2 - Les premières activités spatiales
à Thomson et à CSF
La fusion de CSF et du Groupe Électronique de Thomson, annoncée
par un communiqué commun le 13 septembre 1967, sera réalisée
en plusieurs étapes.
Le 1er novembre 1968, la majeure partie du Groupe Électronique
de Thomson est constituée en filiale, la CETH (Compagnie d'Électronique
Thomson-Houston). La quasi-totalité des actions de CETH est apportée,
par décision du 22 novembre 1968, à la CSF qui prend alors
le nom de Thomson-CSF. Dès mars 1968, Paul Richard, vice-Président
de Thomson-Brandt, a été nommé Président de
CSF.
Finalement, la fusion de CETH avec Thomson-CSF est approuvée
le 22 décembre 1969 avec effet rétroactif au 1er
janvier 1969. Les unités chargées des activités spatiales
embarquées dans les deux compagnies suivent une évolution
analogue. Au début des opérations de fusion, elles comprennent
:
- la Direction de l'Électronique
Spatiale de CSF installée à Corbeville ;
- la Division MRA (Matériels
Radar Aéroportés) de Thomson installée à Vélizy
;
- la Division Télécommunications
(DTC) de Thomson installée à Gennevilliers.
Une note signée conjointement par Jean-Pierre Bouyssonnie, de
Thomson, et André Danzin, de CSF, et datée du 16 mai 1968,
confirme la responsabilité du Bureau des Activités Spatiales,
dirigé par Vladimir Altovsky, d'assurer «la mise en oeuvre
de la politique spatiale du nouvel ensemble électronique»
et de «coordonner les activités dans tous les domaines».
Le BAS est rattaché au directeur des affaires civiles et spatiales,
Michel Barré. La même note confie la responsabilité
des affaires concernant les satellites à la Division MRA qui devra
donc, par la suite, «prendre en charge tous les marchés
correspondants, qu'ils concernent la maîtrise d'oeuvre de satellites
entiers, la réalisation totale ou partielle de leur électronique,
y compris celle de leurs équipements d'essais».
La Division MRA reçoit d'abord les effectifs de la Direction
de l'Électronique Spatiale de CSF, et c'est ainsi que les commerçants
Guy Muzard et Yves Farbos, puis Willy Martini et son équipe technique,
rejoignent Vélizy en 1969. Ce n'est qu'un peu plus tard, au début
de 1970, que Roland Gosmand et son équipe chargée des matériels
de télémesure et de télécommande quitteront
Gennevilliers pour s'installer à Vélizy. En fait, les équipes
de Thomson et de CSF travaillent déjà ensemble depuis plusieurs
mois sur la proposition du satellite Symphonie dont l'appel d'offres
a été lancé le 29 janvier 1968. Ce programme, étant
donné son importance, fait l'objet d'un chapitre particulier. Nous
mentionnerons simplement ici que, dès le milieu de 1967, Thomson
et CSF se sont rencontrées au sein d'un groupe de travail préparatoire
qui, sous l'égide de Nord Aviation, aboutira à la constitution
du consortium CIFAS (Consortium Industriel Franco-Allemand pour le satellite
Symphonie).
Au sein de ce groupe de travail, et comme on pouvait s'y attendre, les
attitudes de Thomson et de CSF, représentées respectivement
par Vladimir Altovsky et Jacques Chaumeron d'une part, et Michel Barré
et Guy Plottin d'autre part, sont, au début, quelque peu «concurrentielles»
car il y a à l'arrivée un «gâteau» à
se partager : l'électronique du satellite. Cette émulation
bien compréhensible se calme naturellement en septembre 1967, après
l'annonce de la fusion des deux sociétés. On voit alors la
Division MRA de Thomson coopérer avec le Département Télécommunications
de CSF implanté à Levallois, pour la définition des
répéteurs du satellite, tandis que la Division DTC de Thomson
s'intéresse aux équipements de télémesure et
de télécommande.
La Division MRA installée à Vélizy depuis
juillet 1967, et qui prendra, dans le courant de 1969, le nom de MAS (Matériels
Aérospatiaux) pour indiquer qu'elle ne se cantonne plus désormais
dans le domaine des radars mais étend son activité à
l'ensemble des matériels d'avionique et d'électronique de
satellites, est alors dirigée par Louis Julien-Binard. Son effectif,
réparti entre Vélizy et Bezons, centre provenant de l'absorption
des Laboratoires Derveaux par l'intermédiaire de la filiale Cotelec,
est d'environ neuf cent soixante-dix personnes.
L'usine de Vélizy en 1970.
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La partie de cet effectif affectée aux activités spatiales,
constituée de quelques personnes avant le démarrage des activités
Symphonie
et Intelsat IV, atteindra, avec le développement de ces affaires
et le regroupement des services provenant d'autres unités, environ
trois cents personnes à la moitié de 1970, date de la création
du Département Espace-Satellites, chargé exclusivement des
activités liées aux satellites.
Parmi les responsables qui contribuent, à cette époque,
au développement des activités spatiales à Vélizy,
on doit citer Roger Pagazani, Directeur Technique, Henri Familier, adjoint
direct de Louis Julien-Binard et chargé spécifiquement de
la supervision de ces activités spatiales, Louis Bonaria qui supervise
l'aspect technique de ces activités, Francis Violet, qui en supervise
l'aspect fabrication, et enfin Marcel Putz dont la principale tâche
est d'écrire le premier manuel de qualité, travail qu'il
effectue dans la solitude et avec peu de moyens pour le mettre en pratique.
Ce premier manuel sort en février 1970. C'est pendant cette période,
que l'on pourrait qualifier de «mise en pression», que sont
réalisés les premiers investissements importants relatifs
à l'espace.
Dans l'usine neuve de Vélizy, outre les moyens d'essais mécaniques
utilisés surtout pour l'avionique et un peu pour l'espace, Louis
Julien-Binard fait aménager, pour le montage-câblage des équipements
spatiaux, une salle blanche de classe 100 000 et une salle dite «grise»
de qualité un peu inférieure et utilisée pour l'ensemble
des autres fabrications exigeant quelques précautions de propreté.
Les plus anciens se souviennent de la «cérémonie»
d'entrée en salle blanche, où le passage par un sas dans
lequel on subissait une violente «douche d'air» s'ajoutait
à la classique utilisation des blouses, bonnets et autres pantoufles.
Les principaux programmes de cette période sont Intelsat IV,
qui permettra aux équipes qui y participeront de faire un véritable
apprentissage de la technologie et des méthodes de travail du domaine
spatial, Eole, qui donnera lieu à quelques difficultés
dans les relations avec le CNES, HEOS, programme sans histoire qui
sera un réel succès et pour lequel l'équipe de Roland
Gosmand s'initiera aux responsabilités d'un maître d'oeuvre
de sous-système, et enfin Symphonie, qui en est à
son début et qui se poursuivra jusqu'en 1974.
La Direction de MAS ressent déjà la nécessité,
pour de multiples raisons, de séparer les activités spatiales
des autres activités d'avionique. Dans le but d'initier cette opération,
Jean-Paul Guinard, ingénieur au CNES, est embauché le 1er
mars 1970.
À peine a-t-il commencé à se familiariser avec
la société que survient la décision de fusionner la
Division MAS (ex-Thomson) avec la Division MAV (ex-CSF), ce qui conduit
à une complète réorganisation et à la création
d'un département entièrement responsable du domaine des satellites.
C'est ce département qui, créé le 1er juillet
1970, donnera naissance, douze ans plus tard, à la Division Espace
et, quatorze ans plus tard, à une société nommée
Alcatel Espace. |