2 - Les premières activités spatiales
à Thomson et à CSF
Au début des années soixante, le Département
de Physique Appliquée (DPA) de CSF fait des études dans un
certain nombre de disciplines pouvant avoir des applications dans le domaine
spatial.
Un article publié dans le numéro 21 de CSF Revue,
daté du troisième trimestre 1962, donne des détails
sur les domaines concernés qui sont :
- les plasmas ;
- les lasers ;
- un satellite base de temps ;
- les ondes millimétriques ;
- la stabilisation électronique des satellites (précurseur
des antennes contrarotatives) ;
- l'interférométrie ;
- la conversion thermoionique ;
- la propulsion électrique.
Dans ce même numéro de CSF Revue est annoncée
la création, dans le cadre du Département de Physique Appliquée,
d'un Groupement d'Études Spatiales (GES) avec, pour Directeur, Jean-Claude
Simon, assisté d'Edmond Weygand. Le rôle de ce Groupement
est de centraliser tous les problèmes relatifs à l'espace,
c'est-à-dire aux satellites et à leur exploitation.
Il n'a pas de services de production ; par contre, il peut faire fabriquer
les matériels dans l'usine de CSF qui lui paraît la mieux
adaptée aux buts qu'il poursuit.
C'est de ce Groupement que font partie, à ses débuts,
Michel Bellenger, Jacques Dupraz, Serge Landesmann et Guy Plottin.
L'une des premières études réalisées par
le GES pour le compte du CNES est celle de la faisabilité d'une
mission terre-lune.
En 1962, à la suite d'un accord avec la société
américaine General Dynamics, une filiale commune est créée,
la SESTRO, dont le Président est Guy Muzard, et le Directeur Technique
Guy Plottin.
Cette société, plutôt orientée vers les disciplines
relatives aux lanceurs et à la trajectographie, étudiera
et réalisera, entre autres, au cours des années 1963 et 1964,
le système de sauvegarde du champ de tir des Landes.
En 1963 ont lieu les premières compétitions pour les matériels
d'infrastructure du CNES : les stations de localisation des satellites
et les stations de télémesure et de télécommande.
Anticipant sur les besoins à venir, Jean-Claude Simon a, bien
avant l'annonce de l'appel d'offres du CNES, lancé l'étude
d'un interféromètre dont les applications peuvent s'étendre
de la trajectographie des fusées en général (missiles
et lanceurs) à celle des satellites. Au moment de la sortie de l'appel
d'offres, une maquette fonctionne déjà sur la base de Nançay.
Malheureusement, comme il a été indiqué dans le
chapitre consacré à Thomson, après une sévère
compétition, l'affaire est perdue par CSF.
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Quelques grands anciens assistent à une cérémonie
à Alcatel Espace en 1986. On reconnaît au premier rang, de
gauche à droite : Yves Farbos (Service Commercial à Corbeville
puis à Meudon), Guy Plottin (dernier Directeur des Études
Spatiales à CSF), Louis Julien-Binard (Directeur des Divisions successives
MRA et MAS de 1967 à 1970), Claude Roche (chef du Service Marketing
à Alcatel Espace), Jean-Claude Husson (futur P-DG d'Alcatel Espace)
et Hubert Curien (ancien Président du CNES et ancien ministre de
la Recherche). |
Mais il en sera autrement pour l'appel d'offres numéro deux du
CNES qui porte sur les stations d'émission de télécommande
et de réception de télémesures. Cette fois, c'est
CSF qui gagne contre Thomson le marché des stations Iris,
pour un montant qui représente une charge industrielle largement
supérieure à celle du marché des stations d'interférométrie
Diane
que
Thomson a gagné. La founiture porte sur six stations, dont deux
mobiles et quatre fixes, qui sont installées initialement au Liban,
à Brétigny, Pretoria, Ouagadougou, Brazzaville et Hammaguir.
La maîtrise d'oeuvre pour l'exécution du marché est
assurée par le GES qui sous-traite la réalisation des matériels
au Département Aéronautique dirigé par Antonin Gayffier,
ce département faisant partie du Groupement civil professionnel
dirigé par Michel Barré. Le chef de projet est Pierre Dautremont,
et les travaux sont effectués dans l'usine de Sartrouville.
C'est à partir de l'année 1964 que CSF entre réellement
dans le domaine des matériels embarqués à bord de
satellites en gagnant deux contrats succcessifs. Le premier concerne un
oscillateur ultrastable qui est installé à bord de FRI,
premier satellite du CNES mis en orbite le 6 décembre 1965 par une
fusée américaine Scout. Le second, qui marque le départ
d'une longue lignée de matériels, porte sur la fourniture
de l'émetteur de télémesures en VHF du satellite D1A,
premier de la série Diamant, lancé le 17 février
1966, et de son oscillateur local.
L'oscillateur
ultrastable de FRI est réalisé par une filiale de
CSF, la CEPE (Compagnie Européenne de Piezo-Électricité),
spécialisée dans ce domaine, avec la participation du GES.
L'émetteur de télémesures et l'oscillateur local
de D1A qui sont suivis de ceux de D1C (08-02-1967) et D1D
(15-02-1967) sont réalisés au GES à Corbeville, par
Willy Martini et son équipe, dont ce sont les débuts dans
le domaine des matériels spatiaux embarqués.
Pendant ce temps, l'organisation évolue. Appelé au sein
de l'état-major du Président Maurice Ponte, Jean-Claude Simon
quitte la Direction du DPA où il est remplacé en 1965 par
Georges Broussaud. Le GES devient la DES (Direction des Études Spatiales)
et Edmond Weygand en prend la direction. Il sera remplacé en 1966
par Guy Plottin au moment où la DES, qui aura évolué
vers une activité industrielle, sera rattachée au Groupement
civil professionnel, toujours dirigé par Michel Barré. C'est
vers cette période que CSF commencera à s'intéresser
à un avant-projet de satellite français de télécommunications,
en collaboration avec Nord-Aviation en premier lieu. Sud-Aviation et SAT
rejoindront l'équipe par la suite.
Le concurrent Thomson, qui s'intéresse également au projet,
n'y est évidemment pas le bienvenu. Lorsqu'en 1967 le projet devient
franco-allemand, des liens étroits sont noués entre CSF et
Siemens qui s'est allié du côté allemand avec AEG-Telefunken.
C'est le CNES qui prend la décision d'imposer, dans les réponses
à l'appel d'offres pour le satellite Symphonie, la séparation,
dans des consortiums concurrents, des électroniciens français
et allemands.
Finalement, comme il sera exposé dans le chapitre consacré
à
Symphonie, la fusion de Thomson et CSF aboutit à
l'admission de la nouvelle société Thomson-CSF dans le groupe
de Nord-Aviation qui prendra le nom de CIFAS.
À la suite de la décision de fusion entre Thomson et CSF,
décrite plus loin, et en particulier d'une note datée du
16 mai 1968 et signée conjointement par André Danzin de CSF
et Jean-Pierre Bouyssonnie de Thomson, les équipes de la Direction
des Études Spatiales sont rattachées à la Division
MRA de la nouvelle société. Elles rejoindront progressivement
l'usine de Vélizy d'où une partie sera détachée
au groupe de projet Symphonie installé dans l'établissement
des Mureaux de Nord-Aviation.
Au moment du transfert à Vélizy, l'équipe de Willy
Martini a gagné le marché correspondant à l'appel
d'offres 2020 du CNES pour la fourniture, dans le programme Eole,
des matériels d'émission-réception UHF embarqués
à bord du satellite, et destinés à assurer les liaisons
avec les ballons utilisés pour étudier le régime des
vents dans l'hémisphère sud. Elle a également entamé,
pour le CNES, l'étude des émetteurs-récepteurs chargés,
à bord des ballons, d'assurer la liaison avec le satellite. La quasi-totalité
de ce programme se déroulera à Vélizy.
La même équipe a étudié puis entrepris la
fabrication de récepteurs destinés à équiper
les lanceurs Europa, ou éventuellement d'autres lanceurs,
afin de recevoir si nécessaire un signal d'autodestruction du lanceur
en cas de déviation anormale de la trajectoire prévue. La
fabrication de ces récepteurs baptisés RTG (Récepteurs
de Télécommande Guyane) sera poursuivie à Vélizy.
Enfin, au début de l'année 1968, CSF a participé
à la proposition de la société Lockheed pour les satellites
Intelsat
IV, les liens entre CSF et Lockheed ayant été établis
avant la fusion avec Thomson.
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