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Association Amicale des Anciens d'Alcatel Space
CHRONIQUES D'UN MÉTIER de 1963 à 1993
Table | Préf | Intro | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9

2 - Les premières activités spatiales à Thomson et à CSF

2.2 - La télémesure et la télécommande à Gennevilliers 

Les débuts

C'est en 1964 que le CNES lance ses premiers appels d'offres pour équiper les satellites qui doivent être mis en orbite par le lanceur Diamant. Le Service NF, au Département Télécommunications, qui fait partie de la Division RTT (Radiodiffusion, Télévision, Télécom­mu­ni­cations) est alors dirigé par Pierre Vivet. Il est chargé de l'étude de matériels de télécommunications militaires portables, compacts, légers et robustes, fonctionnant dans les bandes VHF et UHF. Ce service est donc naturellement désigné par Pierre Chavance, Directeur du Département, pour répondre à un appel d'offres du CNES concernant l'étude et la fourniture d'un ensemble récepteur-décodeur de télécommande à embarquer à bord du satellite D1. L'offre est retenue par le CNES et constitue le début d'un enchaînement de programmes qui vont être énumérés ci-dessous. Le satellite D1 sera lancé le 17 février 1966.

Intelsat IIEn 1965, Pierre Vivet, appelé au sein de l'état-major du Département, cède la direction du Service NF à Roland Gosmand, qui sera le responsable des activités télémesure, télécommande, localisation (TM-TC) jusqu'à fin 1981, au début des préparatifs du transfert vers Toulouse. Au programme D1A succédera le programme Intelsat II dans lequel le client sera Hughes Aircraft et qui sera exécuté en 1965-66. Les lancements où figure notre matériel auront lieu le 11 janvier 1967 pour Intelsat IIA et le 22 mars 1967 pour Intelsat IIC.

Le Service NF y assure la réalisation sur plans, la mise au point et les essais des émetteurs de télémesure VHF. Au cours de la même période, l'activité augmente d'une manière importante avec la réalisation de :

- douze récepteurs de télécommande ;

- douze décodeurs de télécommande ;

- douze duplexeurs ;

- deux exemplaires de l'équipement de tests de télécommande ;
ESRO 2Bpour les satellites ESRO IA, ESRO IB, ESRO IIA, ESRO IIB lancés respectivement le 3 octobre 1968, le 1er octobre 1969 (échec au lancement), le 30 mai 1967 (échec au lancement) et le 17 mai 1968. Dans les deux cas, le client final est l'ESRO et les clients directs sont les maîtres d'oeuvre LCT pour ESRO I et Hawker Siddeley pour ESRO II. L'ESRO commande de plus, en 1965, plus de cent émetteurs VHF pour fusées sondes (230 MHz) qui sont réalisés à Gennevilliers sous la direction du Service NF.

Les progrès

Une étape supplémentaire est franchie en 1966 lorsque, pour l'ESRO, et sous la maîtrise d'oeuvre d'ensemble de Dornier Systems, le Service NF se voit confier la maîtrise d'oeuvre du sous-système TM-TC des satellites HEOS A1 et HEOS A2, qui seront lancés respectivement le 5 décembre 1968 et le 31 janvier 1972.

Le Service NF sous-traite à la SAT le codeur de télémesure et réalise lui-même à Gennevilliers, au cours des années 1966 et 1967, les matériels suivants :

- récepteurs de télécommande en VHF ;

- émetteurs de télémesure en VHF ;

- duplexeurs et coupleurs d'antenne ;

- décodeurs de télécommande ;

- boîtiers de mesure de distance utilisés pour extraire du récepteur de télécommande trois fréquences harmoniques déphasées et les réinjecter dans l'émetteur de télémesure.
 
 

Dans ce premier programme, qui nécessite une coordination des réalisations des différents éléments et leur intégration dans un sous-système, un chef de projet est désigné pour diriger ces tâches. Ce premier chef de projet est Jean-Paul Sigwald. C'est également à Gennevilliers, à partir de 1968, que débute l'exécution du programme Intelsat IV et du sous-système télémesure-télécommande du satellite Symphonie. À cause de leur importance, chacun de ces programmes fera l'objet d'un chapitre particulier.

En plus de ceux déjà cités, et parce qu'ils sont peu nombreux, il nous paraît opportun de mentionner, sans aucun ordre hiérarchique, les noms de ces ingénieurs et techniciens qui développeront les premiers matériels pour satellites à Gennevilliers. Il s'agit de MM. Crenol, Dimant, Fontanes, Hayard, Lancrenon, Le Henaff, Nielloux, Riboni et Roulet. Si, par malheur, nous en avions oublié quelques autres, qu'ils veuillent bien nous en excuser. Il convient également de citer le commerçant responsable de toutes ces affaires, Pierre Gautier, qui continuera dans le spatial jusqu'à sa retraite.

Les moyens de fabrication dans la période 1964-1969

Compte tenu des spécificités de la fabrication des matériels spatiaux : objectifs de fiabilité, faible nombre d'équipements d'un même type, etc., une première salle propre est construite à Gennevilliers. Une équipe d'une dizaine de personnes y travaille, comprenant encadrement, câbleurs et contrôleurs. Les critères de qualité sont définis par des documents du CNES (et de Hughes pour les matériels le concernant), et les contrôleurs et câbleurs sont entraînés pour que leur travail satisfasse à ces critères.

Deux catégories de câblage sont utilisées à Gennevilliers ; les composants, à cette époque, sont des composants discrets : câblage classique pour les équipements RF, modules «cordwood» à circuits imprimés pour les équipements «bande de base». La soudure à l'étain est seule utilisée.

Les équipements RF sont constitués par des châssis alvéolés en aluminium, taillés dans la masse et ensuite dorés. Après le câblage, un premier réglage et le contrôle des performances par le Service Technique, les alvéoles sont remplis de mousse expansée (eccofoam) pour la tenue aux vibrations. Le matériel est ensuite à nouveau réglé, contrôlé en performances, et subit les essais de qualification ou de vol suivant le cas : essais électriques, thermiques, mécaniques, d'abord en prérecette, ensuite en recette en présence du client.

Les équipements bande de base sont réalisés en modules «cordwood» à circuits imprimés doubles couches trous métallisés, puis, un peu plus tard, multicouches. Une fois le câblage et les performances électriques contrôlés, les modules sont «pottés» en mousse expansée, vérifiés à nouveau et assemblés sur un circuit imprimé. L'ensemble est fixé dans un cadre en aluminium supportant les connecteurs et subit un «potting» final.

L'équipe de la salle blanche doit donc s'exercer à satisfaire les critères de qualité concernant câblage et soudures, à réaliser convenablement les pottings, à mettre en place un système de fiches suiveuses détaillant toutes les opérations de fabrication, de contrôle et d'essais. À cette époque, il n'existe pas de composants qualifiés spatiaux en France et l'on est forcé de commander ces composants aux États-Unis. Un contrôle rigoureux à leur réception s'avérera nécessaire, car à plusieurs reprises certains responsables auront l'impression que l'on essaye de leur écouler des lots refusés par la NASA.

En 1969, à la suite du contrat Intelsat IV, le module cordwood est abandonné au profit d'une technologie d'assemblage utilisée par Hughes et plus appropriée aux boîtiers «flat pack» alors disponibles. Les boîtiers sont collés sur une barrette d'aluminium formant puits thermique. Des grilles métalliques encollées sur des bandes isolantes les séparant permettent d'interconnecter les boîtiers entre eux et avec l'extérieur. Les soudures entre pattes des boîtiers et grilles sont des soudures électriques.

Cette nouvelle technologie d'assemblage intervenant par ailleurs à un moment de réorganisation des activités spatiales, suite à la fusion Thomson-CSF, une nouvelle salle blanche, plus importante, plus performante au niveau de la propreté et de la climatisation, est construite à Vélizy, où sont regroupées toutes les activités spatiales embarquées de la nouvelle société.

La première «grande» proposition

Au début de l'année 1966, l'ESRO lance un appel d'offres pour deux satellites scientifiques «lourds», dénommés TD1 et TD2 simplement parce que leur futur lanceur doit être la fusée américaine Thor-Delta.

En vue de cette réalisation, l'ESRO encourage les industriels européens à constituer des consortiums. La participation de Thomson puis de Thomson-CSF aux consortiums successifs EST et STAR sera exposée dans un chapitre séparé. Sur le plan pratique, après concertation avec le Bureau des Activités Spatiales, il est décidé que le Département Télécommunications pilotera la réponse à cet appel d'offres. Les matériels à proposer ne peuvent porter que sur la télémesure et la télécommande.

Le consortium EST (European Space Team) est formé de Elliott Automation Ltd (Royaume-Uni), Compagnie Française Thomson-Houston (France), FIAR (Italie), Fokker (Pays-Bas) et ASEA (Suède). Aucun de ses membres n'ayant encore acquis l'expérience de la gestion d'un programme de satellite, pas plus d'ailleurs que ses concurrents, il est décidé de faire appel aux conseils d'une société américaine ayant ce genre d'expérience. Le choix se porte sur General Electric, à cause des relations très anciennes que cette société entretient avec Thomson.

À Gennevilliers, les effectifs pouvant être affectés à ce travail de proposition ne sont pas très importants et le Service NF se trouve dans une période de surcharge. Il faut donc faire feu de tout bois. C'est ainsi que Jacques Chaumeron et Pierre Vivet sont appelés à revenir travailler dans le domaine spatial pour les besoins de cette proposition. Pour la fonction commerciale, on fait appel à Alphonse Piche, qui découvre à cette occasion le domaine spatial. Tous trois partent à Valley Forge pour une première période de deux semaines, durant laquelle General Electric et les membres du consortium doivent définir les principales caractéristiques de chacun des deux satellites à proposer ainsi que les objectifs de prix, établir le plan de la proposition et un programme de travail pour les différents partenaires, en vue d'une seconde réunion à tenir un mois plus tard pour mettre la proposition dans sa forme finale. Thomson obtient la responsabilité de l'ensemble du sous-système télémesure-télécommande.

Bien que cette tâche entre parfaitement dans son domaine de compétences, et bien qu'elle soit la seule parmi les Européens du consortium à faire état d'une expérience de matériel en orbite, puisque le satellite D1 a été lancé quelques semaines auparavant, l'équipe de Gennevilliers découvre avec stupeur l'énorme volume de documents que les Américains ont l'habitude de produire dans une proposition.

Au prix de quelques nuits blanches, et grâce à la participation de Roland Gosmand qui renforce l'équipe au cours du second séjour à Valley Forge, la proposition est prête aux premières heures de la matinée, le jour où elle doit être expédiée à l'ESRO. La traduction en anglais d'une partie des textes produits à Gennevilliers a été effectuée dans l'avion entre Paris et Philadelphie.

Les prix proposés par les trois consortiums concurrents s'échelonnent d'environ 16 millions à 19 millions d'unités de compte. Le consortium MESH, qui est le moins disant, l'emporte, mais l'ESRO, dans le cadre d'un marché en dépenses contrôlées, doit débourser près du double pour obtenir finalement le seul satellite TD1 et décider l'annulation de la suite du programme. L'équipe de Thomson, bien que déçue, a au moins acquis quelque expérience sur la rédaction d'une proposition de satellite et sur les méthodes de gestion d'une telle entreprise.

Les autres activités liées à l'espace

Durant les premières années de l'ère spatiale, les équipes de Gennevilliers étudient et réalisent également pour le CNES divers matériels d'infrastructure au sol :

- un système de réception de télémesure PFM, travaillant en bande de base entre 5 et 15 kHz, pour les satellites de la famille Diamant. Le système est basé sur une boucle d'asservissement phase/fréquence fonctionnant sur une plage voisine de l'octave, avec une très bonne résolution et un temps d'acquisition très rapide ;

- un système de réception de télémesure PCM destiné aux satellites des familles suivantes ;

- un système de distribution du temps destiné au centre spatial de Kourou pour apporter aux différents sites du centre une information horaire synchrone à la milliseconde, et recalée en absolu sur les systèmes de distribution radioélectrique du temps (WWV…), avec une précision de quelques millisecondes. L'information horaire est disponible dans les différents sites en conformité avec les divers standards numériques en usage sur la base. Le système, conçu à la Division DTC de Gennevilliers en coopération avec une petite société, est développé en relation avec Lepaute, et entièrement intégré et installé à Kourou par DTC. Sa précision et sa stabilité sont obtenues grâce à des sources de fréquences au rubidium réalisées par Rohde et Schwarz.

Pour l'ESRO, la Division DTC réalise des équipements de distribution du temps destinés aux centres de commande et de suivi de lancement des satellites de cette agence. Ces équipements, déduits de ceux déjà fournis au CNES, doivent, dans chacun des centres, fournir une information horaire synchrone dans les standards numériques en usage.

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