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Association Amicale des Anciens d'Alcatel Space
CHRONIQUES D'UN MÉTIER de 1963 à 1993
Table | Préf | Intro | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9

4 - Les fonctions et les métiers

4.1 - Les moyens de décision et de contrôle

Au Département Espace-Satellites (ESA)


En 1970, année de la création du Département Espace-Satellites, Thomson-CSF est articulée en Divisions. Chaque Division est un centre de profit et son Directeur est entièrement responsable de ses résultats. À condition de rester dans le cadre des directives émises par la Direction Générale et par les différentes directions fonctionnelles du siège, il jouit d'une large autonomie dans l'exploitation du domaine qui lui est confié.

Quand le domaine des satellites est attribué à la Division des Matériels d'Avionique (MAV), qui devient alors Division des Matériels d'Avionique et Spatiaux (AVS), son Directeur Alexandre Boudigues décide, pour l'exploiter, de créer un Département indépendant : le Département ESA.

Ce dernier est conçu au départ comme ce que l'on appelle parfois une «microdivision». Dans une note d'organisation datée du 7 juillet 1970, son Directeur Jacques Chaumeron reçoit d'Alexandre Boudigues une «délégation permanente lui permettant de traiter, à l'intérieur et à l'extérieur de la Division, tous les problèmes relatifs à l'espace» et qui sont du ressort de la Division AVS.

La seule fonction de direction ou de contrôle que ne possède pas en propre le Département est celle du contrôle de gestion. Celui-ci est assuré au niveau de la Division par André Pacallet dont le correspondant local, chargé de rassembler toutes les données nécessaires au contrôle, est Paul Pharisier. Le chef des Services Techniques et Industriels et le chef du Service Commercial rendent compte directement au Directeur du Département.

Ce dernier assiste au Comité de direction (Comav) hebdomadaire présidé par le Directeur de la Division et auquel assistent également le Directeur Commercial de la Division, le Directeur Technique, le Directeur de la Fabrication et le Directeur Administratif et Financier. On y traite de la politique de la Division et l'on examine la situation générale des affaires en cours et les principaux problèmes rencontrés.

Alexandre Boudigues cite fréquemment les mots de l'un de ses anciens directeurs : «Ce n'est pas en économisant les trombones que l'on empêche une société de faire faillite, c'est en surveillant de très près les effectifs.» C'est pourquoi il apporte personnellement une très grande attention à ce problème. Dans chaque Département de la Division, il préside chaque mois une réunion durant laquelle, assisté du contrôleur de gestion, il passe en revue l'évolution des effectifs en fonction des devis prévisionnels et des prévisions pour solde. Il fixe ensuite les objectifs à atteindre dans les diverses catégories de personnel.

Chaque année, une partie de la réunion organisée à la Division AVS par la Direction Générale pour l'examen du PMT, ou Plan à Moyen Terme (cinq ans) est consacrée au Département ESA.

Chaque année également, la Direction Technique Générale de la compagnie rend visite à ESA pour discuter de la politique technique, examiner le programme d'études autofinancées et rechercher les domaines où une éventuelle coopération avec d'autres unités pourrait aider à résoudre certains problèmes.

L'effectif du Département (environ trois cents personnes) est suffisamment faible pour être dirigé sans un formalisme exagéré. Le «triumvirat» de direction, composé de Jacques Chaumeron, de Guy Leconte, chef des Services Techniques et Industriels, et de Pierre Gautier, chef du Service Commercial, est en contact quotidien et n'a pas besoin de prévoir de réunions périodiques fixées à l'avance. Le sacro-saint mot «comité» n'est pas encore entré en usage. On s'efforce de ne pas alourdir les structures et de ne pas succomber à la «réunionnite» qui sévit en d'autres lieux.

Une seule catégorie de réunion se tient à l'intérieur du Département ESA : les réunions d'avancement d'affaires. Une réunion mensuelle est programmée pour chacun des services techniques ainsi que pour chacun des projets importants auxquels participent plusieurs de ces services.

Présidées par le Directeur du Département, ces réunions rassemblent : le chef des Services Techniques et Industriels, le chef du Service Commercial, assisté si besoin est d'un de ses adjoints, le ou les chefs des services techniques responsables des affaires à l'ordre du jour, le chef du projet en question, le chef du Service Fabrication, le chef du Service Qualité, le responsable des plannings et le correspondant local du contrôleur de gestion.

On procède à un examen complet de la situation technique des affaires, de leur position par rapport aux plannings prévisionnels, de l'état des dépenses comparées aux prévisions des devis et des prévisions pour solde. Les écarts constatés font l'objet de propositions d'actions correctives qui sont discutées et, dans la mesure du possible, approuvées au cours de la réunion après consultation de tous les responsables intéressés.

À partir de janvier 1975, le Département Espace-Satellites quitte la Division AVS pour être rattaché à la Division Faisceaux Hertziens et Liaisons Spatiales (DFH) jusqu'à la fin de 1981. Son sigle devient alors DSP.

Son organisation et son fonctionnement interne ne sont pas modifiés par ce changement. Par contre, les modalités de son contrôle par la Division «mère» évolueront dans le temps.

Concernant les études de matériels de répéteurs pour satellites de télécommunications, la Direction Technique de DFH, à laquelle ESA a jusqu'alors sous-traité certaines d'entre elles, revendique un droit de contrôle sur les études menées par DSP dans ce domaine, ainsi que sur l'utilisation faite par DSP des résultats des études menées par DFH.

Quoique parfaitement légitime, cette revendication est à l'origine de quelques frictions entre ingénieurs des deux bords. La diplomatie de Pierre de Bayser, initialement ingénieur à DFH, qui, au cours de cette période, devient successivement, à DSP, chef du Service Hyperfréquences (HY) puis chef des Services Techniques et Industriels, aide considérablement à normaliser les relations.

De même qu'il a assisté aux Comav, le Directeur de DSP participe désormais aux Codir, réunions hebdomadaires du comité de direction de DFH présidées par André Lepeigneux, et dont la composition, les ordres du jour et les méthodes de travail sont très voisines de celles des Comav.

Le contrôle de gestion s'effectue à la Division DFH, sous la direction de Jean Lemaitre, Directeur Administratif et Financier, avec les mêmes méthodes et procédures qu'à AVS, ce qui ne nécessite, pour Paul Pharisier, que peu d'efforts d'adaptation.

La responsabilité de DSP dans l'élaboration et la présentation de son Plan à Moyen Terme restent les mêmes jusqu'à la fin de l'année 1977, date du départ d'André Lepeigneux de la Division.

Dès l'arrivée de son successeur, Christian Loeffler, il apparaît que les responsabilités et les prérogatives des différents dirigeants de DSP vont être considérablement réduites. La délégation de pouvoirs accordée au Directeur d'ESA par Alexandre Boudigues, qui a été implicitement prorogée par André Lepeigneux vis-à-vis du Directeur de DSP, n'est pas maintenue dans les faits. Comme il est exposé avec plus de détails dans le chapitre consacré au Département Espace-Satellites, un certain nombre de chefs de service de DSP sont placés sous la tutelle de certains directeurs ou chefs de service de DFH. Dans certains cas, cette situation ne s'avère pas viable et on doit revenir en arrière. En fait, une grande partie du pouvoir de contrôle et de décision des responsables de DSP est transférée au niveau de la Division, et l'existence même du Département en tant que tel se trouve remise en question. Cette évolution est, dans une certaine mesure, ralentie lorsque Jean-Pierre Bouyssonnie, Directeur Général de Thomson-CSF, fait savoir, devant l'avenir prévisible des activités spatiales, que le Département DSP doit être maintenu et confirme Jacques Chaumeron dans ses fonctions.

En fait, pour la période s'étendant de 1978 à 1981, les ambiguïtés provoquées dans les chemins de décision par l'introduction d'échelons supplémentaires, qui n'ont en général qu'une vue partielle des problèmes pratiques, rendent très difficile sinon impossible, avec le recul du temps, de situer les niveaux réels de décision et donc de répondre aux questions qui auraient dû trouver une réponse dans ce chapitre.
 

À la Division Espace (DES)


La Division Espace est créée le 1er janvier 1982 et placée sous l'autorité de Gérard Coffinet.

Le Département DSP, toujours dirigé par Jacques Chaumeron jusqu'au 1er janvier 1983, puis par Philippe Blanchet jusqu'en janvier 1985, conserve jusqu'à cette date, en les adaptant à son expansion particulièrement rapide, les mêmes règles et procédures générales de fonctionnement. On y crée, entre autres, un poste de contrôleur de gestion, lequel rend compte au contrôleur de gestion de la Division.

Un deuxième Département, dont le nom évoluera dans le temps et dont la direction est confiée à Jean-Louis de Montlivault, est chargé, au départ, de la direction du programme Telecom 1, puis, progressivement, des systèmes de télécommunications par satellites et du programme militaire SYRACUSE. En janvier 1983, il prend le nom de Département Systèmes Spatiaux.

Jusqu'au début de 1984, date de la prise de contrôle de DES par le groupe de la Compagnie Générale d'Électricité, les moyens de décision et de contrôle de la Division sont analogues à ceux des autres Divisions de Thomson-CSF. En mars 1982, une note de Gérard Coffinet a désigné les divers responsables des relations avec les Directions du siège dans tous les domaines : administration, finances, gestion, personnel et affaires sociales, affaires internationales, technique, etc.

Comme les autres Divisions de la Compagnie, DES prépare chaque année son PMT qui est soumis à l'approbation de la Direction Générale au cours d'une séance plénière.

La Direction Technique Générale lui rend visite chaque année avec le même ordre du jour que celui qui a été décrit plus haut pour DSP. Pour la gestion interne, un Comité de direction (Codir) est créé. Il réunit chaque semaine sous la présidence du Directeur de la Division :

- l'adjoint au Directeur, Jean Lailheughe ;

- le contrôleur de gestion, Jean Chabredier ;

- le Secrétaire Général, Bernard Gory ;

- le Directeur chargé de mission, Michel Lasalle ;

- le Directeur du Département DSP, Jacques Chaumeron, et son adjoint, Philippe Blanchet ;

- le Directeur du Département Systèmes, Jean-Louis de Montlivault ;

- le chef des Services Commerciaux, Alain Roger ;

- le responsable des investissements, des Services Géné­raux et du personnel, Guy Leconte.
 
 

On y examine les principaux événements survenus au cours de la semaine écoulée dans tous les domaines : commercial, technique, financier, social, etc., en essayant, dans la mesure du possible, d'ébaucher des solutions aux principales difficultés qui se sont présentées, ou, tout au moins, de préciser la marche à suivre pour y aboutir. On y précise la répartition des tâches en vue des événements importants à venir, en particulier dans le domaine de la communication (visites ou réceptions mettant en jeu des personnalités importantes). On y définit les grandes lignes directrices devant présider à la préparation des divers plans : PMT, investissements, études autofinancées… Le Directeur y donne ses instructions générales sur la conduite de la Division.

En 1983, dernière année d'existence de la Division, quelques titulaires des fonctions qui composent le Codir sont changés, mais la composition en reste la même. Le Codir continuera d'exister dans les années suivantes après la création d'Alcatel Thomson Espace.
 

À Alcatel Espace - Le contrôle de la maison mère


Le principe de gestion de la Compagnie Générale d'Élec­tricité repose sur la décentralisation des responsabilités. Pour simplifier, chaque unité est jugée sur son résultat net et ses besoins de trésorerie. Point de comptes-rendus de gestion détaillés ; point de vérifications minutieuses ; point de consignes de gestion centrales ; point d'obligation de commercer à l'intérieur du groupe (lors d'un repas d'accueil des responsables financiers, le Président Georges Pébereau s'est laissé aller à dire - sur le ton de la plaisanterie - que «pour vivre heureux dans le groupe CGE, mieux vaut ne pas commercer avec les autres unités»). La contrepartie est simple : chaque «roitelet», dans son unité, est libre de sa gestion, à la condition de «rester dans les clous» dont il était convenu lors de l'approbation de son budget par la présidence. Dans le cas inverse, «sa carrière dans le groupe est terminée» (sic).

Le rapprochement d'Alcatel et d'ITT modifiera significativement ces méthodes de gestion et de contrôle. Il est un fait que le type de relations qui était possible dans l'ancienne CGE, et en particulier chez CIT, ne l'est plus dans un ensemble qui a accueilli vingt mille personnes de Thomson-CSF et soixante-dix mille d'ITT. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue qu'ITT dispose d'un type d'organisation et de «reporting» bien plus complexe que celui auquel sont habitués la plupart des «organisateurs d'entreprises».

Ces deux approches mises bout à bout aboutissent à un panaché où l'on retrouve beaucoup de règles ITT à la sauce CIT. 

L'organisation devient matricielle (par lignes de produits et centres de responsabilité) ; les règles comptables (en anglais dans le texte !) s'internationalisent ; le «reporting» devient conséquent (à titre d'exemple, il justifie deux personnes à temps complet chez Alcatel Espace) ; le contrôle de gestion devient permanent. Placé sous la responsabilité de Daniel Castellan (adjoint de Pierre Leroux), ce contrôle est exercé avec doigté dans un premier temps, puis avec rigueur lorsque l'orage fond sur les résultats du groupe. La technique des «fiches» destinées à la Direction Générale du groupe s'installe, accompagnée de réunions d'explications et de commentaires. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour justifier une forte montée du stress des responsables financiers de certaines unités.

Dans ce nouveau protocole, un cérémonial va vite conquérir droit de cité : celui des «réunions de gestion» au cours desquelles comparaissent les responsables d'unité venus présenter leurs propositions de budget ou de plan, ainsi que les résultats effectivement réalisés. Elles sont animées par le Président Pierre Suard, entouré de Jozef Cornu et Pierre Leroux et des membres de leurs états-majors, soit au total une quinzaine de personnes. Représentent ATES : Jacques Imbert, Jean-Claude Husson et Georges Malgoire. Le déséquilibre des forces est patent… et ces réunions pourraient ressembler à un tribunal si la santé d'ATES n'était pas ce qu'elle est et si le secteur de l'espace ne jouait pas son rôle : faire rêver… Le Président ne cache pas son intérêt pour le domaine spatial et tout se passe toujours très bien, sauf…

Sauf lorsque ce cérémonial, déjà émouvant, est complété par l'installation de consoles vidéo face à chaque participant. Quelle galère que la manipulation du moniteur ! Les textes apparaissent trop gros, ou trop petits, ou trop haut, trop à gauche, flous… Devant le succès que cet appareil remporte auprès des directeurs d'unité, peu habiles à le manipuler, un appariteur plus doué est chargé de dompter le monstre. Cela n'amènera toutefois pas beaucoup de chaleur humaine à ces réunions.
 

Les comités internes


Du fait de l'importance et de la spécificité des programmes spatiaux confiés à ATES (d'une centaine de millions de francs à plusieurs milliards), une grande autonomie de gestion et de contrôle est laissée aux chefs de projet. En contrepartie, la coopération entre les diverses Directions impliquées requiert la mise en place de nombreux comités de coordination. On peut citer, au niveau de la société :

- Comex (comités exécutifs) ;

- Codir (comités de direction) ;

- comités plan et stratégie ;

- comités études ;

- comités de gestion ;

- comités budgétaires ;

- comités affaires ;

- comités commerciaux ;

- comités planning ;

- comités qualité.
 
 

Compte tenu du nombre assez élevé de participants à ces comités, dû au nombre important de programmes vivants, un point commun peut être souligné : ces divers comités sont beaucoup plus «informatifs» que «décisionnels», les décisions se prenant essentiellement dans des comités informels et restreints organisés «au cas par cas» autour du Directeur Général et précédés d'une grande effervescence de «messages Profs».

À tous ces «comités centraux» s'ajoutent, bien entendu, des «comités locaux» (fort nombreux) constitués au sein de chaque Direction ou de chaque programme. Tant et si bien que la participation à ces différents comités devient la tâche la plus importante des principaux cadres de la société, un élément important du fonds de commerce d'Air Inter et des hôtels de la zone industrielle de Candie, et la cause d'un équipement de visio et téléconférence entre Toulouse et Courbevoie.
 

Les Comex (comités exécutifs)


Ils sont créés par Gérard Coffinet au début de 1985 après la constitution de la société Alcatel Thomson Espace. Au tout début, ils répondent au souci de constituer une instance collégiale de décision sur les questions d'actualité, les comités de direction qui existent depuis plusieurs années comprenant trop de membres pour cela.

Au début de 1986, les Comex comprennent une huitaine de membres, à savoir, autour du vice-P-DG Jean Valent et du DG Gérard Coffinet, le DGA Michel Chaussedoux en charge des questions techniques et industrielles, le secrétaire général Jacques Chaumeron, le Directeur Commercial des Affaires Civiles Alain Roger, le Directeur Administratif et Financier Georges Malgoire, le Directeur du Plan et de la Politique Produits Claude Michaud, et le Directeur des Télécommunications Militaires Jean-Louis de Montlivault.

Le Président Jacques Imbert participe épisodiquement au Comex. La cadence des réunions est hebdomadaire et celles-ci se tiennent essentiellement à Courbevoie.

Avec l'arrivée de Jean-Claude Husson en remplacement de Gérard Coffinet, le cercle s'agrandit peu à peu à la majorité des directeurs. Son objectif évolue et devient beaucoup plus «informatif». Si la cadence reste hebdomadaire (chaque mardi matin, sauf le troisième du mois, réservé au Codir), les réunions se tiennent alors alternativement à Toulouse et à Courbevoie. 

Des «invités» au Comex font leur apparition ultérieurement (1992), et le nombre de membres dépasse alors souvent la vingtaine. Afin de limiter les voyages entre Toulouse et Courbevoie, c'est à cette date qu'apparaît la visioconférence permettant aux membres du Comex de participer sans avoir à se déplacer. L'efficacité y gagne, mais la convivialité y perd, car l'oeil de la caméra ne peut se substituer à ces messages que l'on se glisse «entre deux portes».

Il n'est enfin de bonne réunion sans son compte-rendu : Claude Michaud s'y emploie toujours avec ponctualité, précision et clarté.

Les Comex vont permettre de faire circuler une grande masse d'informations commerciales, concernant la vie des projets, la communication interne et externe, les affaires financières et sociales, les difficultés techniques, etc. Par contre, sauf exception, peu de décisions sont prises en commun, celles-ci étant réservées à des réunions ad hoc organisées par Jean-Claude Husson avec les responsables appropriés.

Certains Comex sont houleux, par exemple au printemps de 1985 lorsqu'il faut prendre la décision de réduire les effectifs, ou bien lorsqu'il faut entériner une politique produits… qui ne sera en fait jamais appliquée.

Dans d'autres comités, on rêve éveillé autour des projets Locstar et Geostar dont on attend monts et merveilles. On se fait peur longtemps à cause des problèmes de taux d'humidité résiduelle (RGA) des amplificateurs du programme Eutelsat. On est sceptique devant les projets d'organisation de sociétés de conseil qui viennent avec des talents contrastés «plancher» devant le Comex. Mais quel que soit l'état d'âme du jour, il n'y aura pratiquement jamais de propos blessants ou injustes prononcés à l'encontre des uns ou des autres.
 

Les Codir (comités directeurs)


Gérard Coffinet met pour la première fois ces comités en place à DES. À l'origine, leur but est analogue à celui qui conduira ultérieurement à la création des Comex : constituer une cellule de décision. Cet objectif, atteint à ses débuts, est dépassé par les événements, à savoir le développement de l'activité qui conduit à augmenter, tout à fait logiquement, le nombre de directeurs.

En 1984, lors de la création d'Alcatel Thomson Espace, les Codir sont maintenus une fois par mois dans le but de faire circuler l'information entre l'ensemble des directeurs de la société.

Jean-Claude Husson maintiendra ce principe : à tour de rôle, chaque directeur doit résumer les principaux faits nouveaux significatifs qu'il a eu à gérer et dont la connaissance peut intéresser les autres directeurs.

Se trouvent donc évoquées les questions touchant aux problèmes techniques ou scientifiques, commerciaux, financiers, de facturation et de charge de travail, sociaux, de communication externe (dont visites de notables), de concurrence, d'accords, etc. Mais les sujets en question ne peuvent qu'exceptionnellement faire l'objet de décisions en séance (faute de temps et eu égard au tempérament du DG) et ceux-ci sont repris par ailleurs en réunions ad hoc.

Des chefs de service ou spécialistes, externes au Codir, viennent régulièrement exposer une question précise. Par exemple : la politique informatique, le plan de charges, tel nouveau programme ou projet, les implantations immobilières, les hypothèses du Plan à Moyen Terme, le planning de chiffre d'affaires, les grandes lignes du budget, le projet «Efficience» de qualité globale, etc. Chacun de ces exposés est une étape marquante dans l'application cohérente des décisions prises.

L'actualité des affaires occupe la place prépondérante dans l'ordre du jour des Codir. Jean-Claude Husson joue d'ailleurs en virtuose avec les divers registres concernés (commerciaux, techniques ou financiers), mettant dans l'embarras bien des responsables qui n'ont pas pensé à tout. Les relations entre ATES et ATFH viennent souvent à l'ordre du jour, montrant combien il est difficile de s'entendre en famille… Enfin, chacun doit faire état de ses «red flags», c'est-à-dire des sujets brûlants qui peuvent intéresser les autres directeurs.

Claude Michaud sera pendant les dix premières années de la création d'ATES le «reporter» fidèle de ces comités. 
 

Les comités plan et stratégie


Animés par Claude Michaud, Directeur du Plan et de la Stratégie, et placés sous l'autorité du Directeur Général, ces comités ont pour but de définir les diverses hypothèses que chaque Direction doit respecter dans l'élaboration du PMT (Plan à Moyen Terme : cinq ans).

En principe, trois hypothèses sont retenues : une version dite «nominale» qui rassemble les projections considérées comme les plus réalistes ; une version basse, très pessimiste ; enfin, une version haute, raisonnablement optimiste.

Deux périodes dans l'année constituent la démarche PMT : la première, de mai à septembre, sert de support à la prévision budgétaire de l'année suivante et des quatre années au-delà ; la seconde, de novembre à février, permet de réévaluer la prévision initiale. 

Quatre comités PMT ont lieu chaque année : deux pour la prévision initiale et deux pour son actualisation. Pour chacune de ces deux phases de prévisions, un comité vise à geler les hypothèses que chaque Direction doit respecter pour élaborer ses ressources et ses dépenses, un second comité présente la synthèse des prévisions et confirme donc, solennellement, les axes de travail de la société. Il va sans dire qu'une certaine passion entoure ces comités, la tendance naturelle de chaque responsable étant d'être à l'aise dans ses dépenses et peu engagé dans les ressources…

Chacun de ces comités est précédé d'un nombre très important de réunions de travail propres à chaque Direction et chaque projet. Ce soin s'avère indispensable pour assurer la cohérence interne du système de prévisions. Il est un fait qu'avant la création de ces comités, en 1987, cette cohérence était imparfaite : on voyait donc telle direction industrielle revendiquer hautement la mise en place de moyens pour tel projet alors que, par exemple, la Direction Commerciale ne l'inscrivait pas (ou plus tard) en chiffre d'affaires, déclenchant une cacophonie totale dans les prévisions financières.

Compte tenu de la difficulté du sujet, la Direction Financière s'est attelée à la mise en place d'un outil informatique dont l'un des objectifs est, justement, de s'assurer de la cohérence des prévisions établies, projet par projet, par les diverses Directions de la société. Cet outil, puissant, doit ensuite permettre d'effectuer toutes les synthèses budgétaires nécessaires : situation commerciale, résultats, charges, trésorerie, bilan prévisionnel, investissements corporels et incorporels, etc. Une étroite collaboration existe donc entre la Direction du Plan et la Direction Financière.
 

Les comités études


Animés par le Directeur Technique (Jacques Joseph) sous le couvert du DGA Michel Chaussedoux, et placés sous la présidence du Directeur Général, ces comités ont un objectif double :

- définir la politique d'études (qu'elles soient financées en tout ou partie par les clients, ou qu'elles soient entièrement autofinancées par la société ou le groupe Alcatel dans le cadre de ses «fonds de cohérence») ;

- suivre l'avancement des programmes d'études.
 
 

L'affectation prioritaire des personnels compétents aux programmes d'études financées (donc facturées aux clients) entraîne bien souvent des retards importants sur les programmes d'études autofinancées, certes indispensables, mais moins urgents. De ce fait, une certaine compensation financière se crée de facto, les dépassements sur les études financées étant couverts par les crédits non dépensés sur les études autofinancées.

Les comités études donnent lieu à l'établissement de comptes-rendus très complets, largement utilisés ensuite comme documents de référence.
 

Les comités de gestion


Animés par le contrôleur de gestion de la société, Gabriel Frayssinet, et le chef du Service Contrats et Marchés, Jean Gaich (sous le couvert du DAF Georges Malgoire), et présidés par le DG, ces comités - en principe trimestriels - ont pour but de faire la synthèse de la tenue des grandes figures du budget, qu'il s'agisse du chiffre d'affaires d'ensemble et par projet, des entrées et du carnet de commandes, des résultats de gestion d'ensemble et par division, ainsi que des principales marges. 
 
 

 

C'est à l'occasion de ces comités que sont présentées les principales hypothèses, consignes et contraintes budgétaires que doivent respecter les Divisions lors de l'élaboration de leurs propositions de budget. Les synthèses budgétaires sont présentées à l'occasion de deux des quatre réunions annuelles. Chaque directeur y participe avec son contrôleur de gestion.

Les contraintes budgétaires étant généralement accueillies sans enthousiasme, ce type de comité est la clé qui ouvre le «bureau des pleurs» et il faut toute la patience de Gabriel Frayssinet pour venir à bout des doléances des uns et des autres sans pour autant céder sur l'essentiel : le taux de NIBT (Net Income Before Taxes = résultat net avant impôts), requis de façon virile par le Président du groupe, Pierre Suard.
 

Les comités budgétaires


Mis en place au début des années quatre-vingt-dix, ces comités bi-annuels animés par le contrôleur de gestion de la société, Gabriel Frayssinet, et présidés par le DG comprennent un petit noyau de membres permanents (Jean-Claude Husson, Michel Chaussedoux, Georges Malgoire, Gabriel Frayssinet, Claude Michaud, Martial Malaurie) qui passent en revue les projets de budgets élaborés par chaque Directeur de Division et son contrôleur de gestion.

Faisant suite à un audit d'un cabinet d'organisation, le plan de travail repose sur la méthode BBZ (Budget Base Zéro). En effet, la méthode budgétaire classique a trop tendance à reconduire les budgets antérieurs majorés d'un coefficient d'inflation ; il en découle une inadaptation fréquente des structures aux évolutions de l'activité. La méthode BBZ, par contre, part de l'activité prévisionnelle et des objectifs assignés pour recalibrer régulièrement les objectifs de chacun et les moyens nécessaires.

Ces réunions vont très vite devenir le cauchemar des contrôleurs de gestion, obligés de défendre pied à pied les revendications souvent subtiles des responsables de leurs Divisions. Mais leur efficacité s'avérera certaine, et permettra de passer sans encombre certains caps difficiles.

Les efforts de formation, en matière de gestion, effectués auprès des différents directeurs et chefs de service entraînent progressivement un très bon niveau d'adhésion aux méthodes et objectifs de gestion, ce qui ne supprime certes pas les difficultés pour les atteindre, mais fait que les discussions et arbitrages se déroulent (presque) toujours dans un climat de compréhension et d'efficacité. 
 

Les comités affaires


Créés au Département DSP, ces comités sont bien évidemment maintenus par ATES, dans une formule légèrement modifiée. Ils sont présidés par le DG Gérard Coffinet puis par Jean-Claude Husson, et animés par chacun des chefs de projet.

Les responsables de la gestion financière d'ATES jugent que l'on y fait une part beaucoup trop grande à la technique. Ils illustrent leurs propos en déclarant que les gigahertz y luttent avec les kilowatts et que les transformées de Fourier émaillent régulièrement le débat.

En 1984, il devient nécessaire de faire les comptes : de nombreux programmes sont déficitaires et les «transformées comptables» prennent le pas sur celles de Fourier. Les tableaux de bord par projet apparaissent, avec courbes de dépenses et de recettes, actualisations de flux financiers, rapports techniques mais aussi commerciaux. Un objectif : faire virer les résultats des programmes de l'époque du rouge au noir.

La mise en place d'une méthodologie de gestion de projets (planning, ressources, PPS), basée sur l'utilisation du logiciel Artemis, est alors instaurée progressivement malgré les réticences de certains chefs de projet, obligés ainsi à plus de transparence et de cohérence.

Le temps passant, les aspects économiques des projets étant clairement indiqués sur les tableaux de bord, Jean-Claude Husson recentrera le débat sur les aspects commerciaux et techniques, les questions financières n'étant traitées qu'en cas de crise.

Avec l'augmentation du nombre de projets, ces comités qui se tiennent en moyenne tous les deux mois deviennent de vrais marathons, la journée y suffisant parfois à peine. Des précomités sont organisés dans certains groupes de projet pour préparer leur passage en comité affaires (et pour définir à l'avance ce qu'il faut ne pas dire…).
 

Les comités commerciaux


Créés au sein de la Division DES, ces comités sont maintenus à ATES dans des formules variables.

Longtemps animés par Alain Roger et présidés par le DG, leur but est de faire des choix entre les diverses sollicitations commerciales (réponses aux appels d'offres, en particulier). La gestion du budget de propositions commerciales, toujours insuffisant et toujours dépassé, occupe souvent l'avant-scène. L'organisation des contacts commerciaux et des principales manifestations, ainsi que leur harmonisation entre les divers intervenants, est le souci constant de ces comités. Enfin, apparaît périodiquement à l'ordre du jour la préparation des prévisions commerciales destinées à l'échelon central (plan et budget). 

Cette dernière fonction, parfois redondante avec les travaux réalisés par les échelons centraux, est alors reprise par la Direction du Plan afin d'harmoniser les méthodes et les résultats.
 

Les comités planning


Ils sont créés par le DGA Michel Chaussedoux qui pèse de tout son poids pour mettre en place une procédure de planification unitaire dans la société : le système Artemis. Ce système en usage chez nos principaux concurrents a pour rôle d'informatiser une procédure PERT pour chaque programme spatial. 

La première étape du projet, qui porte sur les plannings d'équipements, est couronnée de succès. La deuxième étape vise à étendre la procédure à la gestion des projets (cotraitants compris) : son succès est nuancé, certains groupes de projet trouvant la procédure contraignante ou permettant un «voyeurisme» peu apprécié de certains chefs de projet. Enfin, une troisième étape doit permettre d'effectuer des synthèses et des simulations de charges au niveau de la société ; le résultat est atteint, mais souvent par la mise en place d'outils de substitution aux PERT systèmes manquants.

Ces comités mensuels permettent d'établir ou de modifier les plans de charge par direction, service, catégorie professionnelle, programme. La vision de ces plannings est en principe de trois ans, dont une année précise et deux années estimées à partir de la connaissance plus ou moins bonne des prévisions commerciales par affaire.

Ces comités apporteront beaucoup à la gestion des effectifs, rendue très difficile par l'irrégularité des charges entraînées par l'arrivée toujours problématique de programmes spatiaux très importants dont ATES est le maître d'oeuvre.
 

Les comités qualité


Placés sous la présidence du Directeur Général Jean-Claude Husson qui la déléguera le plus souvent au DGA Michel Chaussedoux, ces comités comprennent le DGA, le Directeur de la Qualité et ses principaux chefs de service, le Directeur Industriel, les chefs de service des lignes de produits et de la fabrication, et au coup par coup les spécialistes de tel ou tel sujet d'actualité critique.

Ces comités se déroulent tous les mois et établissent un bilan qualité (niveau de qualité, analyse des incidents, problèmes critiques en cours). Ils donnent lieu à l'établissement d'un compte-rendu diffusé à tous les directeurs.
 

Le «Risk Management» - Les «intéressements en orbite»


Sur le plan de la responsabilité contractuelle, l'espace est un cas particulier : si le satellite ne fonctionne pas, c'est le client qui en conserve la charge car nul ne peut faire la preuve de la faute du fournisseur (sauf à aller constater sur place !). De ce fait, le client va imaginer des systèmes de primes pour bon fonctionnement (les fameuses «primes de vol») ou de pénalités pour défaillance (les «warranty pay back»). C'est ainsi que le fournisseur principal (le maître d'oeuvre du satellite) va devoir supporter le poids de ces «intéressements» ; très vite, il s'allégera de cette charge en rétrocédant sa quote-part à chacun des partenaires au contrat.

Les premières primes de vol remontent à l'époque de la Division MAS et du Département Espace-Satellites (ESA) de Thomson-CSF. Dans Intelsat IV et Intelsat IVA, le maître d'oeuvre Hughes a accepté du client un système qui correspond en fait à des paiements différés d'un faible pourcentage (pas connu par ses sous-traitants) du montant du contrat principal. Lors de la négociation des sous-contrats successifs avec Thomson-CSF, Hughes fait miroiter la perspective de récompenses sous forme de primes qui seraient fonction du bon fonctionnement des matériels en orbite, sans que l'on puisse affirmer, car il s'agit en fait d'un «package deal» sur le montant global du contrat, s'il s'agit réellement d'une véritable récompense ou de paiements différés. Quoi qu'il en soit, ses matériels ayant parfaitement fonctionné en orbite, ESA percevra, jusqu'en 1979, l'intégralité des primes prévues au contrat mais dont les montants sont plutôt symboliques.

Le programme Symphonie voit également s'instaurer un système de paiements différés relativement modestes sur une période d'un an après les lancements. La panne d'un oscillateur local sur le premier modèle de vol, qui n'affecte nullement la mission du satellite puisque ce matériel est redondant, donne lieu à des discussions byzantines avec le client sur l'opportunité de payer ou non tout ou partie des primes de vol correspondant à ce modèle.

Le programme ISEE B, de l'ESRO, voit le maître d'oeuvre Dornier gratifier ses sous-traitants de quelques primes de vol justifiées par l'excellent fonctionnement de tous les matériels de bord.

Un tel système est trop beau pour durer. Dès Telecom 1, comme il est relaté dans le chapitre consacré à ce programme, c'est un pourcentage voisin de dix pour cent du montant total du contrat qui est placé en paiements différés, payables par tranches un an après le lancement de chacun des modèles de vol et soumis au bon fonctionnement de chacun d'eux.

Très vite, le client resserre le dispositif et inclut les «intéressements» dans le prix de base du contrat. En cas de défaillance totale ou partielle du satellite, il ne verse pas de prime et demande, de surcroît, au fournisseur de lui rembourser la pénalité pour défaillance, prévue au contrat. Désormais, 20 à 30 % du contrat (soit la marge brute de l'affaire) va manquer dans les recettes en cas de difficulté technique imputable à l'un des membres du consortium ayant participé à la construction du satellite, et sans que la faute n'ait à être prouvée par le client. Seul le cas d'une défaillance du lanceur peut exonérer totalement ou partiellement le consortium.

Devant cette situation nouvelle qui peut mettre gravement en péril la situation financière de la société (voire sa vie), toute une réflexion visant à assurer ce revenu est entreprise et mise en oeuvre dans tous les cas où le contrat avec le client ne l'interdit pas. Cette politique d'assurance repose sur divers principes :

- être certain de pouvoir disposer d'une couverture d'assurance quelle que soit la situation du marché (on a connu, en effet, des périodes durant lesquelles, à cause d'un nombre trop important de sinistres au niveau mondial, les assureurs avaient atteint leurs plafonds d'assurance et étaient contraints de renoncer à assurer certains programmes) ;

- pouvoir couvrir le risque de perte d'intéressement à cause d'une absence de lancement (ce qui a failli être le cas pour TDF 2) ;

- réduire les coûts d'assurance qui, sur toute la durée de vie du satellite, peuvent représenter près de 30 % de la somme en risque ;

- fixer définitivement le coût des assurances dès la proposition commerciale faite au client afin d'éviter de supporter un écart de tarification (on a connu des variations de 1 à 3 de ce poste, par exemple pour Telecom 1) ;

- bénéficier d'une assurance permanente au titre du programme. En effet, les clauses standard des contrats d'assurances spatiales n'assurent que les sinistres survenant dans l'année ; la police n'est reconductible d'un an que si le «bilan de santé» du satellite en orbite est satisfaisant. À la moindre alerte, le contrat ne sera pas reconduit ; on aura payé des primes quand tout allait bien, et lorsque le temps se gâte, il n'y a plus de couverture… on retrouve là la prudence traditionnelle des assureurs, et un marché de dupes qu'il faut savoir éviter.
 

Les risques «lanceurs»


La particularité soulignée précédemment s'applique également au lanceur. En effet, dans les contrats passés avec les sociétés de lanceurs (Arianespace par exemple), l'échec au lancement reste à la charge du client à qui il importe d'assurer le coût du relancement.

Au cours des premières années d'existence d'Alcatel Espace, la nature même des clients (administrations) fait que ceux-ci prennent le lancement à leur compte. Puis, peu à peu, au fur et à mesure que le client final se «privatise», la responsabilité du lancement passe progressivement au compte du fournisseur maître d'oeuvre du satellite, à qui il incombe de souscrire toutes couvertures d'assurances adéquates. Cette décision n'est pas sans poser d'épineux problèmes selon le nombre de satellites que le client utilisateur accepte en orbite pendant une période donnée (par exemple, certain client n'accepte pas de n'avoir qu'un seul modèle de vol en orbite pendant une certaine période d'utilisation ; en cas de double échec au lancement on peut ainsi être conduit à lui rembourser le modèle tournant en orbite). 

Assez vite, Alcatel Espace devra se familiariser avec ces difficultés auxquelles s'ajoutent - mutatis mutandis - celles citées précédemment pour les intéressements (problèmes de capacité en orbite, de fixation des prix, etc.). Le poste «assurances spatiales» est pourtant, dans une proposition commerciale, le poste ayant la plus forte valeur unitaire, et une affaire peut se gagner ou se perdre à cause de lui.
 

Le risque de change


D'une façon assez générale, le dollar est la monnaie de compte de tous les contrats de satellites à l'exportation. Or, le cycle évoqué précédemment peut atteindre près de vingt années entre le jour de la première dépense de proposition commerciale et celui de la dernière recette d'intéressement exprimée en dollars.

La maîtrise du risque de change est donc essentielle, car au cours d'une telle période l'expérience nous a appris que la valeur du dollar exprimée en francs pouvait varier du simple au double (depuis de nombreuses années, d'ailleurs, le dollar ne fait que baisser). Or, le jour de la proposition commerciale, un prix ferme et définitif exprimé en dollars est indiqué au client et c'est ce jour-là qu'il faut «spéculer» sur la valeur qu'aura le roi dollar cinq, dix, quinze ou vingt ans plus tard. S'il vaut, par exemple, 6,50 F le jour de la proposition et descend à 4,50 F quelques années plus tard, les recettes d'ATES se trouvent alors réduites de près d'un tiers… Les marges étant ce qu'elles sont à l'exportation, il ne reste plus qu'à fermer la société.

C'est la raison pour laquelle ATES acquiert une réelle expertise en matière de couverture de ce type de risque en mettant en place une équipe de spécialistes particulièrement «pointus» utilisant toutes les techniques possibles de couverture (opérations à terme, options, assurances Coface, compensation, etc.). Métier très «stressant» mais indispensable, car la vie de la société est en jeu.
 

Les risques clients et politiques


On a beaucoup vanté les mérites (réels) de la Coface auprès de laquelle les exportateurs assurent leurs risques clients (défaillance de paiement, interruption de contrat laissant au fournisseur ses travaux «en cours» sur les bras) et leurs risques politiques (conflit armé, décision de non-transfert de paiements).

Dans la pratique des grands contrats, les choses sont beaucoup plus subtiles et les garanties moins certaines. C'est le cas dans certains contrats auxquels ATES doit renoncer. En effet, la Coface, pour indemniser l'assuré, veut s'assurer de l'absence de faute de celui-ci. Si le client ne paye pas par suite d'un défaut des fournitures, le litige est d'ordre commercial et non politique, et dans ce cas la Coface exige du fournisseur qu'il mette de l'ordre dans ses fournitures. Cela semble logique.

Ce qui l'est moins peut provenir du client qui ne veut plus donner suite à un contrat parce que entre-temps il a changé d'idée ou a reçu de meilleures offres. Ainsi va-t-il invoquer toutes sortes d'arguments, tous plus «byzantins» les uns que les autres, pour mettre soi-disant en cause la responsabilité du fournisseur. Il va sans dire que dans un métier comme l'espace, où rien n'est standard, il est toujours possible d'argumenter sur certains choix techniques du fournisseur.

Ce n'est que grâce au métier des experts et des conseillers d'ATES que de tels risques peuvent être déminés au préalable, quitte (et c'est un moindre mal) à renoncer au contrat. Cette maîtrise progressive des risques devient peu à peu l'un des facteurs déterminants de l'amélioration des résultats nets de la société.

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