Accueil du siteRubrique histoire
Association Amicale des Anciens d'Alcatel Space
CHRONIQUES D'UN MÉTIER de 1963 à 1993
Table | Préf | Intro | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9

4 - Les fonctions et les métiers

4.10 - L'informatique

Introduction


Pour interpréter correctement les lignes directrices du développement de l'informatique à Alcatel Espace, il convient de rappeler quelques données de base liées les unes à la situation initiale de l'activité, les autres à ses caractéristiques propres.

Au départ, il s'agit d'une petite unité intégrée dans Thomson-CSF et ne disposant que de très peu de moyens informatiques propres. L'isolement géographique qui va résulter de l'implantation en site propre à Toulouse va nécessiter la mise en place accélérée de moyens de traitement importants au fur et à mesure du développement des applications, car à cette époque (1983-1985) le télétraitement apporte trop de contraintes techniques et il n'existe pas d'occasions intéressantes de traitement externe.

Il apparaît très rapidement que le problème principal d'ATES, au-delà de la mise en place d'un système fiable de gestion de projets, est un problème de rapidité et de sûreté de la conception des équipements beaucoup plus qu'un problème de gestion de production, car les problèmes rencontrés en fabrication sont plus souvent dus à des insuffisances de conception qu'à des problèmes d'ordonnancement. Il en résulte que l'axe majeur des efforts porte sur la mise en oeuvre de moyens de conception assistée par ordinateur complets, puissants et systématiquement utilisés.
 

Le classement des domaines applicatifs de l'informatique


Nous serons amenés à suivre l'évolution des domaines applicatifs suivants :

- gestion administrative et comptable ;

- communication, messagerie, traitement de textes ;

- CAO (calcul scientifique, simulation, systèmes d'ingénierie simultanée) ;

- gestion de production ;

- gestion de projets ;

- moyens matériels et logiciels d'exploitation associés.
 
 

L'évolution de ces domaines ne se fait pas de manière indépendante, car il existe des données communes à chacun d'eux.

Cependant, l'intégration du fonctionnement des différents applicatifs pour aboutir à un système intégré homogène de traitement de l'information au niveau d'Alcatel Espace sera progressive et sans doute l'objectif ambitieux le plus difficile à atteindre.

Pour la clarté de l'exposé, nous évoquerons l'historique du développement domaine par domaine, en signalant les points forts d'intégration interdomaines.
 

La gestion administrative et comptable -  Les origines


À la CSF-Levallois, en 1964, à l'initiative de Bernard Deshayes (Directeur Central des Comptabilités de CSF), naît de l'enthousiasme d'une équipe de comptables dirigée par Georges Malgoire (Roger Bonhommet, Serge Macon, Bernard Millard, A. Chabot, Michel Flacelière) et d'une équipe d'informaticiens animée par Germain Brajou (J. Colliboeuf, M. Grangeot, P. Pierre) un système de comptabilité et de contrôle de gestion intégrés dénommé «GCI», écrit pour fonctionner sous Gamma 30 de Bull. Ce système doit rapidement couvrir les besoins des unités constituant le Groupement TTR dirigé par Michel Barré ainsi que diverses unités de la CSF.

À la CII - Compagnie Internationale pour l'Informatique -, en 1972, Georges Malgoire (alors Directeur Central des Comptabilités) confie à Michel Flacelière et à la même équipe d'informaticiens, animée par Germain Brajou, le soin de rajeunir le système GCI et de le porter sur IRIS 50 afin de gérer l'ensemble des unités que constitue la CII.

Conjointement, Thomson-CSF met peu à peu au point son logiciel de comptabilité et de contrôle de gestion dénommé «PGCD». Il entre en «field test» dans diverses divisions de Thomson-CSF, dont DES (future Alcatel Espace) où il doit remplacer soit la version Thomson-CSF du GCI, soit l'ancienne application comptable du CCTI. Les tests effectués à DES s'avéreront décevants car le progiciel n'est pas «déverminé», la toute jeune Division non plus, ni ses équipes comptables.

C'est donc devant une absence de comptabilité fiable (voire de comptabilité tout court) que se trouve Georges Malgoire lorsqu'il prend la direction de la DAF d'Alcatel Thomson Espace au 1er janvier 1984. Dans l'urgence, la décision est prise d'arrêter les travaux comptables sur PGCD et d'utiliser le «vieux cheval de retour» qu'est la version CII du GCI car elle est parfaitement connue des responsables comptables d'ATES (Serge Macon, Bernard Millard, Jean Gaich, Charles Vidal). C'est un pis aller car le produit est vieux et «tourne» encore sur IRIS 50, matériel destiné à la casse ; mais il est immédiatement opérationnel à un moment où les comptes revêtent une importance majeure du fait des opérations et audits d'apports.
 

L'évolution des produits comptables et de gestion


Du fait de l'arrêt programmé de l'IRIS 50 de l'ex-CITEC sur lequel étaient effectués les travaux comptables d'ATES et de l'absence de produits de substitution (Thomson-CSF a finalement arrêté le PGCD et les progiciels présents sur la place sont de vieilles versions moins efficaces que le GCI et inadaptés à la gestion de projets), il est décidé début 1986 de se doter d'un outil interactif écrit spécifiquement pour ATES.

Michel Flacelière est chargé de faire migrer la comptabilité et le contrôle de gestion sur une application à écrire, devant être exploitée sous UNIX sur des équipements «Microméga» produits par une unité du groupe Alcatel. Pour la petite histoire, on peut rappeler ici que ces équipements provenaient d'une «start-up» californienne dénommée Fortune, rachetée par la SEMS à ses dirigeants fondateurs. Sous le couvert de François de Villepin et de Jacques Lescault (alors respectivement Président et Directeur Général), une équipe comprenant Arlette Lefeuvre, Gérard Lévy, Georges Malgoire et Philippe Westercamp avait négocié ce rachat.

Le pari est ambitieux et il sera tenu. En 1987, le système GCI est abandonné au bénéfice du système IGC !!! Ce dernier, transactionnel, permet une mise à jour des comptes en temps quasi réel. Dès 1988, ATES a la fierté d'être la seule unité importante du groupe à publier son bilan et ses résultats le premier jour ouvré du mois suivant. La comptabilité est en ordre, les documents de gestion sont publiés «en batch» huit jours après la fin de chaque mois. 

Mais toute médaille a son revers, et la SSCI qui a écrit les logiciels est fragile, et l'application manque vite de support, qu'il s'agisse de la documentation ou du soutien technique. De plus, Alcatel doit arrêter la production des micro-ordinateurs sur lesquels «tourne» l'application. Par ailleurs, ATES a grandi et les spécifications d'IGC adaptées à la grosse PME qu'était la société à sa création deviennent insuffisantes dans une ATES forte de programmes tels que Telecom 2. Enfin, les ambitions comptables et de gestion ne sont plus les mêmes en 1991 avec le développement foudroyant que les systèmes temps réel connaissent alors.

C'est ainsi qu'au milieu de 1991 il est décidé de lancer une étude pour le remplacement d'IGC. Après de longues discussions internes et la consultation malheureuse d'une importante SSII incapable de gérer son projet, on choisit le progiciel TOLAS, déjà utilisé dans d'autres unités du groupe Alcatel. Claude Argagnon, nouveau Directeur des Services Économiques venu seconder Georges Malgoire, Marie Drousie et Jacques Serville en seront les principaux animateurs.

Dans un domaine adjacent, il faut mentionner, à partir de 1985, la mise en place progressive de produits de gestion administrative sous CICS IBM, qu'il s'agisse de la gestion commerciale utilisant la base de données Artemis (de la prise de commande jusqu'à l'émission de la facture, en passant par la gestion des dossiers et statistiques commerciales), placée sous la responsabilité de Jean Gaich, ou de documents administratifs tels que ordres de mission, courrier, documentation configurée, affectations de temps, présence… La paye du personnel, pour sa part, continue d'être établie sur d'anciens programmes CCTI, régulièrement mis à jour.
 

Communication, messagerie, traitement de textes


En 1982, la communication se limite au téléphone, au Télex et aux notes écrites avec quelques machines à traitement de textes Philips P5002. Il n'existe pas de plan de développement dans ce domaine, sinon la généralisation de l'équipement en machines Philips au fur et à mesure des possibilités budgétaires.

En 1984, la mise en place de moyens centraux IBM fonctionnant sous le système d'exploitation MVS permet de définir une politique de messagerie électronique ayant recours au logiciel IBM PROFS mondialement utilisé. L'ouverture à PROFS nécessite un niveau préalable d'équipement suffisant des secrétariats, puis des services, en consoles informatiques.

En juillet 1985, lancement d'une phase pilote avec quarante abonnés qui auront à coopter progressivement d'autres abonnés. Une politique volontariste amène à une croissance très rapide du taux d'utilisation, comme le montrent les chiffres suivants :
 

Croissance du nombre d'abonnés actifs à PROFS

 

 
 
 
 
 
 

TABLEAU

-------------------------

La mise à disposition d'informations générales dans le cadre de PROFS aboutit à SIA début 1989.

On peut affirmer qu'associée aux autres produits qui seront mis en place (voir chapitres suivants), la réussite de l'implantation de PROFS et la pleine adhésion des utilisateurs constituent un atout déterminant dans la rapidité de circulation de l'information et par là même apportent une contribution notable à la réduction des cycles d'études et de production.

Parallèlement, la mise en place d'un service central de PAO pour la production des documents est effectuée avec le produit DCF d'IBM, implanté sur le site central début 1986.

Compte tenu des progrès considérables effectués par les systèmes de traitement de textes implantés sur les PC, l'utilisation de DCF est vite limitée à la production des dossiers lourds (propositions par exemple). La mise en place de PC, d'abord progressive puis massive à partir de 1985, généralise l'utilisation des systèmes à traitement de textes, d'abord Visiotexte en juin 1986, puis Manuscript début 1988, lui-même remplacé par Winword au milieu de 1992 ; de même l'utilisation du tableur Multiplan à la fin de 1984, remplacé par Lotus au milieu de 1992, offre à chaque utilisateur des moyens de gestion personnalisés, en connexion avec le système central.
 

La CAO


À ce niveau, il est nécessaire de rappeler qu'Alcatel Espace exerce deux types de métier fondamentalement différents :

- une activité systèmes et projets qui relève du domaine et des techniques de l'ingénierie ;

- une activité d'équipementier qui relève des techniques de l'industrie électronique où l'on retrouve des tâches d'étude, de conception, de production, de mise au point et d'essais.
 
 

Nous avons traité précédemment d'activités informatiques s'appliquant à l'ensemble des activités d'Alcatel Espace et contribuant à leur synergie mutuelle. À partir de maintenant, les applications informatiques dont nous parlerons sont essentiellement spécifiques de l'un, puis de l'autre des métiers fondamentaux d'Alcatel Espace, à quelques exceptions près.

Cette distinction n'est pas évidente au départ, les métiers de la société n'étant pas encore bien affirmés. C'est en tout cas à travers la mise en place des applicatifs traités plus loin qu'Alcatel Espace pourra faire les progrès de compétitivité qui non seulement lui permettront de rattraper son retard et de se rendre crédible, mais aussi de figurer en tête au niveau mondial pour l'efficacité de ses méthodes de travail.

Nous traiterons tout d'abord de l'activité équipements. En 1982, l'activité équipements se limite essentiellement à des équipements hyperfréquences et à quelques circuits électroniques associés.

En matière d'informatique, on trouve quelques HP 9845 dans les labos, utilisant des PROM de fonctions mathématiques, et déroulant des programmes écrits en BASIC par les ingénieurs. Le Service Antennes utilise des programmes issus de Thomson Bagneux tournant sur un vieux (déjà) HP 1000.

Simultanément, il apparaît qu'il faut gérer la production des équipements (gestion de production) et qu'il faut améliorer l'efficacité de la conception tant au niveau électrique qu'au niveau mécanique. C'est ainsi que commence en janvier 1984 une évaluation des produits de CAO mécanique CADAM CATIA sur IBM, ainsi que de STRIM de la CISI sur VAX 780.

Cette évaluation conduit au choix de CADAM CATIA en avril 1984. Les premiers travaux opérationnels commencent en septembre 1984 (six postes de travail en noir et blanc).

CATIA est toujours utilisé aujourd'hui. C'est un outil dont l'utilisation a été rapidement généralisée de manière exclusive, y compris en dehors de l'activité équipements, pour couvrir l'activité systèmes, telle que l'implantation de charges utiles par exemple.

Des efforts d'investissements importants en consoles graphiques couleur, en augmentations successives de puissance de traitement central, en formation et… persuasion des personnels sont consentis de manière ininterrompue depuis 1984.

On peut affirmer que de ce fait le potentiel de compétitivité d'Alcatel Espace dans le domaine de la CAO mécanique est au tout premier rang des constructeurs, d'autant que, parallèlement, les outils de simulation thermique appliqués aux modèles géométriques de CATIA ont permis de traiter simultanément les aspects mécaniques et thermiques.

Si le développement de la CAO en matière mécanique et thermique a commencé dès le début de 1984, sous l'impulsion de Raymond Pache, avec une préparation des esprits satisfaisante, on ne peut en dire autant de la CAO électrique avec laquelle il est impossible au départ de trouver des solutions fédératrices crédibles. Trois domaines sont à traiter :

- les antennes ;

- les conceptions hyperfréquences ;

- plus tard, l'électronique numérique rapide.
 
 

• Les antennes

En 1982, la conception des antennes ne pose pas de problèmes très critiques, à la fois en raison de la masse d'expérience et d'expertise d'origine Thomson, en particulier en la personne de Bruno Vidal Saint-André, et parce que Alcatel Espace peut continuer de se servir des logiciels initialement développés à Thomson-CSF (Profil par exemple).

Ce n'est pas à cette époque le problème le plus urgent à résoudre. Ce n'est qu'avec les problèmes posés par les sources complexes d'Eutelsat, puis avec les antennes actives, que la CAO CADAM CATIA est introduite aux antennes, ainsi qu'un certain nombre de produits nouveaux (Sargasses, acheté à Thomson-CSF en 1990, passage de Profil sur IBM en 1986).

• La CAO hyperfréquences

L'aide à la conception des circuits hyperfréquences commence en décembre 1984 par l'utilisation de Touchstone, d'origine américaine. Contrairement à CATIA, la généralisation de l'utilisation de ce type de produit dans les laboratoires hyperfréquences est difficile, en raison de l'individualisme bien connu des «hypermen» mais aussi en raison des faibles performances du produit et de son caractère fermé.

La synergie créée entre la CAO hyperfréquences et la CAO mécanique aide à une systématisation d'utilisation des produits, et les évolutions des logiciels dans le cadre d'un environnement informatique sous UNIX permettent finalement à partir de fin 1990 (migration des logiciels de CAO hyper sur Academy sur station HP UNIX) d'atteindre dans ce domaine des niveaux d'efficacité satisfaisants.
 
 

• La CAO électronique

Ce n'est qu'à partir de 1985, en prévision du développement de l'activité d'électronique numérique à Alcatel Espace, qu'est commencée l'évaluation d'un produit de routage des circuits imprimés (CBDS sur IBM).

Il apparaît rapidement que les insuffisances de CBDS ainsi que la nécessité de disposer d'un produit commun traitant à la fois la simulation et le routage doivent orienter vers d'autres produits, même si cela doit nécessiter d'autres supports informatiques qu'IBM. En août 1986, c'est le produit Mentor, exploité sur station Apollo, qui paraît le mieux adapté aux besoins d'Alcatel Espace.

L'évolution très rapide des fonctionnalités des logiciels disponibles sur le marché, leur aptitude à fonctionner dans l'environnement informatique UNIX amènent cette CAO électronique à croître quantitativement et qualitativement et à couvrir tous les domaines (ASIC au milieu de 1992).

On peut considérer que c'est en grande partie grâce à la détermination des personnels de ce secteur, qui fait de cette CAO électronique une réalisation collective, avec son utilisation dans un contexte d'intégration avec la CAO mécanique et thermique, que l'on peut expliquer la réussite technique et la compétitivité dans un domaine où l'expérience de la société n'est guère reconnue au départ (compétition avec Thomson dans le cadre d'Osiris, mémoires de masse pour le CNES par exemple).
 

La gestion de production (GPAO)


Dès juillet 1982, il apparaît nécessaire de mettre en place une gestion de la production des équipements. Compte tenu de la petite taille de l'unité et des faibles volumes à gérer, DSP adopte le progiciel PIGME utilisé dans quelques unités de Thomson-CSF, exploité sur MITRA 225.

Cette tentative est un échec relatif, car toute gestion de production nécessite un codage préalable des articles et un système de gestion des données techniques gérant les niveaux, les arborescences, les indices successifs, avec le paradoxe apparent que les faibles volumes traités incitent à la mise en place d'un produit peu sophistiqué, alors que les contraintes propres au spatial en matière de fiabilité exigent la traçabilité des composants et des composés, entraînant une gestion complexe de la configuration et exigeant de ce fait l'utilisation d'un système informatique de haut niveau de possibilités.

Après une réflexion menée en 1984 au niveau du Directeur Général adjoint et du Directeur de l'Infor­ma­tique, on fait appel à la société Arthur Andersen pour évaluer les produits propres à traiter convenablement la gestion des données techniques et l'ordonnancement, en laissant de côté la gestion d'atelier, qui n'a pas d'aspect prioritaire.

Les produits mis en concurrence sont CMS Cullinet et MIMS de General Electric. MIMS est choisi en mai 1985. C'est un produit complexe, gros consommateur de ressources, mais qui, avec des développements complémentaires, répond parfaitement aux besoins des équipements. Le problème est aujourd'hui celui de son remplacement à l'issue de l'arrêt de la maintenance par son constructeur, prévisible à court terme, ainsi que l'amélioration de ses interfaces avec les utilisateurs.

À ce stade, il paraît utile de rappeler que la GPAO recouvre :

- la gestion des données techniques : nomenclatures, gestion des indices et des configurations, traçabilité, avec un nombre important de contraintes spécifiques (nombre de niveaux de gestion technique), particulier au métier d'Alcatel Espace. La maîtrise de la gestion des données techniques est un élément essentiel du niveau de risque encouru par la société ;

- le lancement et le suivi de la fabrication et des essais : gestion des besoins bruts, besoins nets, cadencements, suivi détaillé ou non au niveau des ensembles, sous-ensembles, pièces, composants.
 
 

Cette deuxième série d'applications utilise à chaque instant le référentiel de données techniques, mais sa conception est largement fonction de ce que la société entend privilégier à un moment où à un autre comme «flow-chart» de production (exemple : suivi au lot, à la pièce, etc. ; lancement unitaire par programmes, par quantités économiques, etc.).

Cette GPAO est pour Alcatel Espace un problème délicat car, selon toute vraisemblance, il n'existe pas de progiciel du commerce pouvant remplacer MIMS au niveau de la gestion des données techniques sans réécriture importante.
 

Le projet CIM


En janvier 1989, on peut considérer qu'Alcatel Espace dispose pour son activité équipements d'un ensemble d'applicatifs modernes et totalement opérationnels.

Toutefois, la nécessité d'effectuer de nouveaux gains de productivité entraîne la décision de lancer une étude prospective sur les évolutions des méthodes de travail, d'organisation et d'outils informatiques en faisant appel à des consultants américains. Le choix se porte sur Young (Los Angeles) qui travaille déjà pour Hughes. À l'issue de cette consultation, un projet de plan CIM (Computer Integrated Management) est établi.

Début 1991 un plan CIM est lancé en mettant plus particulièrement en avant les aspects faisant appel à l'ingénierie simultanée (concurrent engineering).

En 1993, une architecture client-serveur est mise en oeuvre, reposant sur DB2, ensemble de logiciels IBM sous MVS, réalisant la gestion des communications avec le monde UNIX. Les principales fonctionnalités développées sont le lien GPAO articles-nomenclatures (MVS) et la CAO Mentor (UNIX), et le référentiel de test pour la gestion de configuration des données de test issues des essais ou de l'intégration. Ce type de solution sera quelques mois plus tard adopté par le CNES pour développer un référentiel de données spatiales.

La fin de l'année 1994 voit la création d'un groupe de projet animé par le Bureau d'Études sur le thème «Système de gestion des données techniques».

À ce stade on peut dire que l'évolution vers le CIM est loin d'être achevée, on pourrait parler de demi- succès, mais cette évolution est quand même la consta- tation d'une certaine avance d'Alcatel Espace sur beaucoup de ses concurrents. Avance qui ne se conservera que si une volonté très forte y est consacrée, mais cela ne relève plus de l'historique de l'informatique à Alcatel Espace !
 

La gestion des projets


La gestion des projets (plannings, gestion des tâches, suivi des coûts, plan directeur équipements) est inexistante sur le plan informatique au début de la société.

En septembre 1983, on fait appel à Arthur Andersen pour définir les besoins, puis pour assister l'évaluation des produits du marché. En février 1984, Artemis est choisi et on commence la constitution des équipes informatiques ainsi que la formation.

L'implantation de l'application sous MVS IBM est faite en juillet 1984. Bien que choisie essentiellement au départ pour la gestion des projets, cette première implantation s'avère un échec dès 1985. L'absence de motivation de la plupart des chefs de projet et de leur direction fait que le produit, contraignant à utiliser (renseignement des tâches, indication des charges, etc.), ne sert que pour gérer quelques diagrammes PERT, sans devenir l'outil de base du chef de projet. Il apparaît par ailleurs que l'absence de données fiables sur les plannings équipements rend de toutes façons l'utilisation d'Artemis très aléatoire au niveau des projets.

La décision est alors prise en 1985 de focaliser l'utilisation d'Artemis sur le plan directeur équipements et le suivi des équipements en planning et en charges aux niveaux ensembles et sous-ensembles.

D'importants moyens de formation y sont consacrés. Il faudra pratiquement deux ans de pressions fortes sur les personnels, accompagnées d'aides spécialisées, pour arriver à une situation globalement satisfaisante sur l'utilisation totale du produit (plus de produits individuels de gestion parallèle, début et fin des tâches correctement renseignés par l'utilisateur lui-même, reconnaissance de l'outil comme moyen exclusif de fédération des équipements entre eux et avec les projets).

Les difficultés rencontrées sont davantage d'ordre psychologique que technique. L'utilisation de ce type de produit engendre une transparence de l'information mal ressentie au début, ce qui nécessite une adaptation des habitudes et de la méthodologie d'utilisation (exemple : création d'un niveau zéro pouvant entre autres servir de «brouillon» et inaccessible à d'autres personnes sans l'accord de l'auteur).

La généralisation de l'utilisation d'Artemis au niveau des Projets peut alors se faire, en particulier au niveau des applications Telecom sous l'impulsion du projet Telecom 2, grâce à la détermination et à l'énergie du chef de projet, Robert Lainé, début 1987.

On peut affirmer que l'utilisation de ce type de produit de gestion à l'affaire est maintenant entrée dans les moeurs, mais qu'elle exige une volonté constante de la part de la Direction pour qu'aucun laxisme ne vienne risquer d'altérer l'efficacité et la fiabilité des résultats.
 

L'évolution des moyens


Il n'est pas d'applicatifs qui puissent fonctionner sans moyens matériels et sans systèmes d'exploitation. Au-delà des aspects anecdotiques des quelques mini-ordinateurs utilisés avant 1984 (MITRA 225, HP 1000, HP 9845), au cours du premier semestre 1984 est définie une politique très affirmée d'utilisation du système d'exploitation MVS sur IBM, cette politique devant assurer l'homogénéité et la compatibilité système entre les différentes applications qui vont être mises en place.

Le choix des logiciels d'application est donc fait dans cette optique restrictive. Une exception doit être faite en 1986 pour la CAO électronique après l'échec de CBDS. Mais dès cette époque, l'utilisation de l'informatique est suffisamment maitrisée pour que le respect de la politique générale soit assuré. Il en va de même de l'utilisation de VAX 8250 pour des études spécifiques de logiciels dans le domaine de l'observation.

La disponibilité ultérieure d'UNIX sous tous les types de machines permet d'assouplir nettement la politique initiale, tout en gardant les compatibilités voulues au départ. Les quelques chiffres suivants montrent la qualité de croissance des moyens.

TABLEAU

-------------------
 
 

La politique consiste à faire appel systématiquement au marché de seconde main, permettant ainsi d'assurer la croissance des besoins avec des investissements modérés.

On ne saurait être complet sans mentionner les deux premiers VAX acquis en 1989 pour le traitement d'images et certaines applications scientifiques. Machines arrêtées respectivement en 1994 et 1995 et remplacées par un groupe de stations de travail DEC 3000 et 4000.

De même, la croissance du nombre de terminaux donne une bonne idée de ce que fut l'évolution de l'utilisation de l'informatique :
 
1984
50 terminaux
dont 6 graphiques
1985
120 terminaux
dont 12 graphiques
1986
300 terminaux
dont 12 graphiques
1987
450 terminaux
dont 24 graphiques
1988
700 terminaux
dont 35 graphiques
1989
900 terminaux
dont 100 graphiques
1990
1 000 terminaux
dont 150 graphiques
Stable au-delà.      

 
PC  
1985 : 50
1995 : 1 000

Conclusion


Le présent document ne constitue que le premier chapitre d'une histoire de l'informatique d'Alcatel Espace que nous espérons très loin d'être terminée.

Nous conclurons en disant que c'est par une parfaite connaissance du niveau des applications utilisées chez nos compétiteurs, et plus particulièrement les leaders, qu'il a été possible de doter la société d'un outil la plaçant au meilleur niveau. Mais nous ajouterons qu'aucune situation ne se conserve sans l'existence d'une volonté forte et d'une vue d'ensemble au niveau de la société.

Début de cette page

All rights reserved © Copyright 1999-2004 Alcatel Space, Paris, France.