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Association Amicale des Anciens d'Alcatel Space
CHRONIQUES D'UN MÉTIER de 1963 à 1993
Table | Préf | Intro | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9

5 - Les techniques et les technologies

5.2 - Les technologies


La conception et la fabrication de tout équipement de télécommunication nécessitent la maîtrise de plusieurs techniques complémentaires : électronique, mécanique, technologie, etc.

La technologie est la technique relative aux matériaux et aux procédés de fabrication. Elle en définit les caractéristiques ainsi que les conditions de mise en oeuvre et d'emploi. Une technologie (ou filière technologique) est l'ensemble des matériaux et procédés permettant de réaliser une pièce ou un ensemble.

La règle de sécurité pour un équipement embarqué dans un satellite est que toute nouvelle technologie utilisée doit avoir fait la preuve de son aptitude à un vol spatial, c'est-à-dire : 

- à un long stockage au sol avec risque d'humidité (risque de corrosion);

- à de fortes vibrations pendant le lancement (risque de casse);

- à une longue durée de vie en orbite (sans possibilité de dépannage), sous vide (c'est-à-dire sans possibilité de transmission de chaleur par convexion) et avec de très nombreuses et diverses variations cycliques de température, liées à la position du satellite par rapport au soleil et à la position de l'équipement dans ou sur le satellite, ainsi qu'aux «arrêt-marche» des équipements dissipatifs (c'est-à-dire avec des dilatations thermiques déformant les pièces ou créant des contraintes répétées susceptibles de causer des ruptures par fatigue).
 
 

D'autres considérations conditionnent les choix technologiques, telles que le poids minimal, lié à la capacité limitée du lanceur, l'absence de dégazage risquant de polluer les optiques et d'intoxiquer les équipages, etc.

La caractérisation d'un matériau, ou du résultat d'un procédé, est effectuée par des technologues avec les moyens de mesure, d'analyse et d'essai du Laboratoire de Physico-chimie. La vérification de l'aptitude au vol spatial d'une technologie fait l'objet d'une qualification formelle, avec des pièces représentatives de ses limites, soumises à des essais accélérés représentatifs d'un vol, sous contrôle du Service Qualité.

Au début de l'activité spatiale il n'y avait pas de service interne spécialisé en technologie. Le Bureau d'Études et le Service Méthodes-Fabrication en assuraient la fonction. Un Service à part entière a été créé très tôt à la demande du CNES.

Ce Service a reçu pour mission :

- de proposer des matériaux et procédés selon les besoins exprimés par les concepteurs;

- de caractériser chacun d'eux par une spécification de définition;

- d'en établir les règles d'emploi (spécification de conception);

- d'assister les services de fabrication pour la mise en place des moyens de production associés (choix et installation des machines, instructions de fabrication et formation du personnel);

- d'établir et de conduire les programmes aboutissant à leur qualification;

- d'assister les services concernés en cas de difficulté d'utilisation ultérieure.
 
 

Jusqu'en 1997, plus de huit cents spécifications technologiques ont été rédigées. Il serait fastidieux de raconter ici l'histoire de chacune. Seules les principales technologies sont évoquées en indiquant les raisons de leur choix, de leur évolution, et éventuellement de leur abandon. Les pièces mécaniques et les assemblages électroniques sont considérés séparément.
 

Les pièces et assemblages mécaniques


Il s'agit des antennes, guides d'ondes, structures, coffrets d'électronique, et de toutes les pièces réalisées par les ateliers de mécanique, de galvanoplastie et de plasturgie.
 

Les principaux matériaux utilisés


La recherche du poids minimal a conduit au choix, pour les pièces très ouvragées, d'un métal léger, facile à usiner et peu coûteux tel que l'aluminium, ou plutôt un de ses alliages à bonne tenue mécanique. Les pièces structurales, généralement formées et de grandes dimensions, sont conçues de préférence en matériau composite en fibres (unidirectionnelles ou tissées) imprégnées de résine thermodurcissable.

Mais des contraintes spécifiques ont imposé d'autres choix :

- les pertes minimales d'énergie sont obtenues avec des métaux à haute conductibilité électrique tels que l'argent ou l'or (pour revêtements de surface);

- la régulation thermique «par conduction» est favorisée par des métaux à haute conductibilité thermique tels que l'argent ou ses alliages (pour cales thermiques);

- le besoin de grande stabilité dimensionnelle est satisfait avec des matériaux à coefficient de dilatation thermique quasi nul tels que l'Invar (Fe-Ni) ou un composite à base de fibres de carbone;

- le brasage d'une céramique sur un support métallique nécessite le choix de métaux à coefficients de dilatation thermique adaptés tels que le Kovar (Fe-Ni-Co) pour l'alumine ou le titane pour les ferrites;

- les petites pièces usinées au tour sont en bronze au béryllium;

- les guides d'ondes souples sont réalisés en alliage de cuivre, les blindages magnétiques en Mumétal (Ni-Cu-Co), les pièces de visserie en acier inox ou en titane plus léger, etc.
 

Les procédés de mise en forme des pièces métalliques


À l'origine les pièces métalliques étaient usinées avec les moyens traditionnels de mécanique par fraisage dans la masse (ex. : boîtiers), par tournage (ex. : sources coniques), par mortaisage pour obtenir des angles vifs (ex. : filtres hyperfréquences), par emboutissage ou matriçage ou extrusion (ex. : corps de guides d'ondes), ou en tôlerie (ex. : cornets à ailettes en aluminium repoussé pour Telecom 1).

Ces procédés ont évolué par la suite pour des raisons techniques et économiques :

- le fraisage a été effectué par des machines à commande numérique de plus en plus performantes en manipulation des pièces, en vitesse et en précision d'usinage;

- l'amincissement local de parois, pour alléger les pièces, a été obtenu sans déformation par une gravure chimique moins brutale que le fraisage;

- le mortaisage a été remplacé par l'électroérosion par enfoncement;

- l'emboutissage a été remplacé par la découpe par électroérosion à fil ou par faisceau laser;

- le détourage de toutes sortes de matériaux est aussi effectué par découpe au laser ou par découpe au jet d'eau à très haute pression dans le cas des matériaux mous (joints hyper).
 
 

Certaines pièces de forme complexe ne peuvent pas être obtenues directement par ces procédés. La solution habituelle est de les décomposer en pièces élémentaires simples, usinables, qui sont ensuite assemblées par vis ou par brasage.

Ce n'est pas toujours possible car, pour certaines formes, il faudrait un nombre infini d'éléments. Cependant, de telles pièces ont pu être réalisées directement par moulage. Ainsi les guides «Twist» (pour Eutelsat 2) ont été obtenus en fonderie d'aluminium à cire perdue. Cette technologie très économique a été étendue à toutes sortes de guides et cornets.

Un autre procédé a été utilisé exceptionnellement pour réaliser des pièces de forme interne complexe; c'est la fabrication par électroformage.
 

Les traitements de surface et revêtements des pièces


L'amélioration de la conductibilité superficielle des pièces, de leur brasabilité ou simplement de leur protection contre la corrosion a nécessité dès l'origine la mise en place de moyens spécifiques de traitements de surface par galvanoplastie.

L'argentage a été le traitement le plus utilisé en hyperfréquences (conduction par «effet de peau»). Déposé par voie électrolytique, il impose quelques contraintes :

- une sous-couche de nickel (ou de cuivre) est nécessaire avec des pièces en aluminium ou en métal ferreux. Son but est de réduire la différence de potentiel de contact entre couches voisines et de supprimer ainsi le risque de corrosion par couple galvanique en présence d'humidité;

- le nickel, métal ferromagnétique, est à éviter pour des raisons de compatibilité électromagnétique dans les équipements sensibles au magnétisme, tels que le magnétomètre embarqué à bord de la sonde Giotto;

- le dépôt électrolytique d'argent n'est pas naturellement uniforme (comme le dépôt chimique du nickel). Il est plus épais sur les parties saillantes des pièces par «effet de pointe» et plus mince dans les creux, voire nul dans les parties cachées. Ce défaut est en partie corrigé en adaptant la forme de l'anode à celle de la pièce à revêtir. Ce n'est pas toujours facile, le mieux étant de concevoir les pièces «ouvertes»;

- enfin, l'argent finit par noircir après une longue exposition à l'air. Il doit être passivé.
 
 

C'est pour éviter ce noircissement que le dorage de toutes les pièces a été demandé pour la fourniture en sous-traitance de soixante récepteurs pour le satellite TDRSS en 1975-1976. Cette fabrication a reçu les félicitations du client (TRW pour le compte de la NASA) pour le respect de la qualité et des délais

Par la suite la dorure, très coûteuse, n'a plus été utilisée que dans les cas spéciaux. Le noircissement de l'argenture a été très atténué par l'amélioration de la passivation de l'argent - chromatation chimique - et par le rappel à tous les intervenants de l'obligation du port de gants. Aujourd'hui, la dorure est redevenue le traitement le plus utilisé.

Pour les pièces métalliques ne jouant aucun rôle électrique, un simple traitement de protection contre la corrosion suffit, tel que l'oxydation anodique ou la chromatation chimique «Alodine» pour l'aluminium.

Des petites pièces de forme interne très complexe ont été réalisées par électroformage. Il s'agit d'un dépôt électrolytique épais de cuivre sur une cathode en aluminium, usinée selon la forme à obtenir. L'aluminium est ensuite dissous dans la soude pour ne laisser que la pièce en cuivre. Ce procédé convient surtout pour de petites pièces, compte tenu de la densité élevée du cuivre, (minicornet corrugué fonctionnant à 90 GHz pour un projet de sondeur météo).

Enfin, les parties externes des équipements sont peintes. La peinture joue un rôle de protection et de régulation thermique, soit par absorption (peinture noire), soit par réflexion (peinture blanche). Ces peintures doivent avoir des caractéristiques de tenue aux rayons ultraviolets. Elles ont été qualifiées sous contrôle du CNES, ainsi que leur mode d'application (sous-traitée).

Les procédés de métallisation des matériaux non métalliques seront vus dans les paragraphes sur la plasturgie, les couches minces et les couches épaisses.
 

Les assemblages de pièces mécaniques


Le mode d'assemblage le plus commode est assurément l'assemblage par vis, mais avec deux inconvénients :

- le premier, d'ordre mécanique, est l'augmentation de masse due aux collerettes et brides nécessaires ainsi qu'aux vis elles-mêmes;

- le second, d'ordre électronique, est lié aux discontinuités locales de forme et de contact des surfaces assemblées, qui perturbent la propagation des ondes hyperfréquences (surfaces non planes et/ou désalignées dues aux tolérances d'usinage et de montage).
 
 

L'assemblage sans «fuite électrique» de pièces en tôlerie mince d'aluminium a été réalisé par rivetage et collage conducteur électrique pour les sources d'antennes de Symphonie.

Dans le cas d'émission de forte puissance et avec des antennes à la fois d'émission et de réception, la présence de discontinuités dans les guides crée des IMP (en français, Produits d'Intermodulations Passives ou PIMP), gênants pour la réception. Ce défaut a été très atténué par la création d'une architecture spéciale de brides à lèvres, dites «anti-PIMP» (pour Eutelsat 2).

Le remplacement de la visserie par le soudage, lorsqu'il est possible, supprime ces inconvénients. Le brasage au bain de sel de pièces en alliage d'aluminium a été utilisé très tôt (ex. : ajout de guides). Ce brasage délicat est effectué avec une préforme d'aluminium à point de fusion proche de celui des pièces, au voisinage de 600 °C. Il doit être contrôlé au degré Celsius près car les pièces, maintenues par pression, sont ramollies et peuvent se déformer. Totalement recuites, elles doivent ensuite être durcies par traitement thermique de revenu. Il existe aussi un risque de débordement (coulure) de la préforme ou, à l'inverse, de manque de métal, et dans ce cas un risque d'inclusion de sel dans le joint.

Pour réduire ces risques, le calibrage et le positionnement précis de la préforme peuvent être obtenus à l'aide d'un colaminé : tôle mince en aluminium à bas point de fusion, plaquée sur une tôle en alliage d'aluminium classique. La préforme est obtenue in situ par fraisage superficiel du colaminé. Ainsi, des diviseurs de puissance d'Eutelsat 2 ont été réalisés en deux parties :

- l'une est un monobloc d'alliage classique fraisé pour former les trois côtés de tous les guides;

- l'autre est un colaminé plat, fraisé en surface (programme d'usinage inverse), formant le quatrième côté. Ces pièces sont argentées après brasage. Mais leur forme complexe et «quasi fermée» rend difficile la régularité de l'argenture.
 
 

Pour réduire l'effet des discontinuités dans les plans d'assemblage, une autre solution a consisté à réaliser ceux-ci sur la ligne à champ électrique nul des guides. Ainsi le répartiteur du dernier modèle de vol d'Eutelsat 2 a-t-il été réalisé en deux demi-coquilles exactement symétriques, faciles à usiner et à argenter, qu'il a suffi d'assembler par vis.

Un autre type de brasage a également été pratiqué en utilisant la soudabilité des revêtements d'or ou d'argent des pièces en aluminium (ou autre). Ce procédé est surtout utilisé pour des reports de petites pièces (ex. : doigts dans des filtres, obturation d'ouvertures, etc.), mais avec quelques contraintes :

- brasage à basse température (< 300 °C) pour ne pas décoller le revêtement (cloques);

- compatibilité entre brasure et revêtements (en vieillissement, risque de formation avec l'or de composés intermétalliques fragiles dans le joint);

- absence de brillanteur organique dans le revêtement, se décomposant à ces températures.
 
 

Une variante de ce procédé dit «brasage eutectique» consiste à utiliser le revêtement lui-même comme brasure. Ainsi, des pièces en tôle d'Invar revêtues de cuivre et d'argent ont été brasées dans un four à vide, avec pour brasure le cuivre-argent déposé (ex. : filtres de multiplexeur de sortie).

Par ailleurs toutes sortes de collages souples, semi-rigides ou rigides ont été mis au point pour assembler toutes sortes de pièces avec des colles conductrices (électriques et/ou thermiques) ou isolantes, ou avec des rubans adhésifs. Les colles et collages ont été qualifiés en précisant la durée de vie des produits et les compatibilités des matériaux. (ex. : collage de miroir de calibrage sur une pièce en aluminium argenté avec une colle semi-rigide).

Des assemblages démontables de pièces très légères ont été réalisés à l'aide de bandes Velcro dégrafables, collées sur les pièces (ex. : fixation d'écran thermique).
 

Les procédés de plasturgie


Les pièces en composite sont obtenues à partir de feuilles constituées de fibres (unidirectionnelles ou tissées) imprégnées de résine prépolymérisée. Ces feuilles sont découpées selon la pièce, puis drapées en plusieurs couches sur un moule métallique usiné spécialement selon la forme à obtenir (plate, parabolique ou autre). L'ensemble est dégazé, puis polymérisé à chaud et sous pression dans un autoclave.

Dans le cas de pièces trop grandes pour entrer dans l'autoclave, la pièce et le moule sont enfermés dans une «chaussette» dans laquelle on fait le vide; la pression exercée par la chaussette est alors la pression atmosphérique.

Enfin, lorsque la précision l'exige, le moule doit être sans retrait après retour à la température ambiante. Pour cela, il est réalisé en Invar.

Certaines pièces, même en composite conducteur (fibre de carbone), ont été demandées métallisées :

- un réflecteur parabolique d'antenne de Symphonie a été métallisé par simple collage d'une mince feuille d'aluminium;

- les filtres à cavités et les guides d'ondes pour Telecom 1 ont été réalisés comme suit : la métallisation interne de la pièce est effectuée en premier lieu par un dépôt électrolytique peu adhérent de cuivre sur un noyau en acier inoxydable (représentant l'intérieur de la pièce). Le cuivre est ensuite traité pour obtenir une bonne adhérence du composite en fibres de carbone. Celles-ci sont drapées sur le cuivre. L'ensemble est mis à polymériser en autoclave. La pièce est ensuite décollée du noyau, à basse température. Elle est terminée par un argentage du cuivre des faces internes, puis par un étanchement de la résine externe, sensible à l'humidité. Cette technologie dérive d'une fabrication de cornets hexagonaux dorés pour une maquette d'antenne destinée à Brazilsat réalisée au cours de l'étude CUFA (Charge Utile Franco-Allemande).
 
 

La rigidification des grandes pièces, qui doivent rester légères, est obtenue par une architecture spéciale, constituée par assemblage de deux minces «peaux» en composite collées sur une structure épaisse en nid d'abeille dite «NIDA».

Un réflecteur d'antenne du satellite Symphonie, et beaucoup de suivants, ont été réalisés avec un NIDA- aluminium collé entre deux peaux-fibres de carbone  formées et polymérisées sur un moule parabolique en Invar.

Toutes sortes de pièces fonctionnelles ou de structures ont été réalisées avec des NIDA en matériaux conducteurs ou isolants divers (alu, papier-Nomex, Kevlar…) et avec des peaux elles aussi en matériaux divers (aluminium, fibres de carbone, fibres de verre, Kevlar…).

Pour réduire le cycle de fabrication, ces pièces peuvent être réalisées en deux opérations (voire une seule) au lieu de trois, en effectuant simultanément la polymérisation d'une peau (voire des deux peaux) en même temps que le collage du NIDA.
 

Exemple d'évolution des filtres  de multiplexeur de canaux


Les premiers filtres multipôles étaient constitués de pièces en Invar, usinées dans la masse, ensuite argentées, puis assemblées par vis. Ils étaient lourds (densité de l'Invar > 8).

Or, la partie utile de ces filtres, du point de vue hyperfréquences, est l'argenture (effet de peau). Le remplacement du support Invar par un composite à fibres de carbone ne modifie pas ses caractérisques mais permet son allègement. Le gain de poids pour les filtres 4 et 6 GHz de Telecom 1 a été d'un facteur 4. Toutefois, le cycle de fabrication est long et coûteux.

Les filtres suivants ont été réalisés en partant de pièces élémentaires (cylindres et disques à iris) en tôle mince d'Invar, assemblées par brasage au cuivre-argent dans un four à vide. Le gain de poids par rapport à la solution initiale est encore appréciable (facteur 2 pour les filtres 12 et 14 GHz). Mais ce procédé délicat n'autorise pas de retouche; si une seule cellule du filtre n'est pas conforme c'est tout le filtre qui est mis au rebut.

Par la suite, des filtres ont été réalisés à partir de cavités en Invar, taillées et amincies par usinage, et de cloisons (avec iris) découpées dans de la tôle mince d'Invar. Après argentage, ces pièces sont assemblées par vis. Cette technologie, un peu plus lourde, permet néanmoins d'obtenir un argentage plus régulier sur des pièces plus simples et de réaliser des filtres adaptables par simple substitution d'iris.
 

Évolution des technologies  et architectures des antennes


Les antennes classiques comportent trois parties : une source dirigée vers un réflecteur, un réflecteur dirigé vers la Terre, et une structure qui les maintient en position. L'antenne du satellite Symphonie avait pour source un cornet en aluminium, et pour réflecteur une coque épaisse parabolique constituée d'un NIDA-alu collé entre deux peaux.

L'antenne en bande C pour le satellite Telecom 1 devait concentrer son rayonnement sur une zone terrestre de forme allongée. Pour cela son réflecteur était comme ci-dessus, mais sa source était constituée de cinq hélices alimentées par un répartiteur de puissance en guides.

Les antennes des satellites de télévision de grande puissance de la famille TDF avaient une constitution similaire, mais la raison d'être de la multisource (ici des cornets) était de contrôler l'illumination du réflecteur avec un minimum de pertes plutôt que de former un contour spécial.

Pour doubler le nombre de canaux, les antennes (bande Ku) des satellites suivants, Eutelsat 2 et Telecom 2, étaient composées d'un réflecteur bigrille et d'une multisource (à polarisations croisées, avec des canaux entrelacés). Le réflecteur comportait deux coques :

- la coque avant était en NIDA-Kevlar collé entre deux peaux en Kevlar-cuivré-une-face. La face extérieure des peaux, seule cuivrée, était ensuite gravée pour former une grille (minces bandes de cuivre);

- la coque arrière était une parabole classique en NIDA-alu et peaux-fibres de carbone;

- les deux coques étaient maintenues espacées par un raidisseur périphérique lui aussi en NIDA et peaux similaires.
 
 

Le besoin de protéger du soleil la coque bigrille a nécessité la création d'un écran thermique original. Celui-ci était constitué d'un patchwork de feuilles de kapton traitées en surface :

- la face interne, dirigée vers le réflecteur, comportait des pastilles d'aluminium, destinées à renvoyer une grande partie des rayons solaires reçus, tout en restant transparentes aux ondes hertziennes;

- la face externe, exposée au soleil, était recouverte d'une mince couche semi-conductrice de germanium dont le rôle était d'écouler les charges électrostatiques accumulées et d'éviter ainsi des claquages, générateurs de parasites ou destructeurs.
 
 

Le répartiteur de la multisource de Telecom 2 (bande C) n'a pas été réalisé en guides à éléments séparés, mais en structure triplaque dite «bar-line» :

- les conducteurs centraux étaient découpés dans de la tôle de cuivre;

- ils étaient maintenus en place entre deux couches isolantes de NIDA en papier Nomex;

- les plaques de masse extérieures étaient constituées en NIDA-alu entre deux peaux-alu.

Le répartiteur du dernier modèle de vol d'Eutelsat 2 a été réalisé dans une architecture en guide, plus compacte et plane. Il s'agissait de deux demi-coquilles symétriques, fraisées dans l'aluminium, puis argentées et vissées ensemble, intégrant tous les guides formant le répartiteur.

Le besoin de modifier à la demande la direction du pinceau rayonné a été satisfait par solution mécanique (lente) ou électronique (instantanée). L'antenne «spot mobile», en bande Ku, de Telecom 2 avait une source fixe et un réflecteur orientable de ± 5° sur deux axes, commandé par un mécanisme motorisé pouvant ainsi modifier le pinceau réfléchi de ± 10° sur chaque axe. L'antenne de Turksat était fixe, mais la source avait un rayonnement à contour configurable (à deux positions) par commande électronique de déphaseurs.

Le rayonnement à contour configuré fixe de l'antenne Arabsat a été obtenu d'une autre manière. La source est un simple cornet corrugué, réputé pour sa bonne symétrie de diagramme et sa grande pureté de polarisation. Par contre, le réflecteur n'est plus parabolique, mais il est formé à la demande, pour obtenir la configuration radioélectrique souhaitée. Cela impose d'usiner un moule spécial pour chaque application, inutilisable pour les suivantes.

D'autres améliorations ont été apportées ou sont en étude : 

- gain de poids de 20 % avec des coques et des raidisseurs amincis;

- gain de place sur le satellite avec double réflexion (antennes «grégoriennes» globalement plus courtes);

- meilleur contrôle thermique et transmission de puissance supérieure avec de nouvelles formes géométriques.
 
 

Les futures antennes orientables et reconfigurables électroniquement auront une archirecture totalement différente. Elles seront plates, de grandes dimensions et en composite isolant revêtu d'une grande quantité de petits motifs métalliques rayonnants, alimentés par de petits modules émetteurs-récepteurs déphasables, d'où leur nom d'»antennes actives».
 

Les assemblages de composants  électroniques


Compte tenu de la grande fiabilité demandée aux équipements et de leur miniaturisation, leur câblage doit être effectué dans une salle blanche. La première salle blanche industrielle (classe 100 000) a été ouverte en fin d'année 1968 à Vélizy avec une vingtaine de câbleuses provenant des centres de Bagneux et de Bezons. Les premiers équipements fabriqués étaient destinés aux satellites de la série Diamant et au satellite Eole pour le CNES. Ils ont été suivis en 1969 d'équipements fabriqués en sous-traitance de Hughes pour le satellite Intelsat IV.

Les codeurs et les décodeurs étaient réalisés en deux technologies :

- l'une appelée MICAM aux États-Unis, MGM en France (modules à grilles multiples);

- l'autre, cordwood ou circuit fagot.
 

Les modules à grilles multiples (MGM)


L'architecture MGM était la suivante :

- les composants électroniques étaient collés sur une plaque d'aluminium jouant le rôle de support mécanique et de drain thermique;

- les interconnexions étaient réalisées par des grilles métalliques obtenues par gravure chimique de tôle mince de nickel. Ces grilles étaient empilées et isolées entre elles par des feuilles préimprégnées de résine. La «galette» obtenue était mise sous pression et polymérisée à chaud;

- les queues nickelées ou dorées des composants étaient ensuite soudées électriquement sur les parties des grilles apparaissant dans les fenêtres, à l'aide d'un poste de soudure à électrodes opposées.
 

Les circuits fagots


Les circuits fagots, utilisés lorsque la dissipation thermique était faible, étaient construits comme suit :

- les queues des composants étaient piquées entre deux feuilles isolantes souples;

- leurs liaisons étaient réalisées à l'aide de rubans de  nickel posés sur les feuilles isolantes et soudés électriquement sur les extrémités des queues des composants comme ci-dessus;

- le tout était enrobé dans une mousse ne laissant dépasser que les sorties utiles.
 
 

Les MGM et les circuits fagots étaient boulonnés sur une structure servant de radiateur mère. Leurs sorties étaient interconnectées par des rubans de nickel soudés électriquement. Le tout était enrobé dans une mousse assurant une bonne tenue mécanique de l'ensemble mais posant le difficile problème des réparations (piochage en aveugle dans la mousse).
 

Le wrap-around


À l'époque, les soudures électriques (technologie issue de la fabrication des tubes à vide) avaient une bien meilleure réputation de fiabilité que les brasures à l'étain-plomb. Mais à l'usage cette technologie a présenté plusieurs inconvénients :

- la diversité des queues de composants imposait de fréquents changements de réglage du poste de soudure électrique;

- la qualité des soudures électriques est très sensible à la propreté des surfaces. Or, les composants à usage spatial subissent de nombreux tests de fiabilité qui affectent les surfaces;

- toute reprise de soudure, pour réparation ou modification, était une opération à risques;

- enfin, certaines liaisons étaient impossibles à réaliser par soudure électrique (câbles coax).
 
 

La généralisation de la soudure à l'étain-plomb avec résine décapante était finalement préférable. La première technologie totalement brasée a été le «wrap-around», construit comme suit :

- les composants étaient interconnectés sur une structure en tôle d'aluminium, dorée ou nickelée et équipée de traversées isolantes;

- les extrémités des queues des composants et des fils de connexion étaient crochetées autour des plots des traversées sur lesquels elles étaient brasées;

- les composants lourds et/ou dissipatifs étaient collés sur la tôle servant de support et de drain thermique.
 
 

La forme des «crochets» et celle des soudures étaient définies par des consignes très strictes. Une autre exigence de ce temps-là était un souci extrêmement pointilleux de «traçabilité». Chaque composant devait être numéroté et associé à une fiche mécanographique retraçant son histoire. Le contrôle qualité vérifiait non seulement la conformité de sa place et de son câblage mais aussi celle de son numéro de série inscrit dans la documentation. Cette contrainte, de peu d'intérêt pratique, fut abandonnée par la suite.
 

Les circuits imprimés


Les premiers «circuits imprimés», d'emploi plus aisé que les assemblages ci-dessus, ont été réalisés en 1972 pour le satellite Symphonie. Il s'agissait de substrats en verre époxy, métallisés double face, percés de trous non métallisés destinés à recevoir des composants piqués. Les pistes métalliques, obtenues par gravure chimique des faces cuivrées, étaient revêtues d'or, sauf sur les zones à braser où elles étaient revêtues d'étain-plomb.

Les premiers circuits imprimés multicouches à trous métallisés et revêtus uniquement d'étain-plomb ont été mis au point avec le sous-traitant Systronic en 1976 pour Spacelab. Il s'agissait d'un équipement pour vol habité (console de visualisation avec clavier de commande).

Ces circuits comportaient trois à six couches conductrices en cuivre et donc deux à cinq couches isolantes de verre époxy. Ils étaient livrés équipés d'une plaque en aluminium anodisée noire et ajourée par gravure chimique (pour éviter les contacts avec les sorties des composants). Cette plaque collée sur le circuit imprimé servait à la fois de cadre-support et de drain thermique sur lequel les composants dissipatifs étaient collés.
 

Le sertissage


Le procédé d'interconnexion filaire souple, réalisé au fer à souder, imposait un fastidieux dédorage et étamage des connecteurs avant brasage. Il a été remplacé en 1980 sur le satellite SPOT 1 par le «sertissage» de fils multibrins sur les sorties appropriées des connecteurs.
 

Le miniwrapping


Sur le même satellite SPOT 1, le câblage des fonds de panier a été conçu en «miniwrapping». Ce câblage consiste à relier les sorties des connecteurs de circuits imprimés numériques avec un fil de cuivre monobrin, isolé, dénudé aux extrémités, puis enroulé, à l'aide d'un pistolet spécial, en plusieurs tours serrés et jointifs autour des sorties des connecteurs. La tenue de l'enroulement (non brasé) est liée à la forme des sorties à section carrée et à arêtes vives.
 

Les MIC à couches épaisses


Les liaisons hyperfréquences peuvent être miniaturisées sous forme de «microstrip-line» ou «biplaque» avec un ruban conducteur et un plan de masse espacés par un diélectrique à haute constante. Cette architecture permet de réaliser des circuits de qualité et de faible encombrement appelés MIC (Microwave Integrated Circuits).

La fourniture des soixante émetteurs-récepteurs pour le satellite TDRSS (1978-1980) comportait de tels circuits, constitués comme suit :

- le diélectrique est un substrat d'alumine pure, polycristalline (constante diélectrique = 10) poli et rectifié deux faces, puis découpé à la scie diamantée;

- les métallisations sont des couches d'or obtenues par dépôt sérigraphié (pochoir) de pâte d'or (encre) séchée puis cuite dans un four à passage. Les deux faces de l'alumine sont métallisées et cuites séparément. La métallisation est totale sur la face du plan de masse. Sur l'autre face, les lignes conductrices seules sont déposées (au travers d'un écran de sérigraphie enduit d'une résine photosensible, localement dissoute après insolation au travers d'un cliché, image des lignes, et développement);

- des résistances sont obtenues de la même manière, par dépôt local et cuisson d'encres résistives. Ces résistances sont ensuite protégées par dépôt et cuisson similaires d'une encre diélectrique, puis ajustées par sablage (remplacé par découpe au laser à partir de 1986);

- la face masse dorée du substrat est ensuite brasée à l'or-étain sur un cadre métallique argenté ou doré, prévu pour être vissé sur la structure de l'équipement (entre deux transistors);

- l'ensemble est éventuellement équipé de microcomposants passifs (chips), montés en surface par brasage à l'étain-plomb, non pas directement sur l'or incompatible, mais sur une surcouche sérigraphiée de platine-or;

- les interconnexions sont réalisées par fil d'or thermocompressé sur couche d'or ou par ruban d'argent brasé à l'étain-plomb sur couche de platine-or.
 
 

Les isolateurs hyperfréquences entre étages sont réalisés selon les mêmes principes mais avec des substrats de ferrite (à haute perméabilité magnétique) sérigraphiés, brasés sur cadre puis équipés d'un (ou deux) aimant(s) collé(s) après réglage fonctionnel.

Remarques sur les appellations :

- l'épaisseur des dépôts sérigraphiés est > 10 µm. Elle a donné le nom de couches épaisses par opposition aux couches déposées sous vide < 10 µm, dites couches minces;

- avec l'ajout de composants discrets on ne devrait plus considérer un MIC comme un vrai circuit intégré (c'est-à-dire monolithique), mais comme un circuit hybride (mi-intégré, mi-discret). Néanmoins le nom MIC est resté et s'est curieusement féminisé en une MIC (peut-être pour s'accorder avec la couche épaisse ?).
 
 

L'intérêt du procédé de sérigraphie est la rapidité d'exécution des dépôts, convenant à une production de série, et la possibilité de déposer divers types d'encres :

- soit métalliques pour réaliser des lignes hyperfréquences ou des zones soudables;

- soit résistives pour intégrer pratiquement toutes les résistances;

- soit diélectriques, pour intégrer des croisements de conducteurs isolés, ou pour réaliser des petits condensateurs, ou pour constituer une couche protectrice des résistances ajustées.
 
 

Par contre, il présente certaines limites :

- l'imprécision des bords de piste (liée au maillage de l'écran de sérigraphie et à l'affaissement du dépôt après cuisson) devient critique lorsque les pistes doivent être fines (inférieures à 200 µm);

- le grand nombre d'écrans à fabriquer, de couches à déposer (certaines deux fois), puis à cuire successivement, pour satisfaire tous les besoins, en font un procédé à cycle assez long pour des MIC.
 

Les MIC à couches minces


Le besoin de réaliser des pistes précises, jusqu'à dix fois plus fines (de l'ordre de 20 µm) pour les fréquences élevées, a pu être satisfait à partir de 1973 pour les satellites OTS, MAROTS et MARECS à l'aide de MIC en couches minces sur saphir.

Le diélectrique est un monocristal d'alumine ultrapure. Les conducteurs sont déposés sur la totalité des deux faces des substrats par évaporation sous vide, avec une couche d'accrochage de chrome, et au-dessus la couche conductrice d'or : Cr/Au.

Les pistes d'or de la face active sont obtenues par gravure chimique. Le brasage du substrat sur support et les interconnexions par fil d'or thermocompressé sont inchangés. Les rubans d'argent et les composants rapportés sont aussi brasés mais à l'indium-plomb (au lieu de l'étain-plomb incompatible).

En 1983, un autre type de couches minces est imposé par le sous-traitant (Hughes) pour le satellite Intelsat VI. La métallisation est en cuivre (conductrice) revêtu d'or (protection) avec une sous-couche de chrome (d'accrochage), Cr/Cu/Au, sur alumine pure polycristalline (moins coûteuse que le saphir). L'architecture est identique, mais avec les nouveautés suivantes :

- le brasage des substrats sur support est effectué à l'étain-argent (96,5 %);

- les brasages sur les couches métalliques sont effectués avec de l'étain-plomb (62,5 %);

- la soudure des rubans d'or ou d'argent sur ces métallisations est effectuée par soudure électrique à électrodes parallèles dite «parallel-gap» - plus rapide que la thermocompression nécessitant un (lent) préchauffage du substrat.
 
 

En 1984, un troisième type de couches minces comportant une couche résistive est proposé et qualifié par l'ESA pour les satellites européens TDF, TELE X et TV-Sat. Le substrat est aussi en alumine polycristalline. Par contre, les métallisations sont déposées par pulvérisation cathodique sous vide contrôlé, avec une couche d'accrochage de tungstène-titane, une couche résistive de nitrure de tantale, et au-dessus la couche conductrice d'or : WTi/Ta2N/Au. L'architecture est la même que ci-dessus mais avec les nouveautés suivantes :

- gravure chimique sélective des conducteurs d'or et des résistances;

- ajustage des résistances par oxydation thermique ou par oxydation anodique;

- retour au brasage à l'or-étain du substrat sur cadre support en Kovar argenté ou doré;

- retour au brasage à l'indium-plomb des chips sur le substrat mais conservation de la soudure parallel-gap très commode des rubans.
 
 

Deux écoles de technologie de brasage sur l'or des lignes hyperfréquences s'opposent : pour Hughes et les Américains en général, les soudures à l'indium-plomb recommandées par l'ESA ne sont pas fiables; pour l'ESA, les soudures à l'étain-plomb recommandées par Hughes présentent des risques de formation de composés intermétalliques fragiles.

Une étude approfondie du Service Technologie montre la viabilité des deux technologies :

- les brasures à l'indium-plomb sur l'or des couches WTi/Ta2N/Au ne manifestent aucune détérioration tant qu'elles restent à des températures inférieures à 85 °C (ce qui est le cas général des équipements des charges utiles);

- les brasures à l'étain-plomb sur les couches minces Cr/Cu/Au dissolvent la couche d'or et s'accrochent sur la sous-couche de cuivre sur laquelle elles sont très fiables.
 
 

Finalement, la caractéristique qui fait la différence est l'absence de sous-couche résistive des métallisations Cr/Cu/Au qui seront abandonnées par la suite.

À l'origine les substrats à couches minces étaient achetés métallisés. Une machine de pulvérisation cathodique a été installée et qualifiée pour la production interne de couche WTi/Ta2N/Au en 1990 sur l'alumine, puis en 1995 sur les ferrites.
 

Les circuits hybrides à couches épaisses


La recherche de miniaturisation a conduit à l'emploi de semi-conducteurs (diodes, transistors et circuits intégrés) sous forme de puces nues (c'est-à-dire sans boîtier) reportées et câblées directement sur des circuits à couches épaisses. L'adjonction de ces puces et de composants non sérigraphiables sous forme de chips permettait de réaliser une grande diversité de microcircuits. Cette technologie dite Hybrides à couches épaisses à été qualifiée par Eutelsat en 1989, puis par l'ESA en 1990.

Elle a nécessité l'acquisition du savoir-faire :

- de la sérigraphie multicouche avec plusieurs niveaux de croisements de conducteurs;

- du collage conducteur ou isolant des puces et autres chips sur le substrat;

- des liaisons puce/substrat par fil d'aluminium de 25 µm soudé par ultrasons (ultrasonic-bonding);

- du collage du substrat, ainsi équipé, dans un boîtier hermétique en Kovar doré avec des traversées par perles de verre;

- des liaisons boîtier/substrat par fil d'or de 38 µm thermocompressé (ball-bonding);

- de la fermeture électrique du boîtier «à la molette» sous atmosphère neutre;

- et du marquage des couvercles des boîtiers par faisceau laser.
 
 

Certificat ESA
Certification accordée par l'ESA pour la fabrication de microcircuits hybrides à couches épaisses

Les consignes de propreté imposaient que toutes ces opérations (sauf le marquage) soient faites sous hottes à flux laminaire (classe 100) placées dans une salle blanche de qualité (classe 10 000) dix fois supérieure à celle du câblage traditionnel (classe 100 000).

Les premiers circuits hybrides qualifiés ont été des régulateurs de tension pour Eutelsat 2. La désignation «hybrides» est désormais attachée aux circuits actifs à puces nues.

Par la suite (années 1993-1997), plusieurs variantes de cette technologie ont été développées, soit pour assembler le plus possible de composants dans un même boîtier de forme quelconque, soit pour supprimer les fils de câblage des puces, soit pour supprimer le boîtier.

• Le MCM (multichip module) est une variante de macrohybride à couches épaisses pour basses fréquences. Le substrat est un multicouche de feuilles d'alumine percées avant cuisson, sérigraphiées «à cru», puis cocuites (ou cofrittées). Cette architecture permet :

- de réaliser un grand nombre de liaisons sur plusieurs niveaux avec un bon isolement;

- de recevoir par brasage un mur en Kovar sur lequel sera soudé un couvercle à l'aide d'un faisceau laser perpendiculaire au couvercle. Cela autorise des formes non parallélépipédiques de boîtiers et la suppression des perles de verre.

La fabrication de tels substrats, cuits dans des fours spéciaux à très haute température, a été sous-traitée pour une application dans le satellite technologique Stentor.

• La suppression des fils de câblage entre puces et substrat peut être obtenue avec des puces «flip-chip». Il s'agit de puces dont les plages métallisées des sorties sont épaissies et revêtues d'une métallisation brasable. Ces minibossages permettent de souder les sorties de la puce directement sur les métallisations d'un substrat. Les avantages de cette solution sont un gain de temps de câblage et des liaisons puce/substrat très courtes. L'inconvénient est l'impossibilité du contrôle visuel des brasures et de la face active de la puce, cachées par la puce retournée. La fabrication de ces circuits est une spécialité d'IBM sous l'appellation C4 (Controlled Collaps Chip Connection) à ce jour en voie de qualification spatiale.

• Le besoin de mémoires de masse nécessite un grand nombre de circuits intégrés. Leur câblage dans le plan conduit à des macrosubstrats disproportionnés. Une architecture en volume avec superposition de substrats plus petits peut résoudre ce problème. Une telle architecture a été réalisée de la manière suivante :

- des substrats équipés de puces sont empilés, puis moulés dans une résine;

- le parallélipipède obtenu est meulé sur toutes les faces pour faire apparaître les métallisations de sorties sur les tranches des substrats;

- l'ensemble est métallisé (or) sur toutes ses faces;

- les connexions entre substrats sont réalisées par gravure laser des faces métallisées;

- les sorties du module sont rapportées, soit avant moulage, soit après.

Cette technologie, appelée 3D (trois dimensions), en étude, autorise une très grande densité de circuits intégrés. Elle constitue une modernisation de l'architecture des premiers microcircuits hybrides appelés «micromodules» (pour équipements militaires portatifs 1960-1965).
 

Les hybrides à couches minces


L'autre intérêt des puces nues est la possibilité de faire fonctionner les circuits au-delà de leur fréquence maximale habituelle du fait de la disparition des éléments parasites induits par les boîtiers individuels. Cette propriété concerne en premier lieu les circuits hyperfréquences.

Les amplificateurs de canaux (C.AMP) pour Eutelsat 2 ont été les premiers circuits réalisés en technologie Hybrides HF sur couches minces permettant un important gain de poids et un moindre coût de fabrication. Alcatel Espace a été la première a obtenir la qualification spatiale ESA pour ce type de technologie.

Les nouveautés apportées par rapport aux couches minces antérieures étaient les suivantes :

- perçage des substrats et gravure de haute précision;

- câblage des puces de transistors AsGa par thermocompression de fil d'or de 17,5 µm (stitch-bonding);

- utilisation de puces «beam lead», munies de sorties en microrubans d'or;

- emploi de nouvelles colles isolantes et conductrices en film;

- collage d'absorbant RF dans le boîtier.
 
 

Par la suite cette technologie a évolué comme suit :

- l'emploi de circuits intégrés hyperfréquences ou MMIC (Monolithic Microwave Integrated Circuits) a permis de réaliser des circuits plus complexes dans des boîtiers plus petits (satellite AMOS qualifié par l'ESA);

- les puces MMIC de puissance telles que les SSPA (Solid State Power Amplifiers) ont nécessité le remplacement de leur collage conducteur sur l'alumine par un brasage pour réduire la résistance thermique du joint. Ce brasage à l'or-étain est effectué par gaz neutre (satellite NILESAT qualifié par l'ESA).
 

Les cicuits à composants montés en surface (CMS)


En 1986 la complexité des équipements à nombre croissant de composants discrets et de circuits intégrés a posé le problème de l'évolution du câblage : soit des hybrides vers les macrohybrides à boîtiers légers, soit des circuits imprimés à composants piqués vers les circuits imprimés à composants montés en surface (CMS) sans queues de sorties.

Certes, les macrohybrides autorisaient la miniaturisation la plus poussée et des caractéristiques thermiques et RF supérieures, mais au prix d'un boîtier hermétique lourd et cher.

Par contre le montage en surface sur circuit imprimé offrait un câblage automatique plus aisé, des réparations plus faciles, la possibilité d'emploi de tous les composants classiques piqués, non disponibles en technologie CMS, et ce sans boîtier hermétique global. Cette technologie adaptée aux petites séries a été préférée pour les circuits BF  et FI.

Le principal problème à résoudre était la tenue des brasures (rigides) aux cycles thermiques, ou plus exactement leur tenue à la fatigue liée à la dilatation inégale des chips et du substrat.

Le choix du substrat ne pouvait résulter que d'un compromis :

- le traditionnel verre-époxy a été remplacé par du verre-polyimide plus stable, utilisable jusqu'à 1 GHz et à coefficient de dilatation thermique plus proche de celui des CMS;

- sa médiocre conductibilité thermique à été améliorée en intégrant un drain thermique sous forme de couche interne de cuivre plus épaisse que la normale.

- les possibilités d'interconnexions ont été accrues par l'emploi de pistes deux fois moins larges et par une technique de réalisation dite séquentielle. Le circuit imprimé final résulte de la fabrication de circuits imprimés multicouches classiques, peu épais, puis de leur assemblage comme pour un multicouche classique mais avec possibilité de laisser des trous métallisés partiellement ou totalement enterrés (non-débouchants).
 
 

Avec de tels substrats, la tenue aux cycles thermiques a imposé une taille maximale de 5 mm aux CMS en céramique, directement soudés à plat. Cette taille est suffisante pour couvrir la majorité des besoins en composants discrets. Par contre, l'emploi des circuits intégrés de l'époque, sous forme de chip-carriers en céramique supérieurs à 5 mm, a nécessité l'ajout de colonnettes métalliques sur leurs métallisations pour absorber les dilatations différentielles composants/substrat (à la manière des sorties filaires des composants piqués).

Le câblage du circuit imprimé était effectué sur une machine d'aide à la pose des composants qui distribuait des gouttes de colle de maintien et des gouttes de pâte à braser, et qui permettait de visualiser la pose correcte du bon composant au bon endroit, selon un programme préétabli. Le brasage définitif des CMS par fusion de la pâte à braser était réalisé collectivement en immergeant le circuit imprimé dans la phase vapeur d'un liquide porté à ébullition.

Le premier équipement utilisant des CMS a été monté sur le satellite d'observation-radar de la Terre ERS 1. La Compagnie a été la première à obtenir la qualification ESA pour le montage de surface.

Plusieurs améliorations et extensions ont été apportées par la suite :

- remplacement des chip-carriers à colonnettes par des «flat-packs» à sorties plates, formées pour réaliser des boucles de relaxation (pas de 1,27 mm);

- emploi de grands chip-carriers ayant des sorties préformées en J ou en L;

- emploi de très grands chip-carriers «fine pitches» jusqu'à 250 sorties au pas de 0,6 ou 0,5 mm (satellites World Star et Global Star);

- remplacement de la machine d'aide à la pose des CMS par une machine totalement robotisée de pose de colle, de crème à braser et de chips, pilotée à partir des données de la conception assistée par ordinateur du circuit (CAO);

- remplacement du circuit imprimé verre-polyimide par d'autres matériaux tels que le quartz polyimide, le TMM 10 ou le Téflon à coefficient de dilatation thermique plus proche de celui des chips et/ou pouvant fonctionner en hyperfréquences.
 

Évolution technologique des amplificateurs de canaux (C.AMP)


Le premier C.AMP en hybrides (Eutelsat) comportait, dans une structure en aluminium, un hybride RF (16 transistors AsGa et 2 diodes en puces) et un circuit imprimé classique sur lequel étaient montés deux hybrides BF 5 (TM-TC et régulateur) et des composants classiques.

La deuxième version (AMOS) comportait un circuit imprimé verre-polyimide sur lequel étaient brasés des composants montés en surface ainsi que 6 petits hybrides RF (comportant au total 10 MMIC AsGa) et 3 hybrides BF (linéariseur, TM-TC et régulateur). Le poids et le prix ont été divisés par deux.

La troisième version en étude comporte un substrat multicouche céramique cocuit MCM collé sur une structure en aluminium doré. Une face reçoit un hybride RF (10 MMIC) entre deux isolateurs et un hybride BF (contenant des chips, des circuits intégrés en puces dont un grand ASIC). L'autre face reçoit des CMS et une PROM. Le poids et le prix ont encore été divisés par deux. 
 

Conclusion


À l'évidence, les premiers choix technologiques étaient guidés par le souci de la meilleure assurance qualité possible et de la meilleure performance technique possible. Les choix ultérieurs ont aussi pris en compte le besoin de raccourcissement des cycles de fabrication et de réduction des coûts. L'histoire des technologies est également celle des architectures et des composants électroniques, toute innovation dans une technique entraînant de nouvelles possibilités dans les autres.

Tous les travaux technologiques n'ont pas été évoqués ci-dessus. Trois méritent d'être cités :

- l'étude des alimentations des tubes à ondes progressives et des circuits à haute tension (EPC);

- l'évolution des moyens du Laboratoire de Physico- chimie en particulier en observation : microscopie optique, radio X, puis microscopie électronique à balayage avec microanalyse X, puis microscopie acoustique (détection des délaminages dans les composites);

- le changement des produits et des moyens de nettoyage des pièces et circuits, suite à l'interdiction d'emploi des produits fluorocarbonés, responsables de la dégradation de l'ozone des hautes couches de l'atmosphère.
 
 

Une fois effectué les vérifications de validité des principes, les phases de qualification formelles des technologies n'ont pas présenté de difficultés techniques majeures. Le seul point délicat à gérer était le décalage dans le temps entre le développement des équipements et les programmes d'étude et qualification des matériaux et procédés (comportant des essais accélérés encore longs). Ce décalage avait plusieurs causes : expression tardive des besoins des concepteurs, indisponibilité chronique des moyens de fabrication saturés (ce qui est plutôt un signe de bonne santé !), découverte tardive de configurations nouvelles, non qualifiées, dans les dossiers (l'imagination des concepteurs est inépuisable !).

Par contre, les incidents de fabrication prenaient instantanément des allures de «catastrophes nationales». Le plus souvent il s'agissait de panne brutale de machine ou d'oubli de respect de consigne rapidement détecté et corrigé. Mais certaines non-conformités aléatoires ou certaines dérives erratiques se présentaient parfois comme de véritables énigmes.

Tous ces défis passionnels, à traiter dans l'urgence, ont été relevés. Pas une seule de ces énigmes n'est restée sans explication de cause… et, par suite, sans solution de correction.

Jusqu'à ce jour, les très rares pannes d'équipements survenues en vol n'ont jamais interrompu une mission avant son terme prévu, du fait de la redondance à bord. Mieux même, un transpondeur pour le satellite Cluster tombé dans l'océan, lors du lancement avorté de la première fusée Ariane 5, a été repêché et testé après dessalage. Bien qu'un peu cabossé, il a été vérifié en bon état de fonctionnement, ce qui, pour les uns, a été la confirmation de l'excellente qualité des techniques utilisées et, pour d'autres, a laissé entrevoir une possible «surqualité» des équipements, et par suite de potentielles réductions de coûts… !

Quel que soit le point de vue auquel on se place, ce fut un honneur d'avoir participé à l'activité spatiale. Selon une observation déjà entendue mais dont on ne se lasse pas, comment oublier que des masses d'informations sont reçues par des quantités de gens, notamment grâce à des  fils et des métallisations de quelques microns placés à 36 000 kilomètres au-dessus de nos têtes ? !

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