6 - Les programmes de satellites
6.1 - Les satellites scientifiques
Geos, ISEE B, ISPM / Ulysses, Giotto, Soho, Cluster
Les prestations de Thomson-CSF puis d'Alcatel Espace dans les programmes
scientifiques de l'ESA portent, jusqu'aux années quatre-vingt, sur
les matériels de télémesure-télécommande
et localisation. Les premières de ces prestations, pour les satellites
ESRO
I, ESRO II puis HEOS A1 et A2, ont été décrites
dans les chapitres précédents.
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ESRO 1 / ESRO 1 en essai
Crédit photo ESA
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La fusée Scout et ESRO 1
Crédit photo NASA
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HEOS A1
Crédit photo ESA
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Lancement d'HEOS A1 par Delta E1
Crédit photo NASA
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Après la création du Département Espace-Satellites
(ESA puis DSP), le premier programme auquel participe le Service ES, dirigé
par Roland Gosmand, est le programme GEOS. Il est suivi des programmes
ISEE
B, ISPM/Ulysses, et Giotto.
Tous ces satellites sont réalisés par le consortium STAR,
dont Thomson-CSF, puis Alcatel Espace font partie depuis le début
des années soixante-dix et dont l'historique est exposé dans
un chapitre particulier.
GEOS
Le
programme GEOS, satellite géostationnaire chargé d'effectuer
une étude scientifique globale de la magnétosphère
(ondes, champs, particules dans une gamme étendue de fréquences
et d'énergies) est approuvé par le Conseil de l'ESRO en juillet
1969.
À la suite d'une décision de l'AFC (Comité administratif
et financier) de l'ESRO, prise le 14 décembre 1971, deux études
de définition (phase B) sont menées en parallèle par
les consortiums MESH et STAR. Thomson-CSF apporte sa contribution, pour
le sous-système TM-TC, à l'étude conduite par BAC
(British Aircraft Company) pour le consortium STAR.
Les rapports d'études correspondants sont remis à l'ESRO
fin août 1972 et sont suivis, fin septembre, par deux propositions
pour les phases C et D (définition détaillée et réalisation
du satellite).
Après une compétition acharnée dans laquelle s'illustre
Pierre Gautier, chef du Service Commercial du Département ESA,
et où le vote du représentant français à l'AFC
s'avère décisif, le consortium STAR emporte l'affaire le
12 décembre 1972. C'est officiellement le 2 janvier 1973 que le
Service ES, dirigé par Roland Gosmand, entame la définition
détaillée, puis la réalisation du sous-système
télémesure-télécommande et localisation.
Dans
ce sous-système, le Service ES se charge de réaliser :
- le récepteur de télécommande VHF ;
- le décodeur de télécommande ;
- l'émetteur de télémesure VHF ;
tandis que le Service Hyperfréquences (HY), dirigé par
Marcel Palazo, réalise l'émetteur de télémesures
en bande S.
Les autres matériels sont sous-traités :
- les antennes VHF et bande S à la société suédoise
LM-Ericsson, membre du consortium STAR ;
- le codeur de télémesure à la société
italienne Laben, également membre de STAR.
Dans le Service ES, les responsables d'équipements sont MM. Hayard,
Le Henaff, Crenol, Aumaitre, Vasseur et Lageste. Jean-François Primard
est responsable de l'émetteur bande S au Service HY.
Les études et réalisations sont menées à
bien avec la collaboration du Bureau d'Études (Jean Petrotchenko)
et des services de Fabrication (Francis Violet), de Qualité (Charles
Nicolaus), d'Essais d'Environnement (Vartan Hantcherian), etc.
Les
récepteurs et émetteurs VHF sont identiques à ceux
développés pour les satellites HEOS A1 et A2. Le décodeur
de télécommande utilise la même technologie que celui
d'HEOS mais le procédé d'assemblage est une version
dérivée du procédé MICAM utilisé par
Intelsat
IV. Désigné sous le sigle MGM (Multi Grids Module), il
est particulièrement bien adapté aux boîtiers «flatpack»
alors utilisés pour les transistors et les circuits intégrés.
L'émetteur bande S est réalisé en «strip line»
sur Téflon et utilise des transistors.
GEOS doit mesurer, entre autres, des champs magnétiques
très faibles en continu et en alternatif. La très grande
propreté magnétique, exigée dans ce but, de tous les
éléments du satellite demande de très gros efforts
à de nombreux niveaux : choix des matériaux, précautions
d'assemblage pour éviter les boucles de courant, blindages magnétiques,
en particulier pour les relais, etc. Des mesures de propreté magnétiques
sont conduites dans des sites spécialisés au CELAR à
Bruz et chez BAC à Bristol.
Un premier modèle de GEOS est lancé le 20 avril
1977 à partir du centre spatial Kennedy en Floride. Une défaillance
du dernier étage du lanceur Thor-Delta ne permet pas au satellite
d'atteindre l'orbite de transfert géostationnaire, et la mission
de ce dernier ne peut être remplie que très partiellement.
Les traversées répétées des ceintures de Van
Allen provoquent en particulier une détérioration plus rapide
que prévue de son générateur solaire.
Le second modèle, lancé le 14 juillet 1978, remplit parfaitement
sa mission.
ISEE B
Le satellite ISEE B (International Sun-Earth Explorer) fait
partie d'un programme mis sur pied en coopération par l'ESRO et
la NASA.
Deux satellites ISEE A, fournis par la NASA, et ISEE B,
fourni par l'ESRO, doivent être placés sur une même
orbite fortement excentrique afin d'effectuer des mesures coordonnées
de la vitesse et de la direction du mouvement des phénomènes
magnétosphériques.
Lors de l'approbation du programme par le Conseil de l'ESRO en avril
1973, ISEE B a été baptisé IME-D (International
Magnetospheric Explorer-Daughter), l'autre satellite IME-M (Mother)
étant fourni par la NASA. Ce n'est qu'au début de 1974 que
le sigle ISEE sera adopté.
À la suite d'une première étude de faisabilité
confiée à Hawker Siddeley Dynamics (HSD), un appel d'offres
est lancé par l'ESRO pour une phase B compétitive entre deux
consortiums.
Mi-avril 1974, les deux consortiums MESH, dirigé par HSD, et
STAR, dirigé par Dornier, sont choisis pour mener ces études
de phase B d'une durée de cinq mois, à la suite desquelles
ils doivent remettre leurs propositions pour la phase de développement
et d'intégration (phase C/D).
Le Service ES du Département ESA de Thomson-CSF contribue à
l'étude menée par Dornier pour le sous-système télémesure-télécommande,
dans les mêmes conditions qu'il l'a fait pour le programme GEOS.
Fin novembre 1974, l'AFC choisit Dornier et le consortium STAR pour
mener à bien la phase C/D.
Les tâches confiées à Thomson-CSF sont analogues
à celles du programme GEOS, les liaisons de télémesure-télécommande
devant, cette fois, être assurées uniquement en bande S. Le
Service ES assure la maîtrise d'oeuvre du sous-système TM-TC
et Claude Payen est désigné comme chef de projet.
Les responsabilités des différents équipements
sont réparties comme suit :
- Décodeur de télécommande: Service ES
- Émetteur de télémesure bande S: Service HY
- RFDU (Radio Frequency Distribution Unit): Service HY
- Récepteur de télécommande à bande S: sous-traité
à AEG-Telefunken
- Codeur de télémesure: sous-traité à Laben
- Antenne bande S: sous-traitée à LM-Ericsson
Les techniques et technologies employées sont, en général,
identiques à celles de GEOS, le décodeur de télécommande
comportant cependant un démodulateur de sous-porteuse supplémentaire.
Le choix d'AEG-Telefunken pour fournir le récepteur de télécommande
est justifié par l'expérience acquise par cette société
dans le programme allemand Helios, qui vient de se terminer et avec
qui Thomson-CSF, chargée, dans ce même programme, de l'émetteur
de télémesures, a collaboré.
Quant aux autres sous-traitants, ils sont les mêmes que dans
GEOS
; l'expérience de travail en commun a été acquise
dans le cadre du consortium STAR, et cela facilite les relations à
tous les niveaux.
Les principaux ingénieurs responsables dans les différents
services du Département ESA (devenu DSP à la fin du programme)
sont les mêmes que pour GEOS, à l'exception du Service
HY où le responsable de l'émetteur est René Neyer,
récemment embauché dans la section dirigée par Jean-François
Primard.
Le développement, la fabrication et les essais des matériels
ainsi que l'intégration du sous-système TM-TC se déroulent
sans incident notable.
Le satellite ISEE B est mis en orbite le 22 octobre 1977 après
quelques jours de retard dus à certains doutes des responsables
de la NASA sur la fiabilité des propulseurs auxiliaires à
poudre de la fusée Delta. L'un de ces propulseurs a en effet
provoqué, le 13 septembre 1977, la perte du premier modèle
d'OTS, satellite de télécommunications de l'ESA. La
mise en orbite d'ISEE B s'effectue correctement, et la mission du
satellite est un plein succès. Alors que la durée prévue
pour son exploitation est de trois ans, il sera en fait exploité
pendant près de dix ans.
Thomson-CSF, en raison du fonctionnement parfait de son sous-système,
perçoit le maximum des primes de bon fonctionnement en orbite prévues
au contrat. Le dixième anniversaire du lancement donne lieu à
une cérémonie chez le maître d'oeuvre Dornier, le 22
octobre 1987.
ISPM/Ulysses
Le premier sigle qui désigne ce programme à l'ESA
est OOE (Out Of Ecliptic). Il devient, ensuite, ISPM (International Solar
Polar Mission) puis, quelque temps avant son lancement, la sonde européenne
est baptisée Ulysses.
À
l'origine, le programme prévoit deux sondes, l'une fournie par l'ESA,
l'autre par la NASA, qui, sortant du plan de l'écliptique, doivent
observer les pôles du Soleil.
Les deux sondes doivent être lancées à partir de
la navette spatiale, accélérées ensuite chacune par
un IUS (Interim Upper Stage), et utiliser l'attraction de Jupiter pour
sortir de l'écliptique dans des directions opposées sur des
orbites héliocentriques, afin d'observer chacune les régions
voisines de chaque pôle du Soleil. Ce type de trajectoire exclut
l'utilisation de cellules solaires pour l'alimentation électrique
des sondes. L'énergie doit être fournie dans chacune par un
générateur radio-isotopique fourni par la NASA.
La NASA doit fournir au total une sonde, les générateurs
radio-isotopiques, ainsi que les lancements par la navette spatiale pour
les deux sondes, et le support au sol par le réseau des grandes
antennes du Jet Propulsion Laboratory (JPL) à Goldstone. L'ESA doit
fournir la seconde sonde.
Le programme, qui démarre en 1979, connaîtra bien des vicissitudes.
Pour des raisons budgétaires, la NASA doit renoncer à construire
sa sonde. Elle honore malgré tout le reste de ses accords avec l'ESA,
en assurant les fournitures et prestations auxquelles elle s'est engagée
pour la sonde européenne, qui sera finalement la seule à
explorer successivement les deux pôles du Soleil.
L'accident survenu à la navette Challenger le 28 janvier
1986 prolonge le retard, et Ulysses est finalement lancé
le 6 octobre 1990.
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Ulysses et sa fusée d'appoint PAM-D expulsés de la
navette STS 41
Crédit photo ESA
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Les grandes distances parcourues par les signaux de télécommunications
conduisent à utiliser la bande S pour la TM-TC à faible débit
et la bande X pour les télémesures à haut débit.
La
sonde est stabilisée par rotation, et l'axe de l'antenne parabolique
à grand gain pointé vers la Terre, par le système
de stabilisation, est confondu avec l'axe de rotation. Cependant, compte
tenu de la faible ouverture du faisceau d'antenne en bande X, un pointage
fin s'avère nécessaire. Il est obtenu par un léger
dépointage de la source en bande S, provoquant une modulation d'amplitude
du signal reçu en cas de mauvais pointage sur la direction de la
station sol. L'information amplitude est transmise au système de
stabilisation pour correction éventuelle.
Le consortium STAR, avec pour maître d'oeuvre Dornier, a été
choisi pour effectuer les travaux de phase B1 commencés le 1er
février 1979. Le Département DSP y apporte sa contribution
pour la définition du sous-système TM-TC.
La phase C/D de développement de la sonde commence au début
de 1980, avec un objectif initial de lancement à la fin de 1983
qui est reporté à 1985, puis à 1986, suite à
des décisions de la NASA. L'accident de Challenger impose
un nouveau report.
Les travaux de développement du sous-système TM-TC ont
commencé à DSP en janvier 1980 sur limite d'engagement partielle
car, selon les habitudes prises par l'ESA, le maître d'oeuvre Dornier
n'a obtenu son contrat que vers la fin de 1980, et le contrat entre Dornier
et Thomson-CSF n'a été signé que le 31 décembre
1980.
Le Département DSP a la responsabilité du sous-système
TM-TC. La répartition des tâches est la suivante :
- maîtrise d'oeuvre du sous-système et intégration,
Service ES avec comme chef de projet Claude Payen ;
- transpondeurs bande S/bande X : Service ES avec HY pour la partie
hyperfréquences ;
- décodeur de télécommande : Service ES ;
- RFDU (Radio Frequency Distribution Unit) : Service HY ;
- ATOP : Division Tubes de Thomson-CSF, l'alimentation étant
fournie par FIAR (Italie) ;
- traitement de l'information et codeur de télémesure
: Laben (Italie).
Les
équipements sont doublés pour assurer la redondance.
La sonde ISPM est pour DSP l'occasion de renouveler ses types
d'équipements.
Le transpondeur bande S équipant le satellite ISEE B était
composé d'un récepteur cohérent et d'un émetteur
séparé. Il était donc assez encombrant et lourd.
L'ESA a lancé au printemps de 1976 un appel d'offres pour l'étude
et le développement d'un transpondeur bande S intégré.
Selon ce qui a semblé, à ce moment, être le souhait
du client, DSP a négocié un accord de coopération
avec Motorola, l'un des spécialistes de ce type de matériel
aux États-Unis. L'accord a été signé à
Paris le 8 juin 1976. Après quelques péripéties, la
proposition de DSP n'a pas été retenue par l'ESA et le marché
d'étude a été attribué à Selenia (Italie).
Une étude de marché ayant montré que ce produit
doit avoir des débouchés importants dans les programmes futurs
de satellites, aussi bien scientifiques que d'applications, la Direction
de DSP propose d'entreprendre, sur fonds propres, l'étude et le
développement d'un transpondeur bande S, avec en option une sortie,
côté émission, en bande X, pour certaines applications
particulières. Après de sérieuses réticences,
la Direction de la Division DFH, dont DSP fait partie à l'époque,
finit par autoriser l'étude qui démarre en 1978. C'est le
début d'une ligne de produits qui obtient un plein succès.
Les premiers satellites à en être équipés sont
SPOT,
Telecom 1 et le satellite suédois Viking pour la version
bande S, et la sonde ISPM pour la version bande S/bande X.
L'émetteur prévu pour ISPM possède un étage
de puissance à transistors délivrant une puissance de 5 watts
en bande S et une sortie bas niveau en bande X destinée à
alimenter un tube à ondes progressives (TOP).
La Division Tubes de Thomson-CSF, fournisseur des TOP, connaît
quelques problèmes de développement qui sont la cause de
retards dans leur livraison.
Si le récepteur est développé sans difficultés
notables, le développement de l'émetteur, ainsi d'ailleurs
que celui du décodeur de télécommande, rencontre un
certain nombre de problèmes qui causent des retards dans les livraisons
des modèles de vol. D'autres sources de retard, propres au programme
ISPM,
s'ajoutent aux précédentes.
Compte tenu de l'utilisation d'une source d'alimentation électrique
radioactive, et compte tenu également du niveau élevé
de radiations prévu lors du passage de la sonde au voisinage de
la planète Jupiter, il est nécessaire d'utiliser des composants
durcis aux radiations, ce qui rend leur choix assez difficile.
Certains composants du transpondeur, utilisés avec succès
dans l'étude initiale, ne peuvent être qualifiés pour
les modèles de vol. Il faut procéder à des reprises
profondes de certains circuits à un stade tardif du projet, après
de longues négociations avec le client et le maître d'oeuvre,
pour faire homologuer les composants de remplacement :
- dans le développement du décodeur de télécommande,
qui fait appel à une technique nouvelle en utilisant un microprocesseur,
et, pour des raisons de poids, à une technologie entièrement
nouvelle par rapport aux programmes précédents, l'étroitesse
du budget du client n'a pas permis de financer un modèle d'identification
(engineering model). Il faut passer directement de la maquette au modèle
de qualification. Ce modèle ayant échoué aux essais
de vibrations, la reprise de l'étude mécanique aboutit à
des modifications dont l'exécution est particulièrement longue,
étant donné les règles de qualité applicables
à un modèle qui est prévu pour être utilisé
comme modèle de vol de rechange. Le décodeur démontre
finalement d'excellentes performances : taux d'erreurs de bits (BER) à
0,1 dB de l'optimum théorique ;
- dans les deux cas, transpondeur et décodeur, le nombre de reprises
exécutées devient tel que ces modèles de qualification
sont considérés comme inaptes au vol.
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Ulysses accroché à l'étage de propulsion PAMS
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Pour assurer les livraisons contractuelles, et bien que le client ait
fait l'économie des modèles d'identification, il faut fabriquer,
sans aucun financement supplémentaire de sa part, un nouveau modèle
de vol, aussi bien pour le transpondeur que pour le décodeur.
Enfin, au moment des essais thermiques du prototype de l'émetteur,
un «mystérieux» problème de dilatations différentielles
au niveau de l'étage de puissance provoque des ruptures répétées
d'une connexion. Il faudra plusieurs semaines pour élucider les
raisons du défaut et pour y remédier.
La fabrication des modèles de vol est de plus sérieusement
ralentie par les effets du transfert des équipes de fabrication
de Meudon vers Toulouse et par le renouvellement partiel de ces équipes,
avec l'indispensable formation des nouveaux arrivants.
Pendant
quelque temps, deux équipes de techniciens travaillant en horaires
décalés sont mises sur pied pour effectuer les tests du décodeur.
Les modèles de vol fabriqués par DSP sont finalement livrés
au cours de l'été 1983 pour être intégrés
à la sonde qui sera stockée pendant près de sept ans,
son lancement, sous le nom d'Ulysses, ayant lieu le 6 octobre 1990.
En raison de la longue durée de ce stockage, les matériels
sont sérieusement inspectés avant le lancement, et certains
composants, dont la fiabilité est devenue douteuse, sont remplacés.
De plus, tous les équipements fournis par ATES connaissent un retour
en usine en 1989 pour vérification d'un circuit multiplicateur de
fréquences (brasure dans une cavité) et une nouvelle recette
complète.
Les matériels fournis par DSP auront, pendant toute la partie
de la mission qui se déroulera jusqu'à l'écriture
de ces lignes (1997), un comportement quasi parfait.
Outre le chef de projet Claude Payen, les principaux ingénieurs
qui participent au développement sont MM. Le Henaff, Riboni,
Crenol, Lévêque, Tussac, Gambart, Neyer et d'Hollander.
Giotto
Le
programme de la sonde Giotto est approuvé par le comité
du programme scientifique de l'ESA en juillet 1980. Il a pour but d'observer
de près la comète de Halley dont le passage au périhélion
est prévu pour février 1986.
Cinq autres véhicules spatiaux, deux soviétiques, deux
japonais et un américain, doivent, durant la même période,
effectuer également des observations de la comète. Un groupe
consultatif interagences est alors constitué pour coordonner les
expériences et l'analyse de leurs résultats.
Les appareils de Giotto doivent, outre des prises de vue du noyau,
analyser sa composition et celle de la queue.
On s'attend, malgré le double bouclier qu'il est prévu
d'installer à l'»avant» de Giotto, à ce
que la sonde soit endommagée par les particules solides qui constituent
la queue de la comète, mais on espère bien que la survie
de ses éléments essentiels lui permettra ensuite d'aller
observer d'autres comètes.
Dès que les caractéristiques du programme sont connues,
le consortium STAR se prépare à la compétition pour
construire la sonde.
La désignation du maître d'oeuvre au sein du consortium
se fait sans difficulté car il n'y a qu'un seul candidat : British
Aerospace (BAE). Le Département DSP de Thomson-CSF qui est intégré
à la nouvelle Division Espace à partir de 1982, laquelle
deviendra Alcatel Thomson Espace en 1984, est chargé comme à
l'habitude du sous-système télémesure-télécommande
et localisation (TM-TC).
Les
caractéristiques générales de Giotto devant
être très voisines de celles de GEOS, et les délais
alloués à l'étude et au développement étant
relativement courts, l'ESTEC (établissement technique de l'ESA)
propose de confier l'affaire, sans compétition, à BAE et
au consortium STAR, qui ont réalisé GEOS.
Le 30 septembre 1980, elle obtient l'accord de l'IPC de l'ESA pour mettre
en oeuvre cette solution, et BAE, qui a exécuté un travail
de phase A au second trimestre de 1980, entame un certain nombre d'études
de définition demandées par l'ESA, avec pour objectif une
proposition pour la phase B qui doit commencer en juin 1981.
Au cours de ces études, un certain nombre de désaccords
techniques, et aussi de malentendus, surviennent entre les représentants
de l'ESTEC et ceux de BAE. La crise en arrive à un tel point que
le Président de STAR, qui se trouve être cette année-là
Jacques Chaumeron, Directeur de DSP, reçoit de l'ESTEC une sorte
d'ultimatum en ces termes : «Le consortium STAR ne conservera
l'affaire Giotto qu'à la condition que BAE ne soit pas maître
d'oeuvre. Sinon, l'affaire sera mise en compétition.»
Bien que cette mise en compétition soit peu probable à
cause des retards qu'elle entraînerait dans un planning déjà
très serré si l'on veut rencontrer la comète en 1986,
il faut prendre l'affaire très au sérieux. L'ESTEC ne cache
pas son désir de voir Dornier, qui a effectué une excellente
prestation dans ISEE B, prendre la maîtrise d'oeuvre, mais,
pour des raisons de stratégie commerciale, cette société
confirme qu'elle n'est pas candidate. Le Président de STAR doit
donc, bien malgré lui, faire oeuvre de conciliateur entre l'ESTEC,
puis l'ESA, et BAE.
Une
fois le maximum de la crise passé, les deux parties acceptent de
se parler à nouveau et, le 5 juin 1981, au cours d'une réunion
à l'ESA entre le Directeur des programmes scientifiques de l'ESA,
le Président de STAR et des représentants des directions
générales de Dornier et de la Division Espace de BAE, il
est convenu que le programme Giotto restera confié à
STAR, avec BAE comme maître d'oeuvre, à condition que Dornier,
dans une fonction de conseil, fasse profiter BAE de l'expérience
acquise dans le «management» du programme ISEE B.
L'alerte a été chaude mais le programme Giotto
peut repartir sur la bonne voie. La phase B se déroule jusqu'au
printemps 1982.
Le sous-système TM-TC devant être quasi identique à
celui d'ISPM, la participation de DSP à cette phase se borne
à la fourniture de renseignements techniques et à la participation
à quelques réunions. C'est dans les premiers mois de 1982
que le travail s'intensifie avec la préparation de la proposition
pour la phase C/D qui se terminera, comme à l'habitude, par une
négociation très animée sur les prix.
Le 14 juillet 1982, l'ESA prend la décision d'attribuer à
BAE, maître d'oeuvre du consortium STAR, le contrat pour la phase
C/D du programme Giotto. Ce contrat est officiellement signé
le 20 décembre de la même année.
Dès le 15 juillet 1982, le travail commence sur limite d'engagement
(LOL), car la sonde doit être livrée à temps pour un
lancement en mai 1985.
Le sous-système TM-TC est, comme il a été dit plus
haut, identique à celui d'ISPM, à l'exception de l'antenne,
beaucoup moins directionnelle et donc sans système de pointage fin.
Il n'est pas nécessaire d'utiliser des composants durcis aux radiations
comme dans ISPM, ce qui, dans une certaine mesure, rend les approvisionnements
plus aisés.
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Mise sous coiffe de Giotto
Crédit photo ESA
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Ariane 1 et Giotto
Crédit photo Arianespace
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Les
délais de livraison sont respectés, le lancement a lieu le
2 juillet 1985, et la mission de Giotto est un plein succès.
Le passage près de la comète (600 kilomètres) se produit
comme prévu le 13 mars 1986.
Quelques matériels d'expériences sont détériorés
pendant la traversée de la queue de la comète mais l'essentiel
des équipements du véhicule, dont la TM-TC, reste intact,
et le contrôle de la sonde peut être repris pour assurer d'autres
missions.
Après différentes manoeuvres d'ajustement de l'orbite,
Giotto
passe, le 10 juillet 1992, à 200 kilomètres de la comète
Grig-Skjellerup, et effectue des observations avec les instruments encore
en état de marche. Le prochain passage à proximité
de la Terre devant permettre une accélération (swing-by)
pour aller vers une autre comète est prévu pour le 1er
juillet 1999.
À DSP, le chef de projet est Gilles Lévêque et les
autres participants sont à peu près les mêmes que pour
ISPM.
Soho
Le
satellite Soho a pour mission l'observation du Soleil. Le programme
est entrepris conjointement par l'ESA et la NASA, l'ESA étant chargée
de réaliser le satellite qui doit être lancé par la
NASA. Les deux administrations doivent se partager ensuite l'exploitation.
La mission de Soho est associée à celle de Cluster,
l'un des plus importants programmes de l'ESA de la fin du siècle.
Les observations faites par Soho sur les phénomènes
de plasma magnétisé de la couronne solaire doivent être
corrélées avec celles de Cluster sur le vent solaire.
Soho, qui doit «stationner» au premier point de Lagrange
(1,5 million de kilomètres de la Terre), est stabilisé suivant
trois axes. Sa masse est de 1 875 kilos dont 650 kilos de charge utile.
La puissance électrique disponible en fin de vie est de 1,4 kW.
La durée de vie estimée est de deux ans. L'une des principales
difficultés à résoudre pour la mission est la stabilité
exigée pour le pointage angulaire (10 secondes d'arc). Six instruments
doivent observer l'atmosphère solaire, deux instruments le vent
solaire et trois autres la séismologie solaire. Les données
des télémesures scientifiques et des télémesures
de servitudes sont stockées à bord dans une mémoire
à l'état solide d'origine européenne et dans un enregistreur
magnétique importé des États-Unis.
MATRA Marconi Space (France) est choisi par l'ESA comme maître
d'oeuvre pour la construction du satellite. Saab-Ericsson Space (Suède)
est responsable du sous-système d'acquisition de données.
Dans ce sous-système, le fournisseur des transpondeurs en bande
S est Alcatel Espace (ATES) qui a pour sous-traitant Alcatel Espacio (Espagne).
Il s'agit de transpondeurs de deuxième génération.
Les amplificateurs de puissance en bande S sont achetés directement
par l'ESA à un fournisseur américain (Cubic). Les travaux
de réalisation commencent en 1991.
Le calendrier de fourniture des équipements d'ATES pour Sohoest
décalé de plus d'un an par rapport à ceux de Cluster.
Dans un souci de réduction des prix, l'ESA négocie la fourniture
des équipements de Soho en estimant que les similitudes entre
les deux programmes devraient se traduire par la disparition de certaines
prestations spécifiques. En réalité, et bien que la
définition technique des équipements présente de nombreux
points communs, cette similitude n'entraîne pas, de fait, de réduction
des coûts industriels. Il faut tenir compte :
- du décalage d'un an entre les deux programmes ;
- des architectures industrielles complexes et différentes d'un
programme à l'autre (maîtres d'oeuvre différents, un
industriel européen apparaissant comme client et comme fournisseur
d'ATES) ;
- d'interfaces électriques différentes entraînant
des modifications de réalisation et de documentation ;
- des conditions de recette spécifiques de lanceurs différents,
Ariane
5 pour Cluster et Atlas pour Soho.
Les responsables techniques d'ATES doivent, pendant un an, faire des
efforts pour obtenir la correction de l'hypothèse initiale à
laquelle l'ESA reste très attachée.
Finalement, grâce au traitement spécifique de chacun des
programmes, leur déroulement s'avère satisfaisant.
Afin de maintenir, malgré tout, une certaine cohérence,
un chef de projet unique, Brigitte Jarrousse, reste à leur tête
pendant toute leur durée, de 1989 à la fin de 1995.
Soho est mis en orbite le 2 décembre 1995 par une fusée
Atlas
IIAS à partir du centre spatial Kennedy.
Cluster
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Vue artistique de l'escadron de Cluster
Crédit photo ESA
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La
mission de Cluster est l'analyse des champs électromagnétiques
et de la distribution des particules dans le vent solaire. C'est une mission
purement européenne, entreprise par l'ESA et associée à
celle de Soho. Elle comprend quatre satellites lancés simultanément
et espacés sur une orbite très elliptique (4 x 19,6 rayons
terrestres). La masse de chaque satellite est de 1 200 kilos dont 72 kilos
de charge utile pour une puissance électrique disponible de 260
watts en fin de vie. La durée de vie estimée est de deux
ans. Les données des télémesures scientifiques et
celles des télémesures de servitudes sont stockées
dans une mémoire à l'état solide. Les quatre satellites,
stabilisés par rotation (15 rpm), permettent de dissocier les fluctuations
spatiales des fluctuations temporelles du plasma dans les trois dimensions.
La proposition du consortium STAR, avec Dornier comme maître d'oeuvre,
est retenue par l'ESA pour la réalisation des satellites. ATES est
maître d'oeuvre du sous-système TTC (télécommande-télémesure-localisation).
Les travaux commencent en 1989. Les sous-traitants d'ATES sont : Alcatel
Espacio pour les transpondeurs en bande S, Saab-Ericsson Space pour les
antennes, Schrack (Autriche) et VTT (Finlande) pour les matériels
d'essais au sol. Comme pour Soho, le contrat d'approvisionnement
des amplificateurs de puissance en bande S est passé directement
par l'ESA à Cubic (USA), ATES étant leur destinataire final
pour leur intégration dans le sous-système.
Comme
pour Soho, les principales difficultés rencontrées
dans le déroulement du programme sont dues :
- à la mise en application du principe de l'ESA du juste retour
industriel qui conduit à une parcellisation extrême des tâches
parmi les industriels européens ;
- à la très forte imbrication des responsabilités
entre responsables de sous-systèmes ou d'intégration et fournisseurs
de sous-ensembles ou d'équipements.
Au point de vue technique, le programme se déroule sans incident
majeur.
Le 4 juin 1996, le lancement simultané des quatre satellites
Cluster
par le premier exemplaire du lanceur Ariane 5 est un échec. |