du sous-système TM-TC ont commencé à DSP en janvier 1980 sur limite d'engagement partielle car, selon les habitudes prises par l'ESA, le maître d'oeuvre Dornier n'a obtenu son contrat que vers la fin de 1980, et le contrat entre Dornier et Thomson-CSF n'a été signé que le 31 décembre 1980.

Le Département DSP a la responsabilité du sous-système TM-TC. La répartition des tâches est la suivante :

- maîtrise d'oeuvre du sous-système et intégration, Service ES avec comme chef de projet Claude Payen ;

- transpondeurs bande S/bande X : Service ES avec HY pour la partie hyperfréquences ;

- décodeur de télécommande : Service ES ;

- RFDU (Radio Frequency Distribution Unit) : Service HY ;

- ATOP : Division Tubes de Thomson-CSF, l'alimentation étant fournie par FIAR (Italie) ;

- traitement de l'information et codeur de télémesure : Laben (Italie).
 
 

Crédit photo ESALes équipements sont doublés pour assurer la redondance. 

La sonde ISPM est pour DSP l'occasion de renouveler ses types d'équipements.

Le transpondeur bande S équipant le satellite ISEE B était composé d'un récepteur cohérent et d'un émetteur séparé. Il était donc assez encombrant et lourd.

L'ESA a lancé au printemps de 1976 un appel d'offres pour l'étude et le développement d'un transpondeur bande S intégré. Selon ce qui a semblé, à ce moment, être le souhait du client, DSP a négocié un accord de coopération avec Motorola, l'un des spécialistes de ce type de matériel aux États-Unis. L'accord a été signé à Paris le 8 juin 1976. Après quelques péripéties, la proposition de DSP n'a pas été retenue par l'ESA et le marché d'étude a été attribué à Selenia (Italie).

Une étude de marché ayant montré que ce produit doit avoir des débouchés importants dans les programmes futurs de satellites, aussi bien scientifiques que d'applications, la Direction de DSP propose d'entreprendre, sur fonds propres, l'étude et le développement d'un transpondeur bande S, avec en option une sortie, côté émission, en bande X, pour certaines applications particulières. Après de sérieuses réticences, la Direction de la Division DFH, dont DSP fait partie à l'époque, finit par autoriser l'étude qui démarre en 1978. C'est le début d'une ligne de produits qui obtient un plein succès. Les premiers satellites à en être équipés sont SPOT, Telecom 1 et le satellite suédois Viking pour la version bande S, et la sonde ISPM pour la version bande S/bande X.

L'émetteur prévu pour ISPM possède un étage de puissance à transistors délivrant une puissance de 5 watts en bande S et une sortie bas niveau en bande X destinée à alimenter un tube à ondes progressives (TOP).

La Division Tubes de Thomson-CSF, fournisseur des TOP, connaît quelques problèmes de développement qui sont la cause de retards dans leur livraison.

Si le récepteur est développé sans difficultés notables, le développement de l'émetteur, ainsi d'ailleurs que celui du décodeur de télécommande, rencontre un certain nombre de problèmes qui causent des retards dans les livraisons des modèles de vol. D'autres sources de retard, propres au programme ISPM, s'ajoutent aux précédentes.

Compte tenu de l'utilisation d'une source d'alimentation électrique radioactive, et compte tenu également du niveau élevé de radiations prévu lors du passage de la sonde au voisinage de la planète Jupiter, il est nécessaire d'utiliser des composants durcis aux radiations, ce qui rend leur choix assez difficile.

Certains composants du transpondeur, utilisés avec succès dans l'étude initiale, ne peuvent être qualifiés pour les modèles de vol. Il faut procéder à des reprises profondes de certains circuits à un stade tardif du projet, après de longues négociations avec le client et le maître d'oeuvre, pour faire homologuer les composants de remplacement :

- dans le développement du décodeur de télécommande, qui fait appel à une technique nouvelle en utilisant un microprocesseur, et, pour des raisons de poids, à une technologie entièrement nouvelle par rapport aux programmes précédents, l'étroitesse du budget du client n'a pas permis de financer un modèle d'identification (engineering model). Il faut passer directement de la maquette au modèle de qualification. Ce modèle ayant échoué aux essais de vibrations, la reprise de l'étude mécanique aboutit à des modifications dont l'exécution est particulièrement longue, étant donné les règles de qualité applicables à un modèle qui est prévu pour être utilisé comme modèle de vol de rechange. Le décodeur démontre finalement d'excellentes performances : taux d'erreurs de bits (BER) à 0,1 dB de l'optimum théorique ;

- dans les deux cas, transpondeur et décodeur, le nombre de reprises exécutées devient tel que ces modèles de qualification sont considérés comme inaptes au vol.
 
 

Crédit photo ESA
Ulysses accroché à l'étage de propulsion PAMS 

Pour assurer les livraisons contractuelles, et bien que le client ait fait l'économie des modèles d'identification, il faut fabriquer, sans aucun financement supplémentaire de sa part, un nouveau modèle de vol, aussi bien pour le transpondeur que pour le décodeur. 

Enfin, au moment des essais thermiques du prototype de l'émetteur, un «mystérieux» problème de dilatations différentielles au niveau de l'étage de puissance provoque des ruptures répétées d'une connexion. Il faudra plusieurs semaines pour élucider les raisons du défaut et pour y remédier.

La fabrication des modèles de vol est de plus sérieusement ralentie par les effets du transfert des équipes de fabrication de Meudon vers Toulouse et par le renouvellement partiel de ces équipes, avec l'indispensable formation des nouveaux arrivants. 

Vol ST41 Crédit photo NASAPendant quelque temps, deux équipes de techniciens travaillant en horaires décalés sont mises sur pied pour effectuer les tests du décodeur. Les modèles de vol fabriqués par DSP sont finalement livrés au cours de l'été 1983 pour être intégrés à la sonde qui sera stockée pendant près de sept ans, son lancement, sous le nom d'Ulysses, ayant lieu le 6 octobre 1990. 

En raison de la longue durée de ce stockage, les matériels sont sérieusement inspectés avant le lancement, et certains composants, dont la fiabilité est devenue douteuse, sont remplacés. De plus, tous les équipements fournis par ATES connaissent un retour en usine en 1989 pour vérification d'un circuit multiplicateur de fréquences (brasure dans une cavité) et une nouvelle recette complète.

Les matériels fournis par DSP auront, pendant toute la partie de la mission qui se déroulera jusqu'à l'écriture de ces lignes (1997), un comportement quasi parfait.

Outre le chef de projet Claude Payen, les principaux ingénieurs qui participent au développement sont  MM. Le Henaff, Riboni, Crenol, Lévêque, Tussac, Gambart, Neyer et d'Hollander.
 

Giotto


Comète de Haley Crédit photo ESALe programme de la sonde Giotto est approuvé par le comité du programme scientifique de l'ESA en juillet 1980. Il a pour but d'observer de près la comète de Halley dont le passage au périhélion est prévu pour février 1986. 

Cinq autres véhicules spatiaux, deux soviétiques, deux japonais et un américain, doivent, durant la même période, effectuer également des observations de la comète. Un groupe consultatif interagences est alors constitué pour coordonner les expériences et l'analyse de leurs résultats.

Les appareils de Giotto doivent, outre des prises de vue du noyau, analyser sa composition et celle de la queue.

On s'attend, malgré le double bouclier qu'il est prévu d'installer à l'»avant» de Giotto, à ce que la sonde soit endommagée par les particules solides qui constituent la queue de la comète, mais on espère bien que la survie de ses éléments essentiels lui permettra ensuite d'aller observer d'autres comètes.

Dès que les caractéristiques du programme sont connues, le consortium STAR se prépare à la compétition pour construire la sonde.

La désignation du maître d'oeuvre au sein du consortium se fait sans difficulté car il n'y a qu'un seul candidat : British Aerospace (BAE). Le Département DSP de Thomson-CSF qui est intégré à la nouvelle Division Espace à partir de 1982, laquelle deviendra Alcatel Thomson Espace en 1984, est chargé comme à l'habitude du sous-système télémesure-télécommande et localisation (TM-TC). 

Giotto - Crédit photo ESALes caractéristiques générales de Giotto devant être très voisines de celles de GEOS, et les délais alloués à l'étude et au développement étant relativement courts, l'ESTEC (établissement technique de l'ESA) propose de confier l'affaire, sans compétition, à BAE et au consortium STAR, qui ont réalisé GEOS.

Le 30 septembre 1980, elle obtient l'accord de l'IPC de l'ESA pour mettre en oeuvre cette solution, et BAE, qui a exécuté un travail de phase A au second trimestre de 1980, entame un certain nombre d'études de définition demandées par l'ESA, avec pour objectif une proposition pour la phase B qui doit commencer en juin 1981.

Au cours de ces études, un certain nombre de désaccords techniques, et aussi de malentendus, surviennent entre les représentants de l'ESTEC et ceux de BAE. La crise en arrive à un tel point que le Président de STAR, qui se trouve être cette année-là Jacques Chaumeron, Directeur de DSP, reçoit de l'ESTEC une sorte d'ultimatum en ces termes : «Le consortium STAR ne conservera l'affaire Giotto qu'à la condition que BAE ne soit pas maître d'oeuvre. Sinon, l'affaire sera mise en compétition.»

Bien que cette mise en compétition soit peu probable à cause des retards qu'elle entraînerait dans un planning déjà très serré si l'on veut rencontrer la comète en 1986, il faut prendre l'affaire très au sérieux. L'ESTEC ne cache pas son désir de voir Dornier, qui a effectué une excellente prestation dans ISEE B, prendre la maîtrise d'oeuvre, mais, pour des raisons de stratégie commerciale, cette société confirme qu'elle n'est pas candidate. Le Président de STAR doit donc, bien malgré lui, faire oeuvre de conciliateur entre l'ESTEC, puis l'ESA, et BAE. 

Crédit photo ESAUne fois le maximum de la crise passé, les deux parties acceptent de se parler à nouveau et, le 5 juin 1981, au cours d'une réunion à l'ESA entre le Directeur des programmes scientifiques de l'ESA, le Président de STAR et des représentants des directions générales de Dornier et de la Division Espace de BAE, il est convenu que le programme Giotto restera confié à STAR, avec BAE comme maître d'oeuvre, à condition que Dornier, dans une fonction de conseil, fasse profiter BAE de l'expérience acquise dans le «management» du programme ISEE B.

L'alerte a été chaude mais le programme Giotto peut repartir sur la bonne voie. La phase B se déroule jusqu'au printemps 1982.

Le sous-système TM-TC devant être quasi identique à celui d'ISPM, la participation de DSP à cette phase se borne à la fourniture de renseignements techniques et à la participation à quelques réunions. C'est dans les premiers mois de 1982 que le travail s'intensifie avec la préparation de la proposition pour la phase C/D qui se terminera, comme à l'habitude, par une négociation très animée sur les prix.

Le 14 juillet 1982, l'ESA prend la décision d'attribuer à BAE, maître d'oeuvre du consortium STAR, le contrat pour la phase C/D du programme Giotto. Ce contrat est officiellement signé le 20 décembre de la même année.

Dès le 15 juillet 1982, le travail commence sur limite d'engagement (LOL), car la sonde doit être livrée à temps pour un lancement en mai 1985.

Le sous-système TM-TC est, comme il a été dit plus haut, identique à celui d'ISPM, à l'exception de l'antenne, beaucoup moins directionnelle et donc sans système de pointage fin. Il n'est pas nécessaire d'utiliser des composants durcis aux radiations comme dans ISPM, ce qui, dans une certaine mesure, rend les approvisionnements plus aisés.
 

Mise sous coiffe - Crédit photo ESA
 
Ariane 1 décolle avec Giotto Crédit photo Arianespace
Mise sous coiffe de Giotto
Crédit photo ESA
Ariane 1 et Giotto
Crédit photo Arianespace

Comète de Haley Crédit photo ESALes délais de livraison sont respectés, le lancement a lieu le 2 juillet 1985, et la mission de Giotto est un plein succès. Le passage près de la comète (600 kilomètres) se produit comme prévu le 13 mars 1986. 

Quelques matériels d'expériences sont détériorés pendant la traversée de la queue de la comète mais l'essentiel des équipements du véhicule, dont la TM-TC, reste intact, et le contrôle de la sonde peut être repris pour assurer d'autres missions.

Après différentes manoeuvres d'ajustement de l'orbite, Giotto passe, le 10 juillet 1992, à 200 kilomètres de la comète Grig-Skjellerup, et effectue des observations avec les instruments encore en état de marche. Le prochain passage à proximité de la Terre devant permettre une accélération (swing-by) pour aller vers une autre comète est prévu pour le 1er juillet 1999.

À DSP, le chef de projet est Gilles Lévêque et les autres participants sont à peu près les mêmes que pour ISPM.
 

Soho


Soho - Crédit photo ESALe satellite Soho a pour mission l'observation du Soleil. Le programme est entrepris conjointement par l'ESA et la NASA, l'ESA étant chargée de réaliser le satellite qui doit être lancé par la NASA. Les deux administrations doivent se partager ensuite l'exploitation. 

La mission de Soho est associée à celle de Cluster, l'un des plus importants programmes de l'ESA de la fin du siècle. Les observations faites par Soho sur les phénomènes de plasma magnétisé de la couronne solaire doivent être corrélées avec celles de Cluster sur le vent solaire.

Soho, qui doit «stationner» au premier point de Lagrange (1,5 million de kilomètres de la Terre), est stabilisé suivant trois axes. Sa masse est de 1 875 kilos dont 650 kilos de charge utile. La puissance électrique disponible en fin de vie est de 1,4 kW. La durée de vie estimée est de deux ans. L'une des principales difficultés à résoudre pour la mission est la stabilité exigée pour le pointage angulaire (10 secondes d'arc). Six instruments doivent observer l'atmosphère solaire, deux instruments le vent solaire et trois autres la séismologie solaire. Les données des télémesures scientifiques et des télémesures de servitudes sont stockées à bord dans une mémoire à l'état solide d'origine européenne et dans un enregistreur magnétique importé des États-Unis.

MATRA Marconi Space (France) est choisi par l'ESA comme maître d'oeuvre pour la construction du satellite. Saab-Ericsson Space (Suède) est responsable du sous-système d'acquisition de données. Dans ce sous-système, le fournisseur des transpondeurs en bande S est Alcatel Espace (ATES) qui a pour sous-traitant Alcatel Espacio (Espagne). Il s'agit de transpondeurs de deuxième génération. Les amplificateurs de puissance en bande S sont achetés directement par l'ESA à un fournisseur américain (Cubic). Les travaux de réalisation commencent en 1991.

Le calendrier de fourniture des équipements d'ATES pour Sohoest décalé de plus d'un an par rapport à ceux de Cluster. Dans un souci de réduction des prix, l'ESA négocie la fourniture des équipements de Soho en estimant que les similitudes entre les deux programmes devraient se traduire par la disparition de certaines prestations spécifiques. En réalité, et bien que la définition technique des équipements présente de nombreux points communs, cette similitude n'entraîne pas, de fait, de réduction des coûts industriels. Il faut tenir compte :

- du décalage d'un an entre les deux programmes ; 

- des architectures industrielles complexes et différentes d'un programme à l'autre (maîtres d'oeuvre différents, un industriel européen apparaissant comme client et comme fournisseur d'ATES) ;

- d'interfaces électriques différentes entraînant des modifications de réalisation et de documentation ; 

- des conditions de recette spécifiques de lanceurs différents, Ariane 5 pour Cluster et Atlas pour Soho.
 
 

Les responsables techniques d'ATES doivent, pendant un an, faire des efforts pour obtenir la correction de l'hypothèse initiale à laquelle l'ESA reste très attachée.

Finalement, grâce au traitement spécifique de chacun des programmes, leur déroulement s'avère satisfaisant.

Afin de maintenir, malgré tout, une certaine cohérence, un chef de projet unique, Brigitte Jarrousse, reste à leur tête pendant toute leur durée, de 1989 à la fin de 1995.

Soho est mis en orbite le 2 décembre 1995 par une fusée Atlas IIAS à partir du centre spatial Kennedy.
 

Cluster

 
Vue artistique de l'escadron de Cluster
Crédit photo ESA

Ariane 5 et la grappe de Cluster - Crédit photo ArianespaceLa mission de Cluster est l'analyse des champs électromagnétiques et de la distribution des particules dans le vent solaire. C'est une mission purement européenne, entreprise par l'ESA et associée à celle de Soho. Elle comprend quatre satellites lancés simultanément et espacés sur une orbite très elliptique (4 x 19,6 rayons terrestres). La masse de chaque satellite est de 1 200 kilos dont 72 kilos de charge utile pour une puissance électrique disponible de 260 watts en fin de vie. La durée de vie estimée est de deux ans. Les données des télémesures scientifiques et celles des télémesures de servitudes sont stockées dans une mémoire à l'état solide. Les quatre satellites, stabilisés par rotation (15 rpm), permettent de dissocier les fluctuations spatiales des fluctuations temporelles du plasma dans les trois dimensions. 

La proposition du consortium STAR, avec Dornier comme maître d'oeuvre, est retenue par l'ESA pour la réalisation des satellites. ATES est maître d'oeuvre du sous-système TTC (télécommande-télémesure-localisation).

Les travaux commencent en 1989. Les sous-traitants d'ATES sont : Alcatel Espacio pour les transpondeurs en bande S, Saab-Ericsson Space pour les antennes, Schrack (Autriche) et VTT (Finlande) pour les matériels d'essais au sol. Comme pour Soho, le contrat d'approvisionnement des amplificateurs de puissance en bande S est passé directement par l'ESA à Cubic (USA), ATES étant leur destinataire final pour leur intégration dans le sous-système. 

Explosion Ariane 5 - Crédit photo ArianespaceComme pour Soho, les principales difficultés rencontrées dans le déroulement du programme sont dues : 

- à la mise en application du principe de l'ESA du juste retour industriel qui conduit à une parcellisation extrême des tâches parmi les industriels européens ;

- à la très forte imbrication des responsabilités entre responsables de sous-systèmes ou d'intégration et fournisseurs de sous-ensembles ou d'équipements.
 

Au point de vue technique, le programme se déroule sans incident majeur.

Le 4 juin 1996, le lancement simultané des quatre satellites Cluster par le premier exemplaire du lanceur Ariane 5 est un échec.

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