4 - Les fonctions et les métiers
La télémesure-télécommande
Les activités d'intégration dans le domaine des satellites
commencent à Thomson-CSF lorsque le Service NF, à Gennevilliers,
se voit confier par l'ESRO la maîtrise d'oeuvre du sous-système
télémesure-télécommande du satellite HEOS
A1. À l'exception du codeur de télémesure qui
a été sous-traité à la SAT, tous les autres
équipements du sous-système sont réalisés à
Gennevilliers.
L'intégration du sous-système et ses essais d'ensemble
sont effectués par le Service NF, dirigé par Roland Gosmand,
sous la responsabilité du chef de projet Jean-Paul Sigwald. C'est
la même équipe qui, transférée à Vélizy
dans la Division MAS, effectuera l'intégration d'un sous-système
identique destiné au satellite HEOS A2.
Ces travaux, réalisés sur un petit sous-système,
ne nécessitent que des moyens de mesure conventionnels sans qu'il
soit nécessaire à cette époque de rechercher l'automatisation.
Par la suite, le même type de travaux d'intégration sera
effectué pour les sous-systèmes TMTC de Symphonie
A et B en 1972-73, GEOS 1 et 2 en 1974, ISEE B en 1976, ISPM/Ulysses
en 1982-83 et Giotto en 1984.
Dialogue
En 1975, le programme Dialogue, malheureusement interrompu pour
des raisons budgétaires, va jusqu'à l'intégration
du modèle d'identification de la charge utile, dont la mission doit
consister à localiser avec précision des balises placées
au sol. Cette intégration de matériels entièrement
nouveaux a un aspect «mise au point» plus marqué que
dans les autres programmes. Elle renforce l'attention que l'on doit porter
aux interfaces entre les équipements.
Les charges utiles et les satellites de télécommunications
et d'observation
La participation du Département ESA à des intégrations
commence dans ce domaine à l'occasion des programmes Intelsat
IV et Symphonie.
Pour Intelsat IV, dont le déroulement est décrit
dans un chapitre particulier, quatre ingénieurs sont détachés
pendant plusieurs mois chez Hughes Aircraft à El Segundo (Californie)
pour participer à la mise au point des bancs d'essais, ainsi qu'à
l'intégration et aux essais des premiers satellites du programme.
Ces ingénieurs sont Georges Blondin, Jean-Marie Fourquet, Gilles
Griffon du Bellay et Jean-Claude Héraud.
Pour
Symphonie,
la participation du Département à l'intégration se
situe à deux niveaux :
- l'intégration et les essais des sous-systèmes répéteurs
de télécommunications, auxquels participent également
des représentants de la Division Faisceaux Hertziens ;
- l'intégration et les essais des satellites.
Cette activité dure de 1969 à 1975 et porte sur quatre
modèles de satellites : le MI (modèle d'identification),
le MQ (modèle de qualification) et les deux modèles de vol
(MV1 et MV2).
La charge utile est placée sous la responsabilité de Siemens.
Les répéteurs sont préintégrés sur de
fausses structures. Ces opérations sont effectuées par Siemens
pour le MI et le MV1, et par Thomson-CSF pour le MQ et le MV2. Les matériels
d'essais correspondants ont été conçus et réalisés
par Siemens.
Les satellites complets sont intégrés par une équipe
formée de représentants de chacune des sociétés
membres du CIFAS : Aérospatiale, SAT, Thomson-CSF, AEG-Telefunken,
MBB et Siemens.
Ces
travaux sont effectués par la même équipe, successivement
aux Mureaux, établissement de l'Aérospatiale, pour les MI,
MQ et MV1, puis à Ottobrunn, établissement de MBB, pour le
MV2.
Les représentants du Département ESA de Thomson-CSF dans
cette équipe, parmi lesquels se trouve Philippe Gsell, futur chef
du Service Intégration d'Alcatel Espace, y ont une part importante
:
- responsabilité de toute l'intégration électrique
et des essais de compatibilité électrique au niveau du satellite
;
- participation aux essais d'environnement du satellite.
Ils participent ensuite aux campagnes de lancement au centre spatial
Kennedy (quatre mois par satellite) et aux travaux de mise à poste.
Avant
l'intégration proprement dite des satellites, la Division Travaux
Extérieurs de Thomson-CSF a effectué l'intégration
et les essais des moyens de contrôle et de mesure de tous les sous-systèmes
des satellites. Ces moyens sont rassemblés dans deux remorques de
tests qui suivent les satellites au cours de leurs essais dans divers centres
: Les Mureaux, Intespace à Toulouse, Ottobrunn, IABG à Münich,
et le centre spatial Kennedy aux États-Unis.
Le programme Aerosat, bien qu'il n'ait finalement pas lieu, fournit
au Département DSP, en 1975 et 1976, une excellente occasion de
s'initier à la maîtrise d'oeuvre de la charge utile complète
d'un satellite de télécommunications et à son intégration.
La proposition Aerosat donne l'occasion, par exemple, à Jean-Claude
Héraud, formé dans Intelsat IV, et à Philippe
Gsell, formé dans Symphonie, de tirer profit de l'expérience
acquise dans ces deux programmes. Cette affaire est une amorce de ce qui
se passera par la suite, cinq ans plus tard. Si elle se concrétisait,
elle donnerait lieu à la mise en place de gros moyens en locaux
et en bancs de tests. Pour la première fois, la proposition porte
sur le développement de moyens de tests volumineux, sophistiqués
et automatisés, dont la conception est effectuée sous l'impulsion
et avec l'aide du maître d'oeuvre du satellite : RCA-Astro Electronics.
La définition de ces moyens servira de base pour les projets suivants
en télécommunications.
Le programme TDRSS, bien que ne comportant pas de travaux d'intégration,
marque une date importante dans l'évolution des moyens de tests
au Département DSP.
La commande passée en 1977 par le client TRW porte sur soixante
récepteurs en bande Ku, à livrer entre septembre 1978 et
septembre 1980. Pour tenir ces délais, il est hors de question d'en
rester aux réglages et essais effectués manuellement en utilisant
des appareils de mesure conventionnels. Une série de mesures de
recette effectuée manuellement sur l'un des premiers récepteurs
dure un mois, alors que, par la suite, l'utilisation d'un banc de tests
automatique permettra d'abaisser cette durée à une semaine.
De plus, sur chaque récepteur, une recette comporte plusieurs séries
de mesures complètes : les mesures initiales et finales entre lesquelles
s'insèrent des essais en environnement (vibrations, température),
pendant lesquels les paramètres fonctionnels doivent être
vérifiés.
|
Le bâtiment d'intégration, des moyens d'essais d'environnement,
et des antennes à Candie.
|
Outre le gain de temps, l'utilisation de bancs de tests automatiques
amène un certain nombre d'autres avantages, par exemple :
- des instruments inamovibles interconnectés définitivement
garantissent une bonne fidélité des mesures ;
- un montage fixe assure une tenue dans le temps plus longue des calibrages
;
- un calculateur permet des mesures répétitives et la
détection des points de mesure aberrants ;
- la commande à la vitesse électronique des réglages
et des opérations effectués par les instruments permet une
grande rapidité d'exécution et évite aussi d'être
«piégé» par des phénomènes de dérives
aléatoires ;
- branchements et connexions guidés et imposés conduisent
à moins d'erreurs humaines ;
- la rapidité des mesures et des traitements de données
pour aboutir à une présentation très nette des résultats
ne peut se faire que grâce aux calculateurs qui assurent aussi un
archivage, tant des données que des configurations de mesures matérielles
et logicielles.
Un jeune ingénieur, déjà formé en informatique,
Jean-Claude Lestriez, est chargé de la conception, de la mise au
point, et ensuite de l'exploitation de ces premiers bancs de tests automatiques,
qui sont les précurseurs d'une longue lignée de plus en plus
complexe, et dont il restera le responsable pendant de nombreuses années.
L'apparition sur le marché d'appareils de mesure programmables
et de systèmes informatiques pour en réaliser la programmation
de façon simple permettra à cette entreprise d'aboutir dans
de bonnes conditions.
Contrôlé par un modeste calculateur dont la mémoire
centrale est de 16 kilooctets (on est en 1977), chacun des deux bancs identiques
fonctionne jour et nuit (en particulier pendant les essais thermiques)
pendant deux ans pour les réglages et les mesures de performances
des équipements. Le fait qu'ils permettent de tenir les délais
contractuels avec un mois d'avance contribuera sans aucun doute à
l'attribution à DSP, par le client TRW, du prix du meilleur fournisseur
(best supplier award) en 1980.
Telecom 1 et la suite
Quelques années plus tard arrivent des affaires comme Telecom
1, SPOT 1 et TDF 1 où DSP, puis Alcatel Espace, a des
responsabilités de sous-ensembles importants de satellites, de leur
intégration et de leurs tests. Il devient nécessaire pour
DSP de :
- se doter de moyens en locaux adéquats pour des activités
de cette dimension ;
- se structurer et se former dans ce type d'activité pour être
capable d'effectuer les tâches suivantes :
- assemblage et manutention de grosses structures (modules de communications,
simulations de plates-formes, conteneurs…),
- définition et réalisation de moyens de mesures (bancs
de tests, simulation des interfaces plate-forme),
- mesures sur la charge utile isolée,
- mesures sur la charge utile intégrée à la plate-forme,
- mesures en essais d'environnement satellite,
- suivi de qualité spécifique et contrôles,
- stockage de matériels,
- mesures en campagne de lancement,
- transports particuliers.
Un Service «Intégration» est créé en
1982 sous la direction de Philippe Gsell. Ce Service réunit les
équipes d'intégration de Telecom 1 (Jean-Claude Lestriez),
TDF
1 (Marcel Barré), et SPOT 1 (Jean-Yves Legal).
Dans un premier temps, le problème des locaux donne lieu à
des solutions de dépannage. Les MI de la charge utile de Telecom
1 et de l'ensemble TMCU (télémesure charge utile) de
SPOT
1 sont intégrés aux Mureaux dans l'ancien local d'intégration
de Symphonie, qui appartient à l'Aérospatiale et qui
est loué pendant environ un an. Ensuite, le BIS (Bâtiment
d'Intégration Satellite) du CNES, à Toulouse, est loué
pendant environ dix-huit mois. On y intègre le MI de la charge utile
de TDF 1 et on y commence l'intégration des modèles
de vol de Telecom 1 et de SPOT.
À partir du début de 1984, les nouveaux locaux d'intégration
construits à Toulouse-Candie dans le bâtiment D sont mis en
service. Ils seront aménagés progressivement et comprennent
:
- une salle blanche d'intégration (propreté de classe
100 000) de 800 mètres carrés avec un sas de décontamination
de 200 mètres carrés et des ponts roulants de 5 tonnes (température
stabilisée à 21 °C, humidité relative de 50 à
60 %, pression relative de 0,1 à 0,3 millibar) ;
- cinq salles de contrôle pour les moyens d'essais (bancs, magasins
de stockage des équipements de vol, salle informatique…) ;
- une chambre anéchoïque pour les essais de compatibilité
électromagnétique ;
- une chambre thermique de 50 mètres cubes permettant des essais
de - 15 °C à + 60 °C en pression ambiante ;
- un atelier d'intégration de baies de tests (montage mécanique,
câblage) ;
- un atelier de réalisations mécaniques légères
;
- un atelier de plasturgie.
À l'extrémité du bâtiment se trouve
le monte-charge d'accès au radôme de la base d'essais d'antennes,
sous lequel les charges utiles peuvent être testées en rayonnement,
dans des conditions de propreté identiques à celles de la
salle d'intégration.
|
Le bâtiment d'intégration, des moyens d'essais d'environnement,
et des antennes à Candie.
La salle d'intégration de Candie en pleine activité (ci-dessous).
|
Les grandes dimensions, en particulier la hauteur, que les responsables
de DSP ont spécifiées pour la salle d'intégration
et son sas d'entrée donnent lieu à des critiques de la part
de quelques profanes, y compris à certains échelons directoriaux.
Les critères qui ont conduit à ce choix sont simplement la
possibilité de manipuler des structures de satellites de la taille
d'Intelsat VI (référence de l'époque), de les
introduire dans leurs conteneurs ou de les en extraire, le tout en atmosphère
propre. Il faut se souvenir qu'au moment où le projet de salle d'intégration
est établi, en 1981, la proposition pour Intelsat VI est
en cours de préparation avec Hughes Aircraft, et l'une des hypothèses
envisagées pour accroître la probabilité d'un vote
français en faveur de la proposition de Hughes est analogue à
celle déjà envisagée pour Intelsat IV, c'est-à-dire
l'intégration par DSP, à Toulouse, d'au moins un des modèles
de vol du programme. Pour Intelsat IV, ce «privilège»
avait été finalement attribué à British Aircraft.
La nouvelle salle voit se terminer les intégrations des charges
utiles de Telecom 1 et de SPOT 1. Suivent celles de TDF
1 et TDF 2.
De 1984 à 1987, une importante baisse des charges industrielles,
accompagnée d'un plan social, voit se réduire l'activité
de la salle d'intégration. On y intégrera cependant les TMCU
de SPOT 2 et de SPOT 3, l'ensemble expérimental d'IOC
et les répéteurs de Tele X.
La reprise d'activité se fait vers la fin de 1987 avec Telecom
2 et Topex-Poséidon. On en arrive alors à une
équipe composée d'un ingénieur et d'un agent technique
par console informatique de commande d'un banc s'adressant à une
charge utile.
À partir d'Intelsat VII, dont le maître d'oeuvre
est Ford Aerospace (devenu par la suite Space Systems/LORAL), une nouvelle
ère débute à Alcatel Espace. Là aussi, le Service
Intégration participe à la proposition à Palo Alto
(Jean-Claude Lestriez et Michel Fournier) et effectue à Toulouse,
de 1988 à 1994, l'intégration des dix-huit panneaux de 2,40
mètres de côté constituant la partie essentielle des
neuf modèles de vol de la charge utile. On sent poindre un effet
de série mais il s'agit de la fin de l'époque de l'artisanat
d'art. Chaque panneau possède ses caractéristiques propres,
mais mesures, prédictions et moyens de tests, outillages et procédures
ont été conçus pour toute la série.
C'est à partir de 1995 que le programme Globalstar (cinquante-six
modèles de vol) voit se réaliser des intégrations
en série.
Le tableau ci-après résume les travaux d'intégration
effectués à partir de 1970 :
Programme
|
Période approximative
|
Responsabilités Alcatel Espace
|
Symphonie A et B
Satellite germano-français de télécommunications |
1970 à 1974
|
Pré-intégration des charges utiles
; participation à l'intégration satellite et à la
campagne de lancement |
Intelsat IV A
Satellite international de télécommunications |
1972
|
Participation à l'intégration
satellite |
Telecom 1 A, B et C
Satellite français de télécommunications |
1981 à 1985
|
Intégration des charges utiles ; participation
à l'intégration satellite et à la campagne de lancement |
SPOT 1 et 2
Satellite français d'observation de la Terre |
1981 à 1986
|
Intégration de l'électronique
de la charge utile ; support à l'intégration satellite et
à la campagne de lancement |
TDF 1 et 2
Satellite français de télévision directe |
1981 à 1985
|
Intégration de la charge utile |
Tele X
Satellite suédois de télécommunications et de
télévision directe |
1985 à 1988
|
Intégration de la charge utile participation
à l'intégration satellite et à la campagne de lancement |
ISPM/Ulysses
Satellite scientifique |
1977 à 1979
|
Intégration du sous-système de
télémesure et télécommande |
Giotto
Sonde d'observation de la comète de Halley |
1984
|
Intégration du sous-système de
télémesure et télécommande ; participation
à la campagne de lancement |
SPOT 3
Satellite français d'observation de la Terre |
1989 à 1991
|
Intégration de l'électronique
de la charge utile ; support à l'intégration satellite et
à la campagne de lancement |
Viking
Satellite suédois |
1981
|
Participation à l'intégration
du sous-système de télémesure et télécommande |
IOC
Expérience européenne de communications interorbites |
1987 à 1992
|
Intégration de l'électronique
de la charge utile support à l'intégration satellite et aux
mesures en orbite, mesures après récupération de l'expérience |
ERS 1
Satellite européen d'observation de la Terre |
1987
|
Intégration des sous-systèmes
charge utile |
Poséidon
Expérience française d'océanographie |
1987 à 1989
|
Intégration de l'instrument altimètre-radar |
Telecom 2 (4 modèles de
vol) Satellite français de télécommunications |
1987 à 1996
|
Intégration des charges utiles ; participation
à l'intégration satellite et à la campagne de lancement |
Intelsat VII et VII A (9 modèles
de vol)
Satellite international de télécommunications |
1988 à 1994
|
Intégration des charges utiles participation
à l'intégration satellite et à la campagne de lancement |
Turksat (3 modèles de vol)
Satellite international de télécommunications |
1994 à 1996
|
Intégration des charges utiles participation
à l'intégration satellite et à la campagne de lancement |
SPOT 4
Satellite français d'observation de la Terre |
1988 à 1995
|
Intégration de l'électronique
de la charge utile ; support à l'intégration satellite et
à la campagne de lancement |
Helios 1 (2 modèles de
vol)
Satellite français d'observation de la Terre |
1988 à 1995
|
Intégration de l'électronique
de télémesure |
Orion
Satellite international de télécommunications |
1995
|
Mesures sur base d'antennes des performances
satellites |
Cerise
Microsatellite français d'observation de la Terre |
1994 à 1996
|
Intégration du satellite ; participation
à la campagne de lancement, à l'exploitation en orbite |
Arabsat II (2 modèles de
vol)
Satellite international de télécommunications |
1996
|
Intégration des charges utiles participation
à l'intégration satellite et à la campagne de lancement |
Artemis
Satellite européen de communications interorbites |
1995 à 1997
|
Intégration d'une charge utile |
Mabuhay (2 modèles de vol)
Satellite international de télécommunications |
1996
|
Intégration des charges utiles ; participation
à l'intégration satellite et à la campagne de lancement |
Asar (Envisat)
Satellite européen d'observation de la Terre |
1994 à 1997
|
Intégration des éléments
de l'antenne à ouverture synthétique |
Globalstar(56 modèles de vol)
Satellite de télécommunications avec les mobiles |
1995 à 1997
|
Intégration des charges utiles participation
à l'intégration satellite et à la campagne de lancement |
L'évolution des bancs d'essais Telecom 1
Après l'utilisation, pour TDRSS, du premier banc de
tests piloté par calculateur, mais destiné à un seul
récepteur, et le projet «papier», écrit pour
Aerosat,
des bancs de tests destinés à une charge utile complète,
la mise en oeuvre concrète de l'expérience acquise se fait
dans le programme Telecom 1.
Aux
aspects de puissance près, les diverses caractéristiques
à mesurer dans une charge utile se rapprochent beaucoup de celles
d'un récepteur. Pour passer de TDRSS à Telecom
1, l'analyse des moyens de mesure nécessaires ne demande qu'une
extrapolation relativement évidente.
Cependant, la charge utile ne fonctionnant qu'assemblée avec
le module de service, il faut réaliser un simulateur de cette partie
du satellite qui vient s'adjoindre à l'ensemble de mesures des caractéristiques
de la charge utile. Ce simulateur doit également fournir des renseignements
sur l'état des équipements qui composent la charge utile.
Un synoptique animé par les télémesures fournies par
la charge utile vient donc compléter les bancs.
La charge utile de Telecom 1 comprenant trois ensembles de répéteurs
fonctionnant dans trois bandes de fréquences différentes,
on pourrait utiliser simultanément et en parallèle trois
bancs d'essais, mais pour limiter le coût des investissements, il
est décidé de tester les ensembles de répéteurs
en série avec un seul banc.
La cohérence des données entre les mesures au niveau équipement
et au niveau charge utile suggère de déduire les bancs de
recette des équipements fabriqués par Alcatel Espace de la
base «charge utile», par simplification ou suppression de certains
instruments. Les logiciels restent basés sur les mêmes principes.
La génération logicielle suivante : Telecom 2 (1987)
Pour
Telecom
2, les besoins augmentent nettement : trois charges utiles par satellite,
charges utiles plus importantes, quatre modèles de vol à
livrer. Il faut donc passer aux mesures en parallèle avec plusieurs
bancs fonctionnant ensemble, mais avec un seul simulateur de module de
service.
L'avancée générale dans le domaine logiciel invitera
à développer un ensemble de logiciels avec bases de données,
écrans graphiques interactifs (synoptiques), structure d'accueil
et IHM (interface homme-machine), dont les systèmes de micro-ordinateurs
donnent une idée à l'époque actuelle. Salomé,
tel est le nom donné à cette Structure d'accueil pour logiciel
de mesure.
L'écran interactif permet à l'opérateur de contrôler
les charges utiles en cours d'essais, sans encombrer sa mémoire
de la liste des commandes et télémesures (qui fournissent
l'état des équipements) : la station de travail s'en charge
à partir des informations dont elle dispose et de la localisation
des «clics» de la souris sur l'écran.
Les programmes de mesure ne sont plus qu'une partie du système
informatique qui gère les bancs. La taille et la complexité
des logiciels supportant l'interface homme-machine conviviale exigent un
matériel informatique performant.
Cette génération de bancs de mesures hyperfréquences
de télécommunications est celle qui est utilisée actuellement
pour toutes les charges utiles transparentes depuis Telecom 2, Intelsat
7, Turksat, jusqu'à Arabsat II. De plus, le logiciel,
dont la première version est baptisée ISYS : structure d'accueil
(IHM), est réutilisable pour des programmes scientifiques (SPOT
4).
La génération «mesures rapides» (1992) : Intelsat
VII/VII A
Les satellites devenant de plus en plus complexes et comportant
de plus en plus de canaux (trente-six canaux pour Intelsat VII,
cinquante-quatre canaux pour Mabuhay), les techniques de mesure
dites «classiques» ou «pas à pas» ne sont
plus adaptées aux délais de livraison imposés par
les clients. Il faut dont mettre en oeuvre des techniques de mesure dites
«rapides» ou «balayées» qui permettent de
diviser par dix le temps d'essai.
En même temps que la réduction du temps d'intégration
et d'essais, il est nécessaire de mettre en place des outils d'analyse
des résultats de mesures pour accélérer le passage
d'une phase de test à la suivante. C'est chose faite grâce
à l'apparition des réseaux (locaux et internationaux) et
de produits de bureautique conviviaux. Par conséquent, il devient
possible de présenter en temps réel ces résultats
de test aux différents acteurs de l'entreprise et aux clients.
La dernière génération (1995) : Globalstar
Cette fois, l'avancée vient d'un nouveau type d'instruments
de mesure qui simulent de beaucoup plus près les fonctionnements
nouveaux des charges utiles (nombreux canaux de faible largeur…), grâce
à l'inclusion des microprocesseurs dans les instruments de mesure.
Ceux-ci deviennent des calculateurs de construction ou de synthèse
des données, d'un signal, ou à l'inverse d'analyse des signaux,
auxquels, à l'interface avec l'extérieur, on adjoint une
«tête» analogique adaptée aux fréquences
auxquelles on travaille. Tout se numérise, la technologie étant
celle des micro-ordinateurs.
Au lieu d'utiliser des mesures rapides «balayées»,
on met au point des mesures «multitons» qui chargent la charge
utile de la même façon que le feraient les utilisateurs avec
leur téléphone cellulaire. Ces techniques permettent de réduire
encore davantage le temps de mesure et un facteur 10 supplémentaire
est gagné.
Cette diminution substantielle du temps de mesure est particulièrement
bienvenue sur ces satellites défilants (ou en orbite basse), car
la quantité de modèles à assembler et tester est sans
commune mesure avec les satellites de communications classiques. Dans le
cas de Globalstar, on doit fabriquer cinquante-huit satellites avec
un rythme de production de trois par mois (à comparer aux trois
modèles produits auparavant avec un rythme de un satellite tous
les trois mois). Les logiciels ne sont adaptés que dans leur aspect
«mesure» et «traitement des résultats».
Les programmes de mesure évoluent ainsi : ils ne traduisent plus,
dans leur trame, la procédure de mesure qui aurait été
suivie si cette dernière avait été «manuelle».
Grosso modo, ils consistent à fournir un fichier de données
à l'instrument construisant les signaux envoyés à
la charge utile, et le traitement des résultats analyse le fichier
de données rendu par l'instrument branché en sortie.
Pour conclure, on remarque que chaque génération de banc
naît avec une avancée technique :
- apparition des calculateurs en 1977 ; ils permettent de programmer
des instruments de mesure classiques ;
- les instruments sont équipés de cartes qui les rendent
intrinsèquement programmables en 1982, et les calculateurs disposent
du système et d'un langage Basic d'une simplicité irremplaçable
qui donne au technicien les moyens de programmer sa mesure ;
- en 1987, les systèmes logiciels informatiques s'équipent
d'outils graphiques, d'interfaces conviviales, etc. L'informatique est
le domaine ayant fait le plus grand bond en avant ; elle offre beaucoup
de possibilités mais complique son utilisation ;
- en 1995 se produit l'insertion de microprocesseurs dans les instruments.
Le règne du tout-numérique commence ; charge utile et bancs
ne sont plus transparents, la mesure se circonscrit autour du contrôle
du taux d'erreur des équipements.

Quelle que soit la durée d'un projet (en 1982, un planning de
réalisation dure trente-six mois, en 1996, une charge utile de télécommunications
récurrente est livrée en quatorze mois), les pénalités
sur le report d'une date de lancement sont tellement fortes que cette dernière
reste intangible. Par contre, tout au long du développement et de
la réalisation du satellite, de l'étude, des équipements
à l'intégration de la charge utile, les occasions ne manquent
pas d'accumuler les retards. C'est ainsi que, la date du lancement n'étant
pas modifiée, et la durée de l'AIT satellite par le maître
d'oeuvre restant intouchable, les équipes du Département Intégration
d'Alcatel Espace sont régulièrement mises à contribution
pour rattraper le retard pris en amont.
Parce qu'ils sont appelés, en catastrophe, sur le pas de tir,
pour changer un équipement défaillant au dernier moment,
parce qu'ils sont appelés à travailler en double voire triple
équipe lors des essais en vide thermique du satellite chez son maître
d'oeuvre, parce que, par conséquent, ils ne peuvent, dans ces conditions,
respecter un horaire de travail classique, enfin parce que leur travail
a une densité variable, les hommes qui font ces succès d'intégration
ont une vie particulièrement agitée.
De telles prouesses techniques ne sont possibles que grâce à
une très profonde motivation. Il est vrai que participer à
l'intégration de la charge utile puis du satellite, pendant plusieurs
mois, est peut-être plus enthousiasmant que de s'arrêter à
une carte électronique sans en chercher la finalité. Au dernier
instant, un point culminant presque sacré se ressent lors du décompte
final, lors du «largage crochets», lors de l'»éjection
satellite», et enfin, mais bien plus tard, lorsque le satellite est
déclaré opérationnel. |